Le combat contre le Xeno'Jiiva va mettre votre ténacité à l'épreuve. || Pussly

Franchement des fois, ma célébrité me gâche la vie.
Non mais c’est vrai : je pensais pouvoir aller tranquillement queuter dehors, surtout que ce soit exceptionnellement il fait frais, sans doute l’approche tranquille de l’automne, ou d’une quelconque mousson si tant est qu’elle existe dans cette contrée folle. Que pouic : les pioupious ont débarqué en masse ce soir et le Huitzilin, plus que jamais, est une véritable volière. Ca baise dans absolument toutes les chambres et je suis certain que les coups de reins vont finir par faire s’écrouler cette pauvre bâtisse que j’ai racheté une bouchée de pain.
Je peux pas la laisser pleine à craquer tourner toute seule, c’est toujours quand on est pas là qu’il y a une merde.

Heureusement Basalte me sauve, ce tas de cailloux tatoué de partout qui me sert de vigile de temps en temps a accepté de se pointer ce soir et il est pas de la meilleure humeur du monde parce que apparemment son régulier s’est barré je ne sais où.
Quelle idée saugrenue d’avoir un régulier.

J’hésite sincèrement à le coller devant un dessin animé pour qu’il me lâche mais fort heureusement ça barde au premier étage et il monte voir. J’en profite pour prendre la poudre d’escampette si rapidement que je manque de m’emplâtrer un client dans l’encadrement de la porte.

« Ooops pardon mon cher, je vous en prie. » je m’efface de la porte, gentleman, pour le laisser rentrer.

Un rapide regard d’étude sur la personne que je croise m’informe que je ne suis pas le seul taré à se balader en costume – en même temps, les mauvaises langues vous diront que se balader en costar à quasiment minuit alors que la température devient presque supportable n’est finalement qu’une formalité, juste que personne ne le fait.

« Moi ? » je répète, affairé. « Décidément ma célébrité n’a plus de limites ! Enfin… ! »

Je reprends donc mon itinéraire et finis par sortir. L’absence de climatisation du Huitzilin rend le choc thermique avec l’extérieur inexistant. Je sors d’une poche intérieure un étui métallique contenant de très fins joints roulés entre les cuisses de ma femme, à la mexicaine, et en cale négligemment un entre mes dents.

« Ailleurs, clairement. » je confirme. « Je ne reste pas une seconde de plus dans cette volière, je vais devenir dingue. Basalte je reviens, mon poussin ! »

Une vague réponse me parvint et je décide de m’en satisfaire. Je fais crépiter un zippo métallique frappé de l’inscription « Je vois la vie en rose. » offert par Apolline quand nous habitions encore en France voilà une éternité me semble-t-il.

« Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? » je demande à l’inconnu, lâchant le vouvoiement que je laisse aux clients pour faire genre.

Rien ? C’est juste pour le plaisir de voir ma belle gueule ? Mais c’est tout à fait charmant dites-moi. Je fais passer cette pensée d’un sourire sans en dire davantage, lui jetant un regard espiègle lequel aurait peut-être pu avoir le don de me faire rajeunir si je prenais pas toutes ces cochonneries et si le temps n’avait pas déposé son impact sur ma tronche.

« Oh c’est vrai ? On est collègues alors, enchanté. »

Je n’aurais pas du tout eu cette réaction dans le Bronx. Là bas c’est la jungle et le plus souvent chacun pour soi ; si deux personnes travaillent dans le même business, où elles s’allient, ou elles s’entretuent pour récupérer un territoire plus grand et du pouvoir. Ici la mentalité ne fonctionne pas de cette manière. D’autant plus que je ne prends aucune commission sur la manière dont mes pioupious se font rémunérer – et c’est pas toujours en thune, bien souvent c’est de la drogue voire même de la bouffe – alors on peut pas tellement considérer mon histoire comme un vrai business.
Je fais ça pour pas m’ennuyer quoi. Et je m’ennuie pas ça c’est certain.

« Je risque de t’ennuyer mon lapin, je ne trafique pas grand-chose en dehors d’un moignon d’affaire d’oeuvre d’art que j’avais à New-York. Le Huitzilin n’est pas une affaire, je ne gagne absolument rien dessus. » C’a l’air d’un foutu caprice de riche dit comme ça. « Ooooh Pearl, viens par là ma chatte. »

La silhouette aguicheuse d’une belle plante castrée par son accoutrement plus serré tu crèves dépose un verre à fond épais devant moi et s’installe sur mes genoux, rangeant ses très longues jambes sur le côté.

« Tu disais que tu venais te présenter mais tu ne m’a pas dit comment t’appeler, mon cher. » je reprends, levant mon verre à sa santé.

Pearl émet un roucoulement exagéré en entendant le nom de notre ami du soir, comme si elle était concernée par la conversation, et je me contente d’un bref haussement de sourcils, étalant comme un rouge à lèvres le goût du sky sur mes lèvres d’un coup de langue.

« Pussycat, c’est adorable, on dirait un nom de scène. Tu te travestis toi aussi, ou… ? »

Il n’aura pas le temps de répondre tout de suite à ma question ; Pearl engage un courant d’air en quittant le contact de ma cuisse pour se nicher dans l’intimité d’une connaissance que j’aurais pu identifier simplement au pas assuré et à sa manière d’attirer l’attention sur lui ; Santiago aurait pu être un frère si la génétique avait fait son affaire autrement – en même temps je ne sais pas d’où je viens, disons que tout est possible. Je me penche légèrement quand je vois s’avancer la très grande et large silhouette que Tiago a appelée d’un signe comme on appelle un chien.

« Oh. » je commente d’un ton sérieux d’hommes d’affaires. « Je peux te piquer celui-ci, alors ? »

Me mordant le coin de la lèvre, j’attends qu’un jeune homme d’une vingtaine d’années à la longue chevelure dorée soit à ma hauteur pour saisir le paquet qu’il transporte entre ses jolies jambes ; le bellâtre lâche un couinement et se presse contre Santiago comme si je l’avais menacé de mort.

« Petite chose fragile, c’est chou. » je commente. « Je te les laisse, ce n’est pas mon genre. Bonne soirée. »

Un regard affirmé leur informe que la conversation est terminée et que je suis occupé à autre chose. Me tournant en direction de Pussycat donc, je reprends notre discussion où elle s’était arrêtée.

« Donc... » je souffle une fumée épicée au dessus de nos têtes. « qu’est-ce que tu trafiques ? »

« Ils sont là, ce serait dommage de n'en pas profiter. »

Ayant suivi du regard la triple paire de fesses qui se dirige ailleurs, j’en reviens à ce qui m’intéressait au départ, égrenant ma très longue et épaisse cigarette dans le cendrier prévu à cet effet, comme quoi ce bar est bien fait surtout quand il s’agit d’affaires.

« Les animaux exotiques, hm ? » je relève. Effectivement ce n’est pas un truc qu’on voit beaucoup. Je m’étais attendu à entendre parler d’organes, dont le marché est déplorable ici à cause de la chaleur, ou même d’esclaves car semble-t-il cette contrée n’a pas quitté le second empire encore. « Voilà qui est intéressant. »

Mais ce serait trop ce salir pour ce joli garçon qui semble avoir des costumes très chers qu’il serait dommage de tâcher. En ce sens nous sommes deux.

« Il n’a pas grande prétention. L’argent ne sert pas à grand-chose ici mon petit, tout marche par troc où par marchandises de première nécessité, ce qui fait que les plaques tournent et que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. La seule chose qui se monnaye ici, ce sont les passes pour aller de l’autre côté de la frontière, autrement dit pas grand-chose dans tout le business illégal dont cette petite ville est capable. »

Je fais rouler et tournoyer mon lourd zippo de métal entre mes doigts, songeant à tout ce fric qui vient de New York et dont désormais je ne sais plus que faire.

« Tu me proposes d’investir ou tu butines des informations comme une petite crapule ? »

« J’en avais un. » je confie avec un mouvement de poignet proche du crâne comme si je venais de sortir physiquement l’idée de ma tête. « Le perroquet empaillé au dessus de la porte quand tu rentres, celui avec l’ampoule allumée dans le bec. Mon brave Manoel. Pour un perroquet d’Australie il n’a pas trop supporté le climat désertique. C’est qu’on importe les bestiaux n’importe comment maintenant... »

Je relève les yeux sur lui.

« Enfin pourquoi me faire chier à payer des sommes astronomiques pour des bestiaux qui crèvent quand de beaux spécimens comme toi viennent à moi naturellement ? »

N’attendant pas de réponse, je me redresse sur ma chaise et reprends une gorgée de mon verre que j’associe aussitôt, méthodiquement, à une taffe de tabac épicé dont la fumée légèrement colorée tournoie au dessus de nos têtes dans l’ambiance tamisée du bar.

« Je fais dans le design et l’architecture. Français évidemment, il n’y a que là qu’on apprend les belles choses, quoique les nordiques se débrouillent pas trop mal. Mais ils ont une vision particulière de la chose, un peu trop pure et lisse. L’artiste français est plus brouillon, mais aussi plus viscéral. » Je cille dans sa direction. « Mais quelque chose me dit que tu es moins un artiste qu’un homme d’affaires. »

Je souffle ma fumée comme j’aurais soufflé un baiser.

« Mais si je peux investir ton cul, joli coeur, je ne dirais pas non. Je commence à être jaloux de cette chaise, c’est mon côté veille branche, ahah. »

Je balaie la politesse d'un mouvement de main comme j'aurais chassé un moustique tournoyant trop près de mon oreille. Mes voyages m’ont forgé de bien trop de croyances pour que je sois malheureux de la mort de ce perroquet. Croyez-moi qu'il est bien plus heureux où il est.
M’attendant à ce que le jeune homme refuse poliment ce qui est une invitation somme toute agressive (je ne suis pas le genre qui ait du temps à perdre dans ce domaine ceci dit), je tourne déjà mon corps vers la sortie du bar. Je suis toutefois surpris par sa réponse qui me tire un sourire.

-Tu supplies facilement, Pussycat. J'aime beaucoup cette manière de faire.

Nos maigres consommations de circonstances réglées, nous sortons dans l'air nocturne toujours aussi lourd, la clope en fin de vie en ce qui me concerne. Je désigne une allée plongée dans le noir, où je me faufile sans rien craindre, avec cet air d’empereur à qui la vie appartient tout entière.

-Qu'est-ce que tu attends ?