01 ; Il a jamais été là le paternel, les médailles qui décorent la poitrine pendant que toi et t’as mère vous faisiez tout pour vous en sortir. Tu n’as de lui qu’un souvenir diffus, les plaques passées autour de ton cou comme tout bon môme orphelin qui perd son père à la guerre. D’après les autres c’est là la source de ce qui te bouffe la poitrine
02 ; New Jersey, banlieue pourris, faut croire que ça n’a pas suffi à ta mère, pas assez de place pour elle et toi dans cet endroit qui promet une mort trop lente, douloureuse, elle rêve d’ailleurs et toi aussi. T’as besoin d’espace gamin, de courir partout, d’hurler trop fort la nuit comme un loup qui hurle à la lune.
03 ; Elle t’a trimballé un peu trop partout ta mère, vous deux dans la voiture cabossée, la fumée qui s’échappe trop souvent du capot, quand elle peste en remontant ses manches pour bricoler. T’aurais aimé continuer comme ça, sur la route, pour toujours. Mais ta mère s’est fracassé contre un homme qui brille un peu trop, c’était pas prévu dans votre plan putain, tu te sens trahit.
04 ; Tu l’aimes pas cette famille rafistolé, ça te vole ta mère, ça te coupe les ailes aussi. Gamin odieux, à piquer des crises, tout renverser, saccager, à hurler contre celui que tu méprise. Puis contre elle aussi, gamine fragile qu’on t’as balancé dans les pieds. D’enfant roi tu deviens enfant régulier. Il essaye de te remettre sur le droit chemin,
pense à ton père gamin, il dirait quoi du paradis mais toi t’en sais rien, ton père c’est ton majeur que tu lui tends pour t’avoir foutu dans cette merde sans nom.
05 ; T’as fugué plus d’une fois, jamais très loin, jamais très longtemps, les genoux écorchés et les sourcils froncés quand on t’a ramené à la maison. Tu t’es promis que lorsque tu pourrais, tu partirais, loin de cette famille qui veut pas de toi. T’es débile gamin, ouvre les yeux putain.
06 ; Il a fallu quelques temps, des semaines transformées en années pour que tu te laisses émerveiller. Filtre devant les yeux, c’est elle de ses doigts habiles, qu’a réussi te faire retrouver la vue. Luna si douce, à creuser sous tes remparts, creuser jusqu’à ton cœur pour si lover bien au chaud, entre deux battements.
07 ; C’est l’armée qui t’a accueilli, comme ton père ils t’ont ouvert les bras. 14 ans quand t’es rentré à l’école pour la première fois, apparemment y a que là-bas qu’on dresse les chiens comme toi. Bizarrement t’as aimé, cette rigueur, canaliser ta colère avec l’uniforme.
08 ; Tu sais pas où tu t’es planté, quel virage t’as mal négocié mais tu t’es ramassé contre elle, ta putain de Lune, avec ses yeux trop grand et ses lèvres assassines. T’avais pas compris avant, pourtant tu te demandes comment t’as pu être aussi aveugle, plus rien qui peut t’en séparer, t’en crèverais si on voulait te l’enlever.
09 ; Famille parait que ça s’écrit pas comme vous le voulez, le regard luisant des parents sur votre étreinte terrible. Famille parait que c’est pas bien dans ce sens-là, que ça se fait pas. Tu comprends pas pourtant, où est ce que c’est mal. Famille, si leur définition ne colle pas à la vôtre, c’est tant pis, c’est comme ça. 17 ans tu plaques tout, l’armée, l’école, ta mère. Plaques autour du cou c’est dans la bagnole cabossée que t’as tiré que vous vous enfuyez.
10 ; Des années de galère, à vivoter comme vous pouvez, enchainer les galères, les emmerdes, les crasses au cœur et au corps. Des années à essayer de respirer, sortir la tête hors de l’eau pour ne pas vous noyer. Il faut tout ça pour déposer sur les rivages de Slab City, ville perdue dans un désert où l’on ne s’aventure plus. T’as l’espoir que ça sera bien pour vous deux, dans votre cockpit bricolé, vie trafiquotée de vos mains motivées.