like a road movie

Like a road movie

Je bondis sur mes pieds, installée que j'étais sur le tabouret de bar, quand le klaxon se fait entendre. J'aperçois la voiture par la vitre mais je n'aurais pas eu besoin de me retourner pour savoir que c'est Lui. J'ai de la chance, c'est calme ce soir et même s'il reste encore un client, je ne suis pas seule et la serveuse a déjà accepté de fermer seule parce que je l'ai prévenue que je devrais partir. Je suis excitée comme une puce, comme on s'en doute. En temps normal, j'aurais tendu la perche à Slavenko avec l'intention réelle qu'il organise quelque chose pour nous, mais cette fois je n'étais vraiment pas sûre qu'il le fasse... En fait je n'ai pas osé y croire. J'essaie de me ménager ces derniers temps et les déceptions même les plus banales sont difficiles à encaisser. J'essaie surtout de ne pas trop penser à cette histoire de bébé dont je ne sais toujours pas quoi penser, et je me jette à corps perdu dans les projets d'aménagement du bunker pour m'occuper l'esprit.

Je sors comme une furie et m'engouffre dans la voiture, tout sourire, ma jupe en jean remontant sur mes cuisses quand je m'assois. Ouais, je tourne avec assez peu de fringues, hein... Je jette mes bras autour du cou de mon mari, fracasse ma bouche contre la sienne pour un baiser passionné, traduisant toute la reconnaissance que j'éprouve à la seule idée qu'il m'ait préparé une surprise. Dieu sait que c'est ce que je préfère au monde, les surprises qu'il me fait. Je le laisse reprendre son souffle en demandant : Je veux savoir où on va ! Je ne prends pas la peine d'attacher ma ceinture, d'office je prends la place qui est mienne, contre lui, passé autour de sa taille, ma main posée sur son ventre.

Son accueil quand elle s'engouffre dans la voiture me fait chaud au cœur et je sais à ce moment précis que tant qu'elle se jettera ainsi à mon cou, je pourrais être capable de tout et même remonter des abîmes les plus noires. Je savais que c'était important pour elle que j'organise quelque chose, qu'elle ait une surprise comme autrefois. Son ton péremptoire d'enfant gâtée me fait sourire et je la dévisage d'un air un peu moqueur, et de l'air de celui qui est en position de force pour la faire lanterner un peu. -Ah tu veux savoir ? Tu es bien curieuse srce. Tu sauras ... tout à l'heure, c'est une surprise. Tu peux te reposer un peu en attendant, pendant que je conduis.

L'auto radio de la vieille voiture est complètement foireux et je renonce à l'idée de subir le grésillement dérangeant qui se mêle à la musique. Je me cale comme je peux pour qu'elle puisse venir contre moi et je démarre pour une heure trente de conduite. -ça été le boulot ? Je fais la conversation, banale, pour la distraire de ses tentatives à me corrompre et me faire lâcher le morceau ! Je sais combien elle peut être très douée à ce petit jeu, mais cette fois elle devra prendre son mal en patience, je préfère qu'elle ait la surprise. J'espère que ça va lui plaire. On file vers le Sud, d'abord par la route de Mexicali, puis en bifurquant vers l'Ouest. Comme je lui ai dit nous ne passerons pas la frontière, mais nous nous enfonçons dans une zone désertique et peu habitée.

C'est fou comme les épreuves qu'on a traversées ensemble m'ont fait oublier tout le reste, ou au moins le relativiser. Je n'ai plus la moindre rancœur à son égard concernant le mal qu'il a pu me faire par le passé. Certaines périodes de notre relation ont pourtant été terriblement noires, mais je crois qu'on en est sortis pour de bon. On ne se fera plus jamais autant de mal, pas l'un à l'autre en tout cas, pas alors qu'on a tant besoin de l'autre, qu'on a enduré tant de choses pour pouvoir être ensemble. Les erreurs passées me semblent aujourd'hui presque dérisoires tant je mesure ma chance de pouvoir encore être à ses côtés. C'est à ça que je pense, encore aujourd'hui, chaque fois que je le vois, je vis chaque seconde comme un miracle parce que je l'ai cru mort. Il est vivant, on est ensemble, c'est tout ce qui compte et ça me rend un peu plus heureuse chaque jour. La surprise de ce soir ne fait que contribuer à chasser le vague à l'âme qui m'habitait depuis notre arrivée.

J'écarquille les yeux, secoue vivement la tête. Tout à l'heure ? Comment ça tout à l'heure ? Tu sais très bien que je tiendrais jamais une heure et demie ! Je suis outrée qu'il me pense sincèrement capable de cet exploit. Je fronce les sourcils en me décollant un peu, non pas que je boude mais il fait quand même super chaud dans la bagnole et c'est plus désagréable qu'avant d'être sans cesse collée à lui. Je garde ma main sur son ventre malgré tout. C'était agité ce soir, comme tous les vendredis mais il s'est rien passé de fou. Je hausse les épaules, pour l'instant je n'ai pas eu d'ennuis au Sleepy Wolverine. Je fouille dans mon sac et tire mon portefeuille pour l'agiter sous son nez d'un air mutin et fiérot. Oh, si, j'ai eu un joli pourboire. Ce n'est pas négligeable en ce moment ! Et toi, ta soirée ?

Je jette un regard vers elle quand elle se décolle de moi, et je pose ma main sur la sienne qui est sur mon ventre, histoire qu'elle ne s'éloigne pas trop. -mais si, c'est rien une heure et demi, et ça en vaut la peine, j'te promets.

J'ai des sentiments mitigés à la mention du pourboire conséquent, je sais très bien que dans ces bars c'est parce que la serveuse ou barmaid plaisent qu'on leur lâche des billets, sans doute dans l'espoir de les éblouir. Ça fait parti du job mais je n'aime pas beaucoup l'idée que Nina se fasse draguer. Comme je n'aimais pas non plus l'idée qu'elle appâte ses proies à cambrioler par ses charmes. Je me force pourtant à esquisser un sourire et je mens en feintant un enthousiasme plus grand que réellement -Super ! Mais tu ne devrais pas en avoir besoin ce soir, srce moje. Pas de shopping Je donne le change parce que d'un autre coté je sais bien qu'elle n'est pas ravie que je rebosse avec les filles donc je mets de l'eau dans mon vin et je tâche de ne plus être aussi jaloux qu'autrefois !  -J'étais au Pussy'cars avant de venir te chercher. Ça s'est bien passé. Je ne peux pas comme autrefois avoir une surveillance continue mais d'être suffisamment présent assure une certaine sécurité aux filles. Le reste du temps Tania veille au grain, je lui apprends à se défendre et à défendre ses collègues. Mes relations avec les filles ont drastiquement changé, nous ne sommes plus du tout dans la même configuration qu'autrefois où elles remboursaient leurs dettes. J'ai du composer avec notre nouvelle situation et elles touchent un salaire à présent. A coté de ça, on leur a fourni le logement et une forme de protection.

Je fronce les sourcils, plisse le nez en esquissant une moue dubitative. D'ordinaire il se plie au jeu, accepte de me donner des indices et il finit par lâcher le morceau. Ce soir je crois qu'il a vraiment envie de garder la surprise alors pour une fois je décide de ne pas insister, de ne pas à tout prix chercher à ce qu'il change d'avis. Je hoche la tête, dans un sourire un peu déçu néanmoins. Bon, d'accord... Je soupire, pose ma tête sur son épaule pour me réconforter d'une façon ou d'une autre en attendant de voir ce qu'il me réserve. Je n'ai jamais été de nature très patiente.

Il n'imagine pas à quel point il se trompe concernant la jalousie dont il a pu faire preuve par le passé, en réalité c'est quelque chose qui me manque aujourd'hui, parce que d'une certaine manière ça définissait notre relation. Et ça le définissait lui, aussi. Sa jalousie, sa possessivité. Aujourd'hui, ça me donne surtout l'impression qu'il m'aime un peu moins qu'avant, ou en tout cas plus de la même manière et ce n'est pas forcément quelque chose de positif à mes yeux. C'est comme un signe que la passion qui nous liait est en train de faiblir, à dire vrai ça me terrifie. J'essaie, moi aussi, de donner le change. Je me doutais bien qu'on ferait pas de shopping de nuit, t'en fais pas. Mais je vais les mettre de côté, comme le reste. J'ai toujours dans l'idée de nous offrir une meilleure vie, et j'économise autant que possible pour y parvenir.

A la mention du Pussycar, je hoche la tête dans un sourire. Tant mieux. Moi je suis toujours aussi jalouse, peut-être même plus qu'avant justement parce qu'il l'est moins et que ma confiance en moi en pâtit. Ces filles-là sont payées pour séduire, après tout. Mais je n'ai pas envie comme autrefois de rester à l'écart, je nourris le sentiment que si je m'implique, si je suis présente, j'aurais moins de mauvaises surprises. Ca fonctionne bien dans le coin ?

Je suis un peu surpris qu'elle n'insiste pas et je lui jette un regard en coin, on m'a changé ma femme ! La voilà presque patiente et raisonnable ! Elle se cale contre mon épaule et du pouce, je caresse sa main dans un geste tendre.

Je marque une petite moue de réflexion avant de répondre - Mieux que je pensais si on fout pas les prix trop hauts vu qu'on est sur le campement. En ville ce serait différent, mais y a déjà Greg, et aussi j'ai appris que Sly s'occupe aussi d'une maison, tu le savais ? Le Huitzilin... drôle de nom. Mais sinon y a moins de violence que je pensais. C'est même carrément plus tranquille que le Bronx. Ca fait encore bizarre aux filles d'être dans un coin si paumé, et puis le logement aussi les change, y a pas, mais elles ont l'air de s'adapter. Cindy a un peu de mal avec la chaleur, mais en même temps avec quoi elle a pas du mal ? De toutes mes filles, Cindy est la plus princesse, précieuse et décervelée, mais elle a du succès alors... En tout cas, Tania se débrouille très bien pour gérer quand j'suis pas là. Elle a de la poigne cette fille. Tu vas voir que d'ici deux mois elle va prendre ma place ! Son seul problème c'est qu'elle parlait déjà pas anglais, mais espagnol, c'est pire !

Lorsqu'il mentionne Sly, je hoche la tête. Je savais pas que ça s'appelait comme ça mais oui, il m'en a parlé. Avec ses propres mots, et toute la délicatesse dont il fait preuve lorsqu'il s'adresse à moi, mais il m'en a parlé. À croire que le proxénétisme est devenu à la mode. C'est vrai que c'est tranquille, moi aussi j'm'attendais à ce que ce soit plus... Dangereux. J'ai eu le temps d'entendre beaucoup d'histoires à propos de cette ville, et quand je bossais chez Queenie nombreuses sont les personnes qui m'ont vivement conseillé de ne pas me balader seule la nuit dans le campement. Pourtant à ce jour je n'ai pas été emmerdée et je me sens moins en danger que j'ai pu l'être dans le Bronx... Peut-être que c'est calme parce que c'est la saison ici où les gens s'en vont ? Peut-être que d'ici quelques mois ce sera le bordel ?

Mon regard s'assombrit à la mention de Tania, je n'aime pas du tout cette fille. Depuis que je l'ai vue au Pussybox, que j'ai vu sa façon de regarder Slavenko, la façon dont elle possedait les lieux aussi comme si elle était chez elle. Je m'en méfie parce qu'elle n'a pas l'air stupide du tout. Dis-le pour rire, tu devrais faire gaffe quand même, je l'imagine très bien jouer les maquerelles. Au départ je désapprouvais complètement, mais les filles qui ont suivi Legence sont venues de leur plein gré, alors je n'ai pas vraiment de pitié ou de compassion pour elles, plus maintenant en tout cas. Je veille juste sur mon mari, et je prie pour que lui ne veille pas trop sur elles. La vision de Magda en train de tremper son tee-shirt de ses larmes est encore incrustée sous ma rétine. Je tourne la tête vers lui et demande sincèrement : T'es heureux d'avoir pu retrouver ce business-là ?

Malgré la conversation, toujours un peu dérangeante pour moi, je n'ai pas quitté la route des yeux et je m'effondre de lire les panneaux pour deviner l'endroit où il m'emmène. Mais comme je ne connais pas du tout le coin, les panneaux ne m'aident absolument pas !

Je suis dubitatif sur le fait que Sly tienne ce genre de boulot. Je ne l'imaginais pas tenir une maison de passe comme quoi je ne le connais vraiment pas ! C'est l'ami de Nina et nos contacts n'ont été qu'à travers elle et finalement assez superficiels. C'est en ville aussi je ne marche pas vraiment sur ses plate-bandes. J'ai les mêmes réflexions que Nina a propos de la ville. Humm les snowbirds vont pas tarder à revenir, le campement va se remplir, il parait que ça peut faire fois dix les grandes années ! Mais la ville est aussi un lieu de transit entre Mexicali et Tijuana, le parcours des routiers, mais aussi des étudiants lors des summer breaks. C'est comme ça que le jeune crétin qui draguait Nina est venu au Queenie.

Pour rire ? Mouai, j'suis sérieux. Moi aussi je la vois très bien... Pourquoi pas après tout, je ne sais pas trop ce que nous réserve l'avenir ici. Peut-être que si je reprends un autre business avec Legence. Il y a toujours Las Vegas pas loin. Et la frontière Mexicaine. Si on avait pas autant d'ennuis il y aurait plein de possibilités.  La question de Nina me surprend, et je lui lance un regard sans trop savoir quoi répondre. Ce n'est pas le genre de considérations existentielles que je vais me poser. C'est un boulot facile que je sais faire, qui rapporte un peu de pognon en plus, que demander de plus ? "C'est pas très compliqué, ça roule tout seul comme business."

On roule vers le Sud puis l'ouest sur une longue bande d'asphalte où on ne croise personne hormis un poids lourd de loin en loin. Il faut une heure et quart avant que je ne bifurque vers Sunny Heaven. Je m'arrête près d'un portail fermé par un lourd cadenas à chaine "On va avoir besoin de tes talent pour crocheter la porte srce moje !"

Je hausse les épaules. On verra bien cet hiver, c'est dans pas si longtemps. Les températures commencent déjà à s'adoucir un peu au mois de septembre, mais la différence devient significative dès le mois d'octobre, autrement dit dans très peu de temps. En plein hiver, lorsque le soleil se couche, on descend facilement aux alentours de cinq degrés. Vous n'imaginez pas à quel point je suis ravie à l'idée d'avoir froid à nouveau ! J'ai un sourire malgré tout. Je suis contente, n'empêche... Quand le campement va commencer à se repeupler, on sera mieux dans le bunker que dans le van. Plus en sécurité, et pas une cible pour d'éventuels voleurs surtout.

Je ne suis pas vraiment surprise par sa réponse, Slavenko ne s'est jamais vraiment posé la question de ce qui le rendait heureux ou pas... On a eu de longues discussions, et quelques disputes à ce sujet, parce qu'il ne me disait jamais ce dont lui avait envie. Cette fois pourtant je me contente de hocher la tête, parce que je comprends ce qu'il veut dire et qu'on n'est pas encore en position de se poser ce genre de questions...

Je plisse le nez quand il s'arrête devant le portail, je ne m'attendais pas du tout à ça. C'est une baraque ? T'as trouvé ça comment ? T'es sûr que personne va se pointer ? Un hôtel ou une maison volée, c'est du pareil au même pour moi, j'ai juste pas très envie que notre première escapade ensemble depuis des lustres soit écourtée parce que le propriétaire se serait pointé. Cela dit, comme je lui fais confiance, je demande : Tu pètes la chaîne ou j'essaie d'ouvrir le cadenas ?

Moi aussi je suis content de me dire que les températures vont descendre. Je tiens assez bien la chaleur mais quand même ! 45° c'est beaucoup trop ! En ce moment on est déjà redescendu à 40° et c'est une baisse significative. Vivement que ça baisse encore un peu, je peine à imaginer qu'on ne puisse avoir que vingt degré en journée ! —Tu as raison, on sera bien mieux dans le Bunker. Pour l'instant, tant que Nina n'est même pas sure d'être enceinte, on dort dans la chambre du haut, simplement parce qu'il y a plus d'espace et de la lumière. Nina n'aime pas le noir. Par la suite de toute façon, je préfèrerais que la chambre du gamin soit en sous-sol. Qu'on soit obligé de passer par nous pour l'atteindre. Oui je suis toujours parano et prudent. Mais pour le moment, ce sous-sol est le royaume des plantes. Il faut que je trouve quelqu'un à qui vendre les plants pour nous débarrasser. Ça urge pas. En attendant on de la weed gratos.

—Yep c'est une villa, mais elle est vide en ce moment, le proprio n'y fout les pieds qu'à Noël et Nouvel an. Je l'ai su par bouche à oreille dans un groupe que j'ai passé. On n'est passé pas loin d'ici parce que c'était chaud à la frontière ce soir là. Beaucoup de guardians étaient de sorti. Et du coup... J'ai rien pour péter la chaine, à toi de crocheter moj andjeo sinon on est à la rue.

Je me suis surprise à apprécier le bunker, sans doute par opposition au van parce qu'il y fait déjà beaucoup, beaucoup moins chaud, vraiment. En plus de ça, on s'y sent forcément plus en sécurité, et pour l'instant il n'y fait pas noir. Il reste des tas d'aménagements à faire, bien-sûr, mais on a le temps puisqu'on est toujours mieux lotis qu'auparavant. Et malgré tout, comme il le pense si bien, puisque je ne suis pas enceinte pour le moment (ou alors je n'ai aucun symptôme), nous ne sommes pas pressés. Cela dit quelque chose me dit que si j'apprenais une grossesse, je deviendrais tout de suite beaucoup plus impatiente et exigeante. Mieux vaut donc peut-être profiter de l'accalmie pour commencer les aménagement les plus compliqués, tant que je ne suis pas encore trop stressée. J'ai hâte qu'on l'aménage comme on veut... Tu crois qu'on devrait monter un lit quand même ? J'aime beaucoup la suspension dans laquelle dormaient Alyosha et Niilo, mais je pense que si je tombe enceinte... Ça va devenir un peu plus compliqué.

Je plisse le nez, rassurée quand il m'assure que le propriétaire ne risque pas de débarquer avant la fin de l'année, ce qui nous laisse quand même pas mal de marge ! Donc ta surprise est entièrement basée sur mes talents de cambrioleuse ! Et si j'ai tout oublié, mh ? Je lui tire la langue, mutine avant de sortir de la voiture, mon sac à la main. Heureusement que j'ai toujours ce qu'il faut là-dedans parce qu'on aurait été bien dans la merde sinon. Je crois que je n'ai pas trop perdu la main, je mets un peu plus de temps qu'autrefois mais je viens malgré tout à bout du cadenas. Il faudrait vraiment que je m'entraîne à nouveau si je ne veux pas devenir complètement inutile ! Je me tourne vers la voiture, tout sourire, lève les mains l'air de dire "TADA !"

—Pour le bébé ? ouai, ce sera mieux qu'il soit pas suspendu en l'air. Quelle drôle d'idée de dormir en l'air. J'sais même pas comment ils pouvaient baiser là dedans ! Remarque avec le bordel des plantes, y a pas trop de place autrement...

Je sors de la caisse pour approcher de la porte avec Nina. —J'ai jamais dit que t'allais pas bosser ce soir, et t'as pas du trop perdre la main depuis Niland... Petite pique à son escapade que je ne voulais pas qu'elle fasse mais qu'elle a fait quand même, têtue qu'elle ait ! Si elle se sentait assez en confiance pour aller cambrioler aux USA, seule, elle va pas me dire qu'un portail perdu dans le désert va lui faire peur ! Son air fiérot me fait sourire et je lève les yeux au ciel de son accès de triomphalisme, amusé. —bah voilà.

on remonte en voiture, j'avance un peu avant de m'arrêter à nouveau pour refermer le portail derrière nous - du moins en apparence. Puis on remonte en bagnole l'allée bordée de cactus géant. Au bout une hacienda de plein de pied devant laquelle je me gare. On sort pour faire le tour de la villa, repérer les portes et fenêtres et que Nina choisisse l'entrée la plus facile à crocheter. Derrière il y a une piscine bâchée. Je ne sais s'il y a de l'eau dedans, j'espère que oui ! Ce serait vraiment le pied ! Je vais tout de suite voir en soulevant un coin de la bâche et j'ai un large sourire parce que la piscine est pleine et l'eau étonnamment propre ! J'entreprends de virer la protection pour qu'on puisse se baigner.

Je plisse le nez. Non je voulais dire pour nous. Ça me semble assez évident que notre enfant ne dormira pas dans un nid suspendu ! Non mais pour quel genre de femme il me prend ? Et lui, pour que l'idée lui traverse l'esprit que ce soit possible ?! Je papillonne néanmoins des cils avec un sourire mutin. On n'a pas encore essayé, tu sais...? Je suis sûre qu'on arriverait à se débrouiller. Si le couple Dahl y parvenait, il n'y a aucune raison pour qu'on n'y arrive pas nous-mêmes. Et puis mince, où est passé notre sens de l'aventure ? Notre envie de toujours tout essayer, partout ? Sûr que depuis qu'on ne baise plus que chez nous, notre quotidien a foutrement évolué !

Tu parles, Niland c'était du gâteau. La serrure était d'une banalité affolante, et d'une facilité déconcertante à forcer. Ç'avait été un jeu d'enfant et en plus de ça, ça m'avait pas mal rapporté. Je remonte en voiture avec lui et écarquille les yeux en avisant l'allée de cactus. Mon dieu où est-ce qu'on est tombés ? Cet endroit est absolument immense et le type n'y est qu'une semaine par an ? C'est une blague ? Ou alors... On bute le proprio et on pique sa baraque. Non pas que je sois pour le meurtre en règle générale m'enfin merde, vous avez vu cet endroit ? Je plisse le nez, demande de façon complet intéressée : Il a une femme ? Une fille ? Une maîtresse ? Tu crois que je peux trouver des fringues ici ? C'est devenu le nouveau combat de ma vie, un combat bien superficiel pour m'occuper en attendant de mener celui qui nous importe vraiment.

On est chanceux, il n'y a pas de caméras de surveillance, c'est d'ailleurs fou que cet endroit ne soit pas mieux gardé. À peine une alarme ridicule que je désactive sans mal. En revanche plutôt que la porte d'entrée, j'opte pour une portr à l'arrière de la maison, qui donne visiblement sur la cuisine, elle s'avère plus facile à forcer. Sans entrer à l'intérieur, je me tourne vers Slavenko, tend la main vers lui, le regard brillant. C'est ta surprise, tu dois me faire visiter.

Je ne suis pas du tout convaincu que baiser dans un "nid" soit génial. C'est comme baiser dans un hamac, je ne  vois pas du tout le fun de la situation? Plutôt le coté exaspérant d'être entravé dans un filet.

—Si c'est sa maison secondaire, pas sur que buter le proprio passe inaperçu. Ou alors tu devras te faire passer pour sa femme pour hériter. Enfin j'en sais rien s'il a déjà une femme ! J'suis jamais venu ici srce ! Cette maison, c'est un peu une légende urbaine, mais il se trouve que j'me suis renseigné et qu'elle existait vraiment, ça valait la peine de venir voir.

Je laisse Nina crocheter et je la suis, prudent. J'ai le glock de toute façon. Dans la cuisine, ça sent un peu le renfermé. Si ça fait un an que cette maison est close pas étonnant. Mais c'est propre, quelqu'un doit venir faire le ménage régulièrement. C'est très traditionnel avec des meubles en bois massif et des carreaux colorés. Je m'imagine que c'est un mexicain riche ayant une maison secondaire aux USA. En fait j'en sais rien du tout, ça pourrait aussi bien être la baraque de Brad Pitt ! Je passe devant pour entrer dans le vaste salon au gigantesque canapé en cuir aux multiples coussins colorés. Il fait assez sombre et je n'y vois pas grand chose, je manque de me cogner dans une mini table basse. —Jebote...

Je roule des yeux, faussement exaspérée. Rabat-joie. Le fait qu'il ait raison n'y change absolument rien. En plus il repousse, par son silence, ma proposition de tester le nid. Une légende urbaine ? À ce point ? J'espère que personne n'aura eu la même idée que nous ce soir... Ça a toujours été ma principale préoccupation chaque fois qu'on est partis tous les deux : qu'on ne soit pas dérangés, aussi bien par des indésirables que par son boulot ou sa famille. J'ai eu très rapidement ce besoin de me retrouver seule avec lui, et je ne pense pas me tromper en disant que c'était réciproque.

Je fronce les sourcils, vexée parce qu'il a dédaigné ma main pour passer en mode défense, presque militaire quand j'essayais de me montrer joueuse. Je sais pourtant que je ne peux pas lui en vouloir alors je me tais. J'entre à mon tour, plissant les yeux pour percer l'obscurité. Je suis habituée à évoluer dans la pénombre, la joie des cambriolages, et je ne me cogne pas. J'écarquille les yeux en me laissant lourdement tomber sur le canapé. Oh bon sang c'que c'est confortable ! Ouais y a pas, le confort me manque que voulez-vous ? Je ferme les yeux quelques secondes dans un soupir de bien-être avant de relever le nez. Alors on passe la nuit ici ?

J'ai un léger rire. —Disons que ceux qui en parlaient l'avaient jamais vu cette baraque perdue dans le désert. Y a pas mal de fantasmes sur qui seraient son proprio !

Je checke autour de nous, du même air de prudence et de méfiance. —ouai on passe la nuit ici. Hôtel 4 étoiles, srce. Mais d'abord, on va faire le tour de la baraque, ok ? Elle est de plain pied et je veux simplement m'assurer de ne pas avoir de mauvaises surprises. —Tu veux pas nous trouver le bar ?

Comme la maison a été fermée pour une longue période, tout a été coupé l'électricité comme l'eau. Mais la piscine est remplie c'est déjà ça ! Dans la chambre, le matelas est recouvert un grand drap et il n'y a ni oreiller ni couette. La salle de bain est vide également. Mais au moins c'est bien vide, pas de mauvaise surprise. J'ouvre une porte de placard à la volée. et je hausse le ton pour appeler Nina. —Nina ?! Y a des fringues ici ! De nana ! ça s'trouve c'est UNE propriétaire. Rien ne dit le contraire en tout cas.

J'arque un sourcil, amusée. Des fantasmes, rien que ça ? Les nanas doivent s'imaginer le riche propriétaire qu'elles pourraient séduire pour avoir accès à sa fortune, les hommes pensent peut-être à une veuve qui n'attend que d'être consolée... Moi j'ai d'autres préoccupations, entre autres je me demande pourquoi un type irait s'isoler à ce point dans ce coin perdu, il n'y a pas grand chose alentour... Et surtout pourquoi construire une baraque pareille pour n'y aller que deux jours par an ? Ces gens qui savent plus quoi faire de leurs thunes, sérieux...

On se sépare pour explorer la maison, et pendant que Slavenko s'éloigne, je fouille la cuisine histoire de savoir si on va crever de faim ce soir ou pas. Je soupire, déçue parce que les placards sont entièrement vides, il n'y a même pas de trucs non périssables qu'on pourrait cuisiner, nada. Si le type n'es pas venu depuis un an, c'est compréhensible... Peut-être qu'il envoie quelqu'un faire des courses juste avant de venir. Comme il m'a envoyée chercher le bar, je retourne dans le salon, cherche d'éventuelles bouteilles d'alcool sans rien trouver du tout, encore une fois. Je lance tout haut : J'espère qu'il a une réserve secrète quelque part parce qu'autrement on va crever d'soif. Je peux me passer de bouffe, ça ouais, mais j'étais plutôt enthousiaste à l'idée d'ouvrir des bouteilles méga chères, voyez ?

Comme il m'appelle en parlant de fringues, j'accours pour voir ça de mes yeux. Je plisse le nez devant l'IMMENSE dressing et je chope une robe au hasard pour mater l'étiquette. C'est ma taille ! Bon, donc on va mourir de faim et de soif, mais j'ai de quoi m'habiller. En plus putain, rien à voir avec les fringues de la mexicaine, c'est bien plus classe ! Je me tourne vers Slavenko, tout sourire. Prévois une longue séance d'essayage dans ton programme, j'te préviens. Et d'la place dans la caisse, aussi.

Je crois que Nina se fout de ma poire et je ne renchéris pas sur les fantasmes des mexicains migrants que je passe. Je ne trouve pas ça si étrange, parler de ça les occupe pour ne pas penser à leur propre situation merdique.

—j'ai de l'eau dans la bagnole dans mon sac... Pour la bouffe malheureusement... Bah je crèverais de faim, tant pis. J'espère juste que Nina a mangé au taf ! La maison semble désespérément vide hormis quelques fringues, produits ménagers et deux trois bricoles sans valeur. C'est normal, c'est mal sécurisé, donc ils ne laissent rien de valeur, surtout comme la maison est isolée et inexploitée à l'année ! Je suis content qu'elle trouve au moins des fringues à sa taille, je sais comme ça lui manque cruellement. Ma voix se fait subtilement plus rauque —Y a toute la place qu'il faut dans la bagnole moj andjeo. Et j'espère bien avoir droit à un défilé srce moje...Pourquoi pas commencer tout de suite ? Je sors du placard deux coussins emballés dans un plastique et je les libère avant de les jeter sur le pieu où je m'installe, tout habillé, allongé, le dos appuyé contre les oreillers et le mur. J'affiche un sourire amusé, en mode pacha au spectacle !

Je hausse les épaules. Moui, de l'eau ça fera l'affaire. C'est trop bête, si j'avais su j'aurais pris une bouteille au bar, quitte à la payer mais au moins on aurait eu de quoi s'amuser un peu ce soir, on n'a pas besoin de boire comme des trous non plus... Cela dit ça nous rappellera le temps où on vivait d'amour et d'eau fraîche, n'est-ce pas ? Dans le fond ça n'a pas grande importance, et même si la maison est magnifique, ce n'est pas ce qui compte non plus. Je suis juste heureuse d'être seule avec lui dans un lieu inconnu. Parce que les lieux inconnus sont neutres, qu'ils n'ont aucun souvenir négatif et nous permettent de nous retrouver. C'est encore mieux que ce que j'aurais pu espérer dans les conditions actuelles.

Mon sourire se fait mutin à sa proposition et j'acquiesce, amusée de le voir s'installer déjà. Je disparais dans le dressing, refermant la porte derrière moi. Il est immense, vraiment, mais pas rempli, comme on s'en doute puisqu'il n'y a personne à l'année. Mais bon sang, si une femme vivait là toute l'année, je ne suis pas sûre qu'elle aurait assez de fringues pour tout remplir malgré tout. Je note rapidement que les chaussures ne sont malheureusement pas à ma taille, mais ça ne fait rien, je ne crois pas que mettre des escarpins sur le campement soit de toute façon une bonne idée.

Comme il s'agit d'un jeu, j'opte pour une fois pour une tenue qui ne me ressemble pas forcément, je verrais plus tard ce que je ramène chez nous, là j'ai seulement envie de m'amuser un peu. Je me retrouve donc affublée d'une mini-jupe en cuir (m'étonne pas qu'elle la laisse ici, faut oser sortir habillée comme ça dans le coin) et d'un chemisier blanc, presque transparent. En mode secrétaire mais de film porno. Je noue rapidement mes cheveux en une queue de cheval pour parfaire le tableau, et je rouvre la porte, essayant de réprimer mon sourire.

Je n'ai pas pensé à prendre la téquila parce que je suis parti bille en tête et qu'en plus comme j'aime pas ça, j'oublie tout le temps cette bouteille qu'on a ! Mais ça m'est égal si ce n'est que Nina est déçue. J'aurais voulu que la soirée comble ses attentes, mais il semble que je doive renoncer à ce qu'elle soit parfaite. En même temps, comment dire...Kovács est rarement synonyme de perfection, ha ha !

Je prends mes aises et tandis que Nina est dans le dressing, je me fais le plaisir d'allumer une clope, dégotant même  sur la table basse un vide- poche qui fera très bien l'affaire d'un cendrier. je le pose près de moi sur le matelas, histoire que j'ai même pas à tendre le bras, pure feignantise absolue !

Elle revient et sa perfection sexy me coupe le souffle. Je sais pourquoi elle a choisi cette tenue, elle connait tous les défauts de ma cuirasse, tous mes fantasmes. Et celui-là est trop facile pour elle. Un sourire étire mes lèvres, le même que je lis dans son regard. Nous nous comprenons. "Srce...tu vas au bureau comme ça ? Je veux bien être ton patron si c'est ça ! Tourne toi un peu ? "