Nina Kovacs - Nowhere to hide

NOM. Anciennement Sykes. Celui de personne, celui de tout le monde. D'une famille dont elle ne se souvient plus et qui n'était pas la sienne. Depuis le 18 novembre 2016, elle porte celui de Kovacs, incrusté sous sa chair.  PRÉNOM(s). Nina. Pour éviter que ça écorche la langue, que ce soit trop dur à prononcer, trop long à retenir. Pour que ça sonne enfant perdue qu'on voudrait bien chez soi. Tentative échouée, puisque personne n'en a voulu. ÂGE. Vingt-cinq ans DATE ET LIEU DE NAISSANCE. 5 août 1992, Nouvelle-Orléans, en Louisiane, de parents inconnus ORIGINES/NATIONALITÉ. Elle a appris récemment que sa mère biologique est polonaise, mais elle se considère comme américaine. TAFF. Cambrioleuse au sens de la discrétion aiguisé, félin agile qui se hisse aussi bien par-dessus les portails des résidences luxueuses que derrière les coffres des bijouteries. Hackeuse dont les talents n’ont pas été suffisants pour la sauver de la déchéance. Aujourd’hui, elle se retrouve à faire le service au dinner de Queenie. STATUT CIVIL. Mariée, propriété très privée d'un serbe qui s'est approprié sa peau. GROUPE. Ostria

Et ta piaule, à quoi elle ressemble ? Un van bleu et blanc récupéré à la décharge, hors d’état de rouler, abîmé mais récupérable. Ils se sont installés un peu en retrait du campement, près du canal, sous l’un des rares arbres offrant de l’ombre dans ce coin désertique. La caravane est entourée de palissades en palettes qui délimitent leur espace, et des toiles d’ombrage sont tendues à l’extérieur.

Comment t'as débarqué ?  Durant leur cavale, ils sont tombés sur un routier qui se rendait au Mexique et qui a accepté de les déposer à Slab City pour qu’ils échappent à leurs poursuivants. Sur place, Nina a retrouvé Sly et Samuel, des amis proches, qui leur ont permis de survivre les premiers jours.

Qu'est-ce que t'espères trouver ici ? L’espoir est mort, réduit en cendres en même temps que le Chalet et tout ce qu’ils possédaient. Aujourd’hui, la seule chose à laquelle elle aspire encore, c’est rester en vie grâce à l’anonymat offert par Slab City.

Nina est née en Louisiane, abandonnée à la naissance par une mère dont elle ne sait rien, accueillie par un orphelinat de la Nouvelle-Orléans dont elle ne parviendra jamais réellement à se défaire. Elle fait partie de ces enfants jetables, interchangeables, de ceux que l’Amérique autorise à retourner à l’expéditeur en cas d’insatisfaction. Le service après-vente est d’une facilité déconcertante, aucun motif n’est demandé, la période d’essai illimitée, il suffit aux foyers d’accueil de déclarer l’incompatibilité pour que l’enfant soit renvoyé. Des foyers, elle en connaîtra cinq différents, de la famille ultra conservatrice au patriarche violent, en passant par ceux qui se rendront compte un peu trop tard qu’élever un enfant coûte de l’argent. Jusqu’à son émancipation, à l’âge de seize ans. C’est la première impression de liberté qu’on lui offre. La première désillusion aussi.

Malgré les centres d’accueil, elle vit comme une enfant des rues, se liant d’amitié avec ceux qui comme elle ne semblent pas pouvoir se faire une place dans la société. A leurs côtés, elle apprend à se débrouiller seule, à ne dépendre de personne pour s’en sortir. Déjà menue, discrète et agile, elle découvre très jeune comment mettre ces qualités à profit pour des activités plus lucratives. Ils sont une petite bande à faire les poches des touristes qui flânent dans le quartier français, à désactiver les alarmes des villas de luxe et à organiser les casses de petites bijouteries. Nina tire son épingle du jeu, douée, ce qui ne l’empêche pourtant pas de frôler la taule.

C’est une rencontre insolite qui l’en empêche. Il s’appelle Tobias, est à la tête du bordel le plus prisé de l’Etat, d’une organisation criminelle de grande envergure et à la colle avec les autorités. Il la remarque, lui propose de bosser pour lui, de participer à des braquages de plus grande envergure. Peu à peu, le patron devient l’amant, jusqu’à ce qu’il réclame plus que ce qu’elle est prête à lui offrir. Alors leur relation dérive, l’homme se révèle. La cambrioleuse est vendue au sein du bordel, abandonnée entre les griffes de mâles dont l’argent permet de déployer leurs plus bas instincts. Entre violence et drogue, c’est la déchéance durant de longs mois, jusqu’à la délivrance inespérée.

Nina parvient à prendre la fuite, non sans laisser dans son sillage quelques cadavres, pour échouer dans le Bronx. A New-York, c’est une nouvelle vie qui s’offre à elle, un abri, une échappatoire. Et ses pas la mènent jusqu’à Slavenko Kovacs. Le serbe baigne dans les trafics d’armes, de drogue, le mercenariat et le proxénétisme. Il devrait représenter tout ce qu’elle hait, et pourtant Nina ne trouve pas la force de lutter contre lui. L’attirance douloureuse qu’elle ressent pour lui, au premier regard, se mue en passion dévastatrice sur laquelle elle n’a pas le moindre contrôle. Elle qui a passé sa vie à lutter pour une liberté illusoire, elle s’offre au slave sans concession, déclare lui appartenir corps et âme, allant jusqu’à le laisser la marquer pour sceller ces promesses d’éternité.

Slavenko est jaloux, possessif et violent, leur relation se construit sur des blessures douloureuses, entrecoupées de trop courts moments d’accalmie. Ensemble ils affrontent la violence, les overdoses, la prison et le passé qui trop souvent refait surface, des séparations dévastatrices et des blessures qui ne cicatriseront jamais vraiment. Pourtant il devient son pilier, son ancrage, son seul rempart contre le monde et contre elle-même. L’apprentissage est douloureux mais ils s’accrochent, incapables de se lâcher, jusqu’à trouver un équilibre, précaire mais bien réel. A ses côtés, Nina se surprend à rêver, à se projeter. Elle leur imagine un avenir, une famille, un futur commun qui ne serait pas fait que de sang et de larmes.

Et puis la vie reprend ses droits, avec une violence inouïe. D’autres fantômes ressurgissent, impitoyables, pour détruire tout ce qu’ils ont construit. C’est une guerre sanglante qui se déclare, un brasier dévorant qui consume leur univers tout entier pour ne plus laisser que des cendres. Acculés, blessés, ils survivent miraculeusement à la lutte qui aura eu raison de tous leurs alliés, et leur seule solution devient la fuite. C’est brisés qu’ils échouent à l’autre bout du pays, posent leur trop maigres valises dans ce campement proche de la frontière mexicaine. C’est la seconde fois, déjà, qu’il faut recommencer à zéro. Mais peut-on vraiment se reconstruire sur le sable aride qui dévore Slab City ?