What can I get you ? - Silver

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What can I get you ?

30 juillet - 16h45

Plantée devant la devanture en bois, légèrement sur le côté pour ne pas me retrouver face à la porte d'entrée et être vue depuis l'intérieur, je fronce les sourcils, les mains enfoncées dans les poches de ma jupe. Je ne suis pas bien sûre de ce que je fais ici, Slavenko ne sait pas que je suis là, à dire vrai je n'en ai pas parlé à qui que ce soit... Quelle ironie quand on y pense que ce soit sur le panneau d'affichage de l'endroit même où je bosse que je trouve une annonce pour un autre boulot... Je les survole du regard sans les lire réellement, d'ordinaire, et je ne sais pas pourquoi celle-ci a accroché mes yeux plus que les autres. Peut-être parce que l'idée d'être barmaid, comme j'ai pu l'être par le passé, m'attire plus que le fait de jouer les serveuses des années soixante dans un dinner. Il faut croire que l'uniforme que Queenie nous oblige à porter, patins compris, commence à me peser, j'ai l'impression d'être projetée à une autre époque chaque fois que j'enfile la robe toujours trop courte, toujours trop volante pour me couvrir réellement. Peut-être que j'espère, aussi, un salaire moins médiocre, ne serait-ce que grâce aux pourboires qui sont toujours quasi inexistants au dinner... Les clients des bars, ivres, sont bien plus généreux, ils ont tendance à oublier qu'ils sont fauchés et un joli sourire les pousse à porter la main au porte-monnaie.

J'inspire profondément, vérifie que ma tresse est bien nouée et je me décide à pousser la porte pour pénétrer dans le bar. A cette heure, les lieux sont loin d'être bondés, en-dehors de deux types installés à une table, bière sous le nez, que je classe d'office dans la catégorie "habitués". J'avance jusqu'au comptoir, avise le type qui se tient derrière et qui lève le nez vers moi. Bonjour, j'ai vu que vous aviez déposé une annonce chez Queenie... Vous cherchez toujours des barmaids ? La politesse ne m'empêche pas d'aller droit au but, disons que mon service commence à 18h et que je n'ai pas la nuit devant moi. En plus de ça, si je me suis déplacée pour rien, j'aime autant le savoir tout de suite.

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Après-midi tranquille, il n’y avait pas eu trop de grabuges à part une chaise pétée la veille qu’il avait dû remplacer avec une chaise de son propre appart. La veille avait été bruyante. Il y avait eu un match de football et il y avait apparemment des supporters dans le coin qui s’étaient rassemblé dans son bar pour supporter leur équipe. Si Silver n’était pas hostile au sport, et même appréciait regarder quelques matchs, il ne comprenait pas l’envie de certains de hurler sur le poste de télévision comme si ça allait changer quelque chose au jeu. Du coup sa soirée avait été ponctuée de hurlements d’un groupe d’hommes qui interrompaient tout le monde. Leur équipe avait perdu en plus, du coup ils avaient fini fin bourré et en colère… Ils avaient commencé à s’engueuler et c’était à ce moment là que la chaise fut cassée, sur le dos d’un type à moitié évanoui de toute façon. Il ne s’était presque pas rendu compte du coup, tant mieux, et Silver les avait tous foutu dehors.

Du coup, il savourait pas mal cette après-midi assez calme en comparaison. Ayant assez peu dormi la nuit précédente avec tous les dégâts, il appréciait de pouvoir lever le pied un petit peu. Il était d’ailleurs entrain de nettoyer quelques verres derrière le comptoir lorsqu’il entendit la porte s’ouvrir. Il leva les yeux légèrement en observant la jeune femme se diriger vers lui directement, se renseignant sans détour sur l’annonce qu’il avait mis chez Queenie.

« Ouai… Tu veux postuler j’imagine ? Tu as déjà été barmaid avant ? » il aurait pris plus ou moins tout le monde avant, mais après dix ans d’expérience, il s’était rendu compte qu’il n’y avait rien de mieux que quelqu’un qui connait bien les alcools et les cocktails. C’était presque un art, une science qu’il fallait maîtriser pour réussir à satisfaire le client. Il toisa vite fait la gamine avec ses yeux. Elle n’était pas très grande ni très menue, elle aurait l’air minuscule derrière le comptoir, mais après tout, ce n’était pas pour ça qu’il embauchait les gens. Il se disait juste qu’elle risquerait vite fait de se faire emmerder par les grandes gueules qui ne savaient jamais garder leurs mains dans leurs poches… Il se demanda même s’il ne devait pas la prévenir. Après tout, quand on habitait dans un coin comme celui-ci on devait quand même être au courant des animaux qui traînaient dans le coin…

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Je ne le supposais pas nécessairement, mais à la façon dont le type derrière le bar me répond, je devine qu'il s'occupe des recrutements. Soit c'est lui le gérant, soit on l'a chargé de faire le tri dans les candidatures. Cela dit, à cette époque de l'année, je ne suis pas certaine d'avoir tant de concurrence que ça. Non pas que la ville soit complètement déserte... Mais en plein été, les gens ont quand même tendance à fuir le coin, parce qu'il y fait une chaleur infernale. Les lieux sont pris d'assaut dès que l'hiver revient, et la population peut doubler durant les mois plus froids de l'année, mais le reste du temps c'est autre chose. Les habitants partent en vacances dans des endroits plus frais, ou au bord de la mer. Quant aux campeurs, ils désertent complètement, les vans et les tentes sont très rarement équipés de climatisation ou même seulement de ventilateurs et dormir sous cette chaleur relève du miracle. C'est comme ça que je suis parvenue à décrocher le poste de serveuse chez Queenie aussi facilement, les candidats ne se bousculaient pas au portillon.

J'ai un léger hochement de tête lorsqu'il me demande si je veux postuler. En réalité je suis surtout venue prendre la température, après tout j'ai déjà un boulot et je ne le quitterais pas pour quelque chose qui soit moins bien. Mais bosser au dinner ne rapporte pas grand chose, et pour être honnête la nuit je m'y ennuie souvent. Ma place est plutôt derrière le comptoir d'un bar, à choisir. Enfin, ma place devrait être derrière un ordinateur étant donné mes compétences en hacking mais ce n'est pas comme si j'avais les moyens pour me procurer le matos ! J'ai été barmaid plusieurs fois, oui, dans différents bars... A New-York. J'ai également été barmaid à la Nouvelle-Orléans mais je préfère éviter de mentionner cet aspect de mon passé, par prudence. En revanche, parler de New-York me semble bien, c'est une grande ville et si on arrive à bosser à New-York, on peut forcément bosser à Slab City !

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La gamine explique rapidement avoir été barmaid dans différents bars, notamment à New York. Silver hoche la tête. Au moins elle n’était pas du genre pipelette à lui raconter sa vie pendant trois heures avec une voix haut perchée qui filait des maux de tête. Elle allait droit au but et lui disait directement ce qu’il voulait savoir. Ça avait beau avoir l’air simple comme ça, ça ne l’était pas pour tout le monde en fait. Il en avait connu des baratineurs, pour dire, il en était un. Vous le laissiez avec des retraités un peu cons et il pouvait leur soutirer leurs économies à cinq zéros en quelques minutes tout en se faisant offrir un café. Il était doué dans ce genre de chose. Malheureusement, les arnaques, c’était de plus en plus difficile à faire ces temps-ci avec internet et la télé, les gens étaient bien moins stupides qu’avant. C’était un peu dommage qu’il soit doué là-dedans, il aurait pu utiliser ses efforts pour faire autre chose, mais voilà où il avait atterri…

« D’accord… Viens voir derrière le bar. » lui dit-il en se décalant. Puis il pointa deux placards sous le bar et les mini-frigos qui contenaient les liquides à garder au frais. « Tu me fais un Between the Sheets et un Black Russian, prends-ça comme un entretien d’embauche. » il se calla contre le comptoir du côté, croisa les bras et observa la gamine. Il espérait qu’elle était du genre douée pour improviser et réagir aux situation inattendues car sinon, ce n’était possiblement pas le genre de bar où elle devrait travailler… Dans le genre, des types qui font des trucs inattendus et disent des trucs improbables, c’était ce qui arrivait tous les jours au Sleepy Wolverine. Et puis ça ne lui ferait pas de mal de travailler un peu dans l’urgence, ça ne pouvait que lui apprendre à développer ses réflexes.

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Je n'ai jamais été une grande bavarde, ni une personne très sociable. J'ai toujours eu un tempérament solitaire, méfiant. Contrairement à mon mari qui a toujours évolué en meute, je suis un animal sauvage, solitaire, qui n'aime pas se mélanger, sans doute par manque de confiance, autant en moi qu'en les autres. Pour faire simple disons que c'est l'espèce humaine qui ne m'inspire pas confiance. C'est assez paradoxal pourtant parce que je suis terriblement douée pour mentir, jouer la comédie, m'adapter à mes interlocuteurs aussi. J'ai gagné ma vie comme ça durant des années, à séduire des hommes riches pour les dévaliser, je saurais encore m'y prendre aujourd'hui. Et quand je suis derrière un bar, je sais encore faire semblant, me prêter au jeu pour ne pas seulement tirer une gueule de trois pieds de long qui ferait fuir les clients. J'ai beau être solitaire, je ne suis pas stupide et je fais ce qu'il faut pour gagner ma vie.

Heureusement mon manque flagrant de conversation ne semble pas gêner le gérant, à moins qu'il ne joue bien la comédie lui aussi, et je passe derrière le comptoir du bar lorsqu'il m'y invite. Sa demande me tire même un sourire, soulagé je crois. Je préfère cent fois préparer des cocktails, réussir ses mises à l'épreuve que de devoir parler de moi, expliquer ce que je fous ici, répondre à des questions personnelles... Je ne pourrais de toute façon rien lui dire sans me mettre en danger, je n'oublie jamais que nous sommes des fugitifs.

Le premier cocktail m'a toujours plu, c'est le genre de nom qui amène des blagues graveleuses et des sous-entendus bien lourds... Comme le sex on the beach. Je fouille sans gêne pour trouver ce dont j'ai besoin, le rhum, le cognac, le triple sec et un citron. Je cherche un shaker, des glaçons, tente de me démerder sans avoir besoin de lui demander où sont rangées les choses. Je suis cambrioleuse, fouiner, trouver ce que je veux, c'est un don chez moi. Une fois que j'ai ce qu'il faut, je prépare le premier cocktail, et je m'attelle à la préparation du second. Je souris en attrapant la bouteille de vodka, avec une pensée pour mon slave de mari qui serait ravi de savoir qu'on en trouve même dans ce coin paumé.

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La jeune femme semble presque soulagée par le test que Silver lui proposait. Tant mieux. Il n’était pas du genre à bien savoir gérer les personnes exigeantes et chiantes. Elle n’avait pas l’air particulièrement bavarde non plus, ce qui était plutôt bien du point de vue du tenancier. Non pas qu’il n’aimait pas parler ou avoir des discussions mais il détestait les gens qui parlaient pour ne rien dire ou qui tournaient autour du pot. Il ne voyait aucun intérêt à dire des choses que tout le monde savait ou qui ne faisaient rien avancer. Du coup, l’homme estimait pas mal les gens directs qui allaient au but et ne lui faisaient pas perdre son temps.

En l’occurrence, la gamine s’en sortait pas mal. Elle se mit derrière le bar et commença à chercher le matériel qu’elle avait besoin pour les deux cocktails. Elle se déplace rapidement, ouvre et ferme les tiroirs et les placards et attrape verres et shakers comme si c’était chez elle. Finalement, le premier cocktail est prêt. Silver l’attrape et en boit une gorgée avant de hocher la tête. « Parfait… » commente-t-il et il dépose le verre à moitié bu sur le côté. Il n’allait pas enchaîner les verres comme ça, en pleine après-midi pour se retrouver fin bourré… Il observait la jeune femme, et pouvait constater qu’elle avait l’air assez habile avec ses mains et au moins assez débrouillarde. Si en plus elle pouvait effectuer des commandes sur demande sans devoir regarder un bouquin ou sur son téléphone, c’était vraiment pas mal. « Tu comptes rester dans le coin quelques temps du coup ? Car je préfère savoir en avance si mes employés comptent se barrer… » ce n’était jamais très agréable de devoir faire tout le boulot car quelqu’un avait oublié de lui dire qu’il dégageait dans un autre état sans préavis. Il n’était pas fan des entretiens d’embauche ou par le fait de recruter des inconnus. Il avait toujours une vague méfiance, une impression qu’on voulait le rouler… Déformation professionnelle de son ancienne vie certainement…

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L'exercice me plaît, je suis confiante parce que je sais ce que je fais. Je suis bien plus à l'aise lorsqu'il s'agit d'agir que de parler, en tout cas depuis quelques semaines c'est le cas. Je n'ai pas la prétention de connaître tous les cocktails au monde, mais je connais les principaux et honnêtement nous sommes à Slab City, je ne crois pas que les personnes qui échoueront ici auront des envies exotiques. Et si jamais c'était le cas, j'aurais toujours un moyen de faire des recherches... Malheureusement pas sur mon téléphone, non, les téléphones jetables qu'on achète à la station-service avec Slavenko ne permettent pas d'aller sur internet ! Je m'estime déjà heureuse de pouvoir téléphoner avec, et envoyer des messages. Je pourrais même envoyer des photos si la caméra n'était pas de si mauvaise qualité.

Je prépare le second cocktail, relève le nez à sa question. Je vais être dans le coin un moment, ouais. Un trop long moment à mon goût, d'ailleurs. J'aimerais bien lui promettre de ne pas disparaître sans prévenir malheureusement j'en suis bien incapable. Si les types à nos trousses débarquent ici pour nous choper, je ne ferais pas de détour par le Sleepy Wolverine pour prévenir le boss que je me tire, je ne vais pas risquer de me faire buter simplement pour avoir voulu être polie. C'est quoi les horaires ici ? Moi aussi j'ai des questions, c'est moi qui passe l'entretien, certes, mais j'ai déjà un taf alors je veux m'assurer de ce pourquoi je change.

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Elle répond qu’elle sera dans le coin quelques temps et Silver saisit le deuxième verre. La couleur semble correspondre et quand il goute, il hoche la tête et conclue « Ca me semble impeccable… » il n’était pas très exigeant. Des gens à peu près fiables, à peu près motivées pour gagner leur thune et à peu près sobres. Tant qu’ils ne lui faisaient pas perdre de l’argent, ça le convenait. Après dis ans à recruter des lèche-caniveaux qui peinaient à marcher droit, il savait se satisfaire du minimum syndical. Tant que cette gamine savait servir et se pointait à l’heure, il n’aurait honnêtement pas de soucis.

Lorsqu’elle s’enquit des horaires il lui répondit « Six heures à minuit avec une pause de trente minutes à prendre quand tu veux. Je paye vingt dollars de l’heure, en liquide, chaque fin de semaine. » tout au noir, donc, sans déclaration et sans papiers officiels avec son nom ou celui de la jeune femme. C’était plus ou moins comment on s’en sortait dans le coin. Comme l’argent qui entrait et sortait était souvent en liquide, il était plus facile de tricher à la banque et de faire croire que le commerce ne roulait qu’à la force de la volonté de Silver. De toute façon, il y avait assez peu de chance qu’un huissier vienne jeter le nez dans son gourbis.

« Ca te va ? » demanda-t-il. La gamine ne semblait pas être Al Capone, mais il savait que les bouilles d’ange pouvaient cacher bien des choses. Il en avait vu dans son ancienne vie, à tricher, voler et tuer, certaines personnes cachaient leurs vices sous des yeux doux. « C’est quoi ton nom d’ailleurs ? Et où tu résides ? Moi c'est Silver. » il n’était pas du genre curieux, mais il voulait au moins savoir si il devait prévoir des retards, et aussi, où la ramener si elle finissait saoul à la fin d’un de ses services… Silver aurait du faire taxi dans une autre vie peut être.

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La préparation des cocktails semble le satisfaire et c'est tant mieux. A vrai dire je suis presque surprise d'avoir eu droit à ce genre de demandes dans un tel endroit, je m'attends plutôt à ce que les clients demandent des shots de tequila ou de la bière, pas grand chose de plus. Mais je ne suis pas là depuis assez longtemps pour en être certaine et je me trompe peut-être.

Les horaires me surprennent, je m'attendais à bosser plus tard que ça... Disons que Queenie n'avait aucun scrupule à vous faire bosser douze heures d'affilée sans pause, le code du travail ici c'est pas forcément le document de référence hein. Et puis putain, vingt dollars de l'heure, j'essaie de ne pas le montrer pour ne pas me griller mais c'est franchement mieux que ce que je suis payée au dinner ! Ok, c'est parfait. Être payée à la semaine aussi, c'est primordial, autrement je n'aurais jamais de quoi tenir jusqu'au mois suivant... Du temps où je pouvais encore voler ça ne m'aurait pas posé de problèmes, mais ici les baraques à cambrioler rapportent vachement moins qu'à Manhattan... Mon nom c'est Nina. Il ne me donne pas son nom de famille, j'en profite pour ne pas donner le mien, et au pire je préfère inventer quelque chose que de donner ma véritable identité. J'suis dans un van, sur le campement. Peut-être que ça fait moins sérieux que de donner une vraie adresse, il n'empêche qu'on n'en a pas alors on fait comme on peut.

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« Enchanté Nina. Comme tu finis tard, si tu veux, quelqu’un pourra te raccompagner en voiture chez toi. » expliqua-t-il. Il savait que Slab City n’était pas la ville la plus sûre et qu’il y avait pas mal de gens qui n’avaient pas de voitures. Il n’avait pas envie que ses employées aient peur de venir travailler en pensant au chemin de retour dans le noir, au milieu de personnes saouls assez peu fiables. Silver ne buvait pas les soirs où il était d’astreinte justement pour s’occuper de ce genre de chose. Il savait aussi à quel point il était compliqué de recruter des gens fiables, alors il ne voulait pas perdre de bons employés pour ce genre de détails facilement gérables.

« Tu peux commencer quand ? Demain ce serait bon ? » demanda-t-il finalement. Il aimerait bien qu’elle commence le plus tôt possible. Bien qu’il était habitué à travailler tard la plus part du temps, il avait aussi envie de prendre quelques heures de congé dans la journée pour s’occuper de l’aspect administratif de son établissement et aussi pour sortir et voir autre chose. Son manque de personnel l’avait plus ou moins scotché derrière le bar ces dernières semaines, il ne savait même pas s’il se souvenait de la route jusqu’au supermarché…

« Au fait, tu as aussi un hamburger et des frites gratuites les soirs où tu bosses. C’est pas de la cuisine gastronomique, mais c’est potable. » dit-il avant de croiser les bras et de finir le dernier cocktail qu’elle avait préparé. Décidément, c’était pas mal, il se demandait si il n’allait pas boire plus de cocktails maintenant…

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J'accueille sa proposition surprenante d'un haussement de sourcils, je ne suis pas habituée à ce que quelques d'autre que Slavenko se soucie de ma sécurité... Même Stan, du temps où je bossais dans son bar, préférait se terrer dans son bureau que de m'aider à gérer les clients un peu trop envahissants. L'hésitation me fait froncer les sourcils, pourtant la proposition est tentante... D'autant que je sais à quel point ça rassurerait Slavenko qui panique toujours à l'idée que je traverse le campement de nuit. Pourtant c'est ridicule, le van n'est pas sécurisé et on pourrait aussi bien me faire du mal là-bas. Oh, c'est gentil. Je verrais comment ça se passe. Tâter le terrain... Parce que monter dans la bagnole d'un inconnu, c'est quelque chose qui m'angoisse aussi particulièrement comme on s'en doute.

Un mince sourire étire mes lèvres à sa demande, parce que ça signifie que je viens de décrocher le job et je ne m'attendais pas à ce que ce soit aussi rapide. Encore que quand j'y pense, c'était la même chose lorsque j'ai postulé chez Queenie. Dans deux jours plutôt ? C'est que je dois prévenir mon boss actuel je voudrais pas le laisser dans la merde. On ne sait jamais, le dinner de Queenie est une institution dans le coin et je ne veux pas me mettre sa gérante à dos. Elle n'aura aucun mal à me remplacer je le sais, mais je dois lui laisser le temps de retomber sur ses pattes.

Hamburger frites ? Où est-ce que je signe ? Je demande avec un sourire amusé. Le pire c'est que j'ai un appétit d'oiseau, je ne rafole pas des burgers, mais je pense à Slavenko... Après tout si j'y ai droit, que ce soit moi qui le bouffe ou que je le ramène à mon mari, ça ne change rien, non ? Y a des choses à savoir sur l'endroit ?

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La jeune fille n’accepta pas immédiatement son offre. Silver n’était pas particulièrement surpris il faut dire. Les environs n’étaient pas sûrs pour les jeunes femmes et il était plus ou moins certain que toutes les nanas du coin avaient déjà eu à souffrir d’un patron ou d’un collègue lourd, voire franchement malsain. Il comprenait et il comprenait aussi que sa stature et son allure pouvait effrayer. Non pas qu’il avait une mauvaise gueule mais on pouvait aisément l’imaginer maîtriser quelqu’un de plus petit que lui. Il hocha la tête et ne relèva pas. De toute façon, ce n’était pas dans sa nature d’insister, il n’aimait pas ça. Bizarre pour quelqu’un dont les arnaques consistaient à insister sans en avoir l’air… Mais entre ce à quoi on était doué et ce qui nous plaisait, il y avait parfois un monde. En l’occurrence, Silver avait longtemps été doué pour mentir et piéger les gens. A présent, il préférait l’honnêteté toute relative de l’alcool. Au moins, les gens payaient en sachant exactement ce qu’ils obtiendraient : des regrets et une sale gueule de bois.

La jeune femme lui expliqua qu’elle allait devoir prévenir son job actuel. Silver hoche la tête. « Pas de soucis, tu as la place. » ce n’était pas comme s’il pouvait faire la fine bouche de toute façon… Il avait besoin de main d’œuvre de manière désespérée et cette gamine semblait presque être au-dessus du niveau attendu.

Elle semble emballée par le hamburger frittes et finit par lui demander s’il y a des choses à savoir sur l’endroit. Silver hausse les épaules. « Comme dans tous les bars, on est susceptible d’avoir des gros lourds. Surtout les soirs de match. Tu as, évidemment, l’autorisation à les frapper s’ils te font chier, je m’en occupe et je les sors si ça arrive. » il ne manquerait plus que les clients traumatisent ses employés… « J’imagine que tu as déjà vécu dans ce genre d’ambiance, non ? A New-York ? Bon, j’imagine que ça craint moins qu’ici et qu’il y a plus de gens distingués… Faut rajouter la drogue et la potentielle misère. » ce qui rendait les clients plus désespérés des-fois.

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Un sourire plus franc accueille son affirmation, qui sonne presque comme une promesse à mes oreilles. Je suis soulagée parce que je serais mieux payée ici que chez Queenie, et également parce que je n'aurais plus besoin de porter cet uniforme ridicule. Les patins à roulettes, c'est marrant cinq minutes. En-dehors de ça, même si c'est loin d'être une vocation pour moi je préfère préparer des cocktails que servir du café, j'aime mieux l'ambiance des bars que celle du dinner. Super ! Je ne le remercie pas, ce n'est pas une faveur qu'il me fait, je vais bosser pour lui. Je crois qu'il a autant besoin d'une barmaid que j'ai besoin de changer de taf, on sera tous les deux gagnants. D'autant que je sais que je ferais l'affaire, c'est quelque chose que je maîtrise.

L'autorisation de les frapper ? Je répète sur un ton franchement incrédule. C'est qu'au Stan's, c'était plutôt l'inverse si vous voulez tout savoir. Je dirais pas que ça craignait moins qu'ici, non... Au contraire en fait. Je bossais dans le Bronx, dans un coin mal fréquenté en plus alors ouais, les gros lourds j'ai l'habitude. Après ça j'ai quand même bossé dans un autre bar, tenu par le Raccoon d'ailleurs, et l'ambiance était quand même bien plus calme. Mais mon boss était du genre à tourner la tête en faisant semblant de ne rien voir quand un client était trop tactile ou violent... Ce que je ne précise pas, c'est que Slavenko aura fini par lui coller une balle dans la tête, mais c'est une autre histoire. Surtout qu'aujourd'hui, je ne suis plus certaine qu'il réagirait de la même façon. Je n'ai plus du tout le sentiment d'être intouchable.

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La jeune semble étonnée qu’il lui donne l’autorisation de se débarrasser des gros lourds. Elle répète sa phrase comme si elle devait l’encrer dans son esprit. Silver avait déjà vu des serveuses franchement maltraitées dans certains bars. Ca lui avait passé l’envie de boire en général. Il n’était pas très fan de ce genre d’approche lourdingue qui gênait les femmes et leur faisait même peur quelques fois. Il ne savait pas bien ce qui pouvait se passer dans la tête de certains mecs quelques fois. Lui préférait voir les femmes à l’aise et confortable, pas entrain de se demander si elles allaient finir la soirée découpées en morceau dans une poubelle… Un trip de pouvoir certainement, pour les raclures qui n’avaient aucun autre moyen de se sentir puissant dans leur vie. Heureusement que le tenancier n’en avait pas besoin…

Il haussa les sourcils quand elle lui décrit l’ambiance d’un ancien bar où elle travaillait. « He ben… L’ambiance au travail devait être très agréable. » commenta-t-il. Puis il rajouta « Déjà que j’aime pas quand les clients se permettent d’avoir un comportement dégueulasse, mais si en plus je perds mes serveuses car elles ont pas envie de se faire emmerder, je mets la clé sous la porte la semaine prochaine. » et ce serait quand même dommage. Silver se disait que d’une certaine manière, la chose qui faisait qu’il arrivait à garder son bar ouvert était la loyauté de ses clients et de ses employés. S’ils cherchaient tous un moyen de se barrer au plus vite, il n’aurait pas eu autant de stabilité toutes ces années.

« Sinon y a pas grand-chose d’autre à savoir… Au bout d’un moment tu sauras qui est digne de confiance et qui l’est pas. C’est comme tous les trous paumés en Amérique je suppose… » et il supposait aussi qu’elle avait voyagé de trou paumé en trou paumé. En tout cas, elle en avait l’allure et l’attitude.

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Agréable, ouais... J'avais eu énormément d'emmerdes, du temps où j'étais encore célibataire surtout. Des types qui non seulement se permettaient d'avoir les mains baladeuses mais qui en plus ne supportaient pas de se prendre une mandale en retour. Le truc c'est que je ne me suis jamais laissée faire, et les hommes dans ce genre-là aiment les nanas dociles, certainement pas celles qui se rebellent. Ensuite, quand je me suis mariée, le bar est devenu officieusement le territoire du Klan, Slavenko et ses gars y traînaient souvent... Et les clients avaient bien trop peur de se faire découper en morceaux par la mafia serbe pour s'en prendre à la femme de leur chef. Comme quoi sortir avec un criminel n'a pas que des inconvénients, mh ?

Bah ouais, c'est ton raisonnement l'plus cohérent si tu veux pas devoir former des nouvelles toutes les semaines. Mais Stan ne réfléchissait pas comme ça, parce qu'il savait que j'étais dans la merde, que je voulais rester discrète et que ce bar minable m'allait bien. Là-bas j'étais certaine que les types qui me cherchaient ne me trouveraient pas. Ici aussi, mais pour une autre raison : parce que Silver ne m'a pas demandé mes papiers, pas parce qu'il me traite comme une merde. Je hoche la tête, l'air de dire que c'est entendu, je crois que je vais pas trop mal m'en sortir ici. Ca devrait mieux se passer que là où j'étais avant, en tout cas !

Du coup j'vais te laisser bosser... Je finis par lâcher dans un sourire, parce qu'en attendant je prends quand même mon service chez Queenie dans pas longtemps. Merci, en tout cas, et j'serais là dans deux jours. Sans faute.

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Silver hocha la tête. La gamine devait certainement en avoir vu passer des fraiches et des mûres… Les bars étaient souvent l’endroit où les hommes sans éducation se lâchaient et faisaient tout ce qu’ils n’oseraient jamais faire en dehors du bar, chez eux ou au boulot. Comme si les nanas qui bossaient ici n’avaient pas de vie en dehors de ces murs ou oubliaient tout d’un coup, comme d’un coup de baguette magique. Entant que tenancier, Silver ramassait les pots cassés. Les vrais comme les métaphoriques. Même si certaines évitaient les mains aux fesses, les insultes, les regards insistants, les demandes en mariages, tout cela était crevant et le vieux type pouvait bien s’en apercevoir. Cela ne devait pas être facile d’être constamment observé et reluqué à longueur de journée. Mais il ne pouvait pas simplement mettre des mandales à ceux qui regardaient ses serveuses de manière trop insistante… Sinon il perdrait presque la moitié de sa clientèle.

« Ouai… Y a des gens qui trouvent que c’est facile d’être serveuse, mais peu de personnes pourraient vraiment le faire sans casser la moitié de la vaisselle ou se tromper de commandes… » commenta-t-il. Il avait déjà employé de vrais novices, des gens qui n’avaient même jamais mis les pieds dans ce genre d’établissement, et c’est là qu’il s’était rendu compte qu’il fallait quand même de la dextérité et une bonne mémoire. Surtout aux heures de pointes quand il y avait une trentaines de commandes et que les gens se déplaçaient entre le bar et les tables. Ce n’était pas le métier qu’il pouvait donner aux premiers venus.

« D’accord, à dans deux jours ! » dit-il en levant une main. Son bar commençait à se peupler un peu plus. Cela voulait dire qu’il pourrait éventuellement essayer de sortir un peu plus et de s’occuper des papiers du bar un peu mieux… Il devait avouer qu’il ne voyait pas bien où il traînerait et il n’était pas fan de la paperasse, mais c’est ce qui devait être fait…