"Tu m'aimeras encore ? -Si tu te transforme en femme ou si tu te transformes en con ?" || BDT

Deirdre secoua son bras tentaculaire avec contrariété ; le membre se tortilla dans le vide, tentant vainement de reprendre forme humaine. Putain de sa race il fait pas assez humide ici, elle va se dessécher totalement et plus pouvoir se régénérer si ça continue. Quelle connerie. Heureusement qu'elle est là pour le boulot, c’est certainement pas une destination de vacances ce patelin perdu. Slab City. Quel nom pourri.

De son bras à l’apparence restée étrange, Deirdre s’alluma une clope. Son regard glissaa sur l’abri de fortune qu'elle avait aménagé pour Nina et leur mioche, en vitesse parce que c'était la seule solution avec les poursuites engagées suites à leurs conneries, comme disait Leg.
Est-ce que c'était leur faute à Slavenko et à elle, si on les avait provoqués, les forçant à réagir et à tout détruire sur leur passage ?
Bien sûr que non.
Et puis d'ailleurs où ils étaient ces deux là ?!  

Contrariée, Deirdre se retourna en direction de Nina, dont le commentaire ne lui fit pas plus plaisir que sa propre situation.

« On va trouver une solution rapido, si je peux plus me régen’ on est dans la merde. »

Elle n’était pas certaine que la contrée soit si accueillante. Pour l’instant rien ne leur était encore arrivé, rien du moins qui avait nécessité une intervention de la part de l’une ou de l’autre pour se défendre. Malgré tout, Deirdre ne connaissait pas le coin, et sa dernière exploration s’était soldée par...eh ben, ce léger petit problème de tentacule qui ne reprend plus forme humaine. Malgré tout elle disposait encore de sensations, en témoignait le frisson créé par la caresse de son amante. Deirdre haussa d’une épaule.

« Sais pas. On les trouve jamais quand on a besoin d’eux, ou plutôt ils arrivent quand on les attend pas. »

Slavenko fut l’exception qui confirma la règle en venant pétarader à l’horizon. Ses pneus crissèrent sur le sol aride, soulevant un nuage de poussière ; quel frimeur. Deirdre fronça le nez, toussa légèrement, peu habituée à la poussière sablonneuse, plus fine que celle du Bronx qui la recouvrait autrefois de parts en parts. Elle roula des yeux à la proposition de Slavenko.

« T’as à bouffer tas d’ferraille ? T’as tué Legence en cours de route ? »

Son bras droit devenant presque inutile, Deirdre se saisit de sa clope de sa main gauche, pendant que Slavenko critiquait avec force mauvaise foi sa manière d’engrosser les gens ; on ne peut plus pondre comme on veut maintenant ? Deirdre remercia (paradoxalement) la chaleur de lui permettre de garder son sang froid, car cette dernière était telle que la moindre transformation devenait non seulement douloureuse mais fatale ; sa forme tentaculaire d’alien ne survivrait qu’une minute dans un désert pareil. Pourtant son instinct prédateur lui hurlait de pourfendre la carrosserie de Slavenko de sa langue dentée et de ses longues et larges griffes aiguisées comme des lames de rasoir. Lorsque quelqu'un débarqua en retard et avec un port de tête d'empereur, du Legence pur jus même par cinquante degrés finalement, Deirdre laissa glisser son regard en direction de la voiture dont il venait de descendre, intéressée mais pas pour les raisons qu'on imagine.

-Je peux les manger ?

Deirdre demeurait loyalement monogame ; elle n’avait pas besoin de la jalousie maladive de son amante de longue date pour se tenir droite sur ses ventouses.
Accessoirement elle mangeait peu, et surtout pas la même nourriture que les autres. Elle passa outre l'image fallacieuse de la vidange, savait-on jamais avec Legence et baissa un regard contrarié sur son épaule.

-Y'a que je me faisais une idée plus sombre et humide de l'enfer.

Elle se décala quand sa fille émit un bruit humide de ventouses et de tentacules pour se rapprocher de Legence ; pas conne leur choupette. Slavenko, sèchement éconduit, attira toutefois rapidement son attention et probablement celle des autres.

-Oh, oh, commenta-t-elle en écrasant sa clope dans le sable.

Ok, ok, alerte générale. Deirdre passa rapidement sa déception de ne pouvoir bouffer une des filles pour se réhydrater car plus important se dirigeait vers eux : un putain de vaisseau des pirates du désert. Sa mère, ils les avaient poursuivis jusqu’ici. Mais qui au juste ?

« Leg et Slav qu’est-ce que vous avez encore foutu bande de tantouzes. » grommela-t-elle en portant ses mains rendues maladroites par la déshydratation à ses flancs pour vérifier qu’elle avait bien des armes sur elle.

Leg attrapa sa meuf par la main pour l’envoyer dans le van avec les putes – non mais pour qui il se prenait celui-là ? - avant de donner des ordres à la microbette qui leva un regard interrogatif sur Dei, laquelle lui indiqua d’effectivement suivre Nina, qui serait plus à même de la protéger, quoique parfois il était difficile de dire qui de Nina ou de Dei avait l’instinct maternel et prédateur le plus prononcé.

« On dit un presse purée Legence. » commenta-t-elle avant de se diriger vers le van à son tour, sauf qu’elle ne put pas l’atteindre tout de suite, parce que Nina essayant de démarrer fit bondir l’engin en avant. « OH CHERIE J’ESSAIE DE MONTER LA ! » pesta-t-elle en attrapant le bord de la porte encore ouverte.

Les putes se dispersèrent comme des cafards à son entrée en piaillant de terreur, se calant dans les coins tandis qu’elle jetait dans le sable un monstre de munitions pourvu d’un canon. Au même moment, une roquette sifflante annonça l’arrivée des festivités, niquant le pare-choc et probablement autre chose de Slavenko qui freeza, appelant Legence.
Deirdre descendit dans le sable, chargea la bête, leva le canon, visa.

« Salut les gars. »

Le canon thermique s’amorça, les mécaniques cliquetèrent entre elles, et la sulfateuse envoya un message des enfers sur le nez du vaisseau, moucheté de bastos explosives.