Bad boys bad boys what yu gonna do ?! || Raccoon

« Non mais madame vous pouvez pas monter là haut. »

Deirdre haussa un sourcil et se retourna, plus étonnée qu’en colère, en direction du gamin qui devait avoir l’âge de son fils, et qui crasseux de terre sèche faisant un contouring discutable sur ses petites joues encore charnues, lui avait fermement adressé la parole comme s’ils avaient gardé les cochons ensemble.

« Ah parce que tu vas m’en empêcher peut-être ? » menaça-t-elle en rehaussant la sangle de son éternelle AK rose pétasse pour qu’elle arrête de lui cisailler l’os de la clavicule.

Le gamin haussa les épaules, faisant bâiller sur l’une d’elles un tee-shirt rapiécé qui devait appartenir autrefois à un frère plus grand. Deirdre connaissait ça la seconde main, elle n’avait même connu que ça. Etre une fille ne l’avait pas dispensé de prendre les fringues qui passaient encore à peu près, après sept frères aînés aux morphologies différentes et aux frasques toutes plus dangereuses les unes que les autres.

« Non m’dame, c’est juste que la tour est fermée, vous allez vous faire mal. »

Surprise par la compassion de l’enfant, Deirdre se surprit à rire. Elle le salua d’un signe nonchalant qui lui signifiait de s’occuper de ses affaires, leva ses bras trop maigres et entama l’escalade du Talk Show Host. Par la façade, en plein cagnard, sans sécurité.
Parfaitement.
Du Dei pur jus !

Pour Deirdre le cri ressembla davantage à celui d’un cochon qu’on égorge qu’à la marque de surprise d’un être humain ; le cochon étant apparemment la mascotte de la ville, si elle en croyait le vieux qu’elle avait croisé à plusieurs reprises durant ses divagations, il n’était pas improbable qu’elle le croise ici aussi.
Ceci dit elle ne savait pas trop comment il aurait pu monter jusque là.

Elle s’agrippa au bord de la fenêtre sans vitre et se hissa sur celle-ci pour découvrir rien de moins qu’un clodo et un gosse qui avait l’air de lui tenir lieu de futur repas plus qu’autre chose ; il lui rappela ceci dit sa propre condition quand elle avait été foutue dehors par Daniel, avec Killian, un an et demi, dans un linge à la propreté douteuse, qu’elle stockait au fond de l’entrepôt au départ pendant qu’elle travaillait.

« Pardon, je visite. »

Normalement c’est un lieu public ce truc-là non ? Et puisque la ville semblait demeurer sans foi ni loi, la fermeture ne signifiait pas grand-chose au regard de Dei. Elle se pencha par dessus le bord de la fenêtre, testa un vertige qui n’existait pas, et essuya son front ruisselant de sueur tandis qu’elle levait les yeux au ciel, pour découvrir les haut parleurs magistraux du Talk Show Host.

« Jolie vue. » commenta-t-elle. Elle se tourna vers lui. « J’ai l’impression de t’avoir déjà vu quelque part toi. »

Intéressée, Deirdre haussa les sourcils comme un animal dresserait une oreille.

« Ils écoutent la radio ici ? Chouette. »

Toujours restée très loin d’un grand nombre de médias, Deirdre ne jurait que par la radio qui tournait en permanence dans le garage au Bronx, et dans le van jusqu’à ce que Aidan se fasse une place dans sa vie : cette dernière avait alors remplacé ses cassettes par des CD et Deirdre avait depuis peu changé l’autoradio pour qu’Aidan y branche son téléphone.
Mais elle écoutait principalement la radio.
Et Conspiracy of One, parce que c’était leur chanson.
Elle demeura méfiante devant le grand sourire soudain étiré par le huluberlu slabber. Allons bon, pour qui est-ce qu’il l’a prise ?
LE BRONX ?

Deirdre resta un instant interdite. Oui, il avait bon. Mais le Bronx, c’était à des milliers de kilomètres ? Décidément, une partie du quartier semblait s’être échouée ici. Slavenko et Nina, maintenant ce mec…

« Oui c’est moi. » La fille du garage et la meuf d’Aidan. Au sens propre du terme maintenant d’ailleurs. « Elle est… » Elle pointe du doigt le désert. « Là bas, dans le van. On est là pour quelques jours. »

Elle précise pas pourquoi, parce que c’est devenu un peu tout : voyage de noces, business, avoir la paix, prendre l’air...Le gars tira une bonne carte supplémentaire en lui proposant du café, et Deirdre prit le luxe d’appuyer ses reins contre la fenêtre sans se débarrasser de son arme. Elle acquiesça.

« Ah. Oui. » Elle sursauta en voyant le raton laveur, peu proche des animaux en dehors d’Arès, le husky d’Aidan, désigna le mouflet du menton. « C’le tien ? »

Centaine.
Deirdre tourna le regard une nouvelle fois vers l'extérieur. Dans les nappes de chaleur ondoyantes, elle percevait les cahutes et autres caravanes comme des petits raisins secs éparpillés sur un parquet très clair. Un parquet habillant une grande, terriblement grande pièce.

-Ça fait beaucoup de clampins.

Ce Sam parlait beaucoup et ça lui allait bien, parce qu'il donnait des infos l'air de rien et surtout il parlait pour deux. Normal tu me diras, pour un animateur radio. Elle laissa passer diplomatiquement la parole sur Aidan pour quelqu'un d'aussi possessif, et fronça le nez, contrariée.

-Parce qu'il y a une bonne saison ? demanda-t-elle en s’éventant avec un horrible éventail de plumes artificielles d'un rouge petasse qu'elle venait de dégoter dans le bordel.

Samuel se fit évasif sur la question du gamin et Deirdre n’insista pas plus dès lors que son instinct maternel eut vérifié que le microbe respirait. Elle le remercia pour le café d'un signe de tête (alors qu'il lui offrait clairement le saint graal), et leva sa tasse vers lui.

-À la tienne. Boyuyu tu dis ? Ça veut dire quoi ?

Vingt-cinq c’était déjà trop chaud pour Deirdre qui se baladerait volontiers à poil si elle le pouvait – en voyant la façon dont se comportait le gars, à l’image des autres gens qu’elle avait croisés jusqu’à présent, elle se dit toutefois que ce serait probablement possible et que personne ne lui dirait rien. Les gens ici avaient à la fois une conception étrange de la pudeur, mais aussi de la religion.

« Ca plaira probablement à ma femme. » fit-elle remarquer en expirant sa fumée, au sujet de son bronzage.

Elle avait continué à se foutre royalement de son apparence, sauf quand Aidan, discrètement – elle avait appris à traduire ses sous-entendus – émettait un désir. Alors elle faisait des efforts. Le reste du temps, que pouic. Elle cilla sur l’enfant quelques secondes, remonta son regard sur son vis à vis, tiqua, réflexe de Bronxienne.

« Il se passe des choses ici la nuit ? »

Son esprit terre à terre ne percuta pas le second sens surnaturel tout de suite, et quand il le fit, elle le relia à sa spiritualité naturelle entretenue depuis son plus jeune âge.

« Ca me plaît. » lança-t-elle au sujet du Boyuyu qu’elle aurait finalement pu nommer elle-même si elle avait été mexicaine. « Dis, la montagne là bas. » elle désigna Salvation sur laquelle se crashaient des avions de sable ballottés par le vent. « C’est quoi ? »

« Bah des choses, genre tout le monde dort ou les gens sortent comme toi la nuit ? »

Elle comprit que Sam n’était pas du mauvais côté de la chose à la façon dont il comprit sa question ; Deirdre se demandait s’il y avait des gens à éviter, du trafic, des conneries bien illégales et bien dangereuses à faire comme au Bronx, des gens avec qui Aidan ferait mieux d’éviter de traiter. Elle sondait la faune, quoi, normal. Mais Sam n’avait pas l’air d’être du côté de cette merde. Il avait même l’air plutôt gentil et sans prise de tête.
La lueur dans ses yeux à l’évocation de sa gonzesse ne passa pas inaperçue mais elle ne fit aucun commentaire à ce sujet : Aidan attirait le regard, et Deirdre avait signé malgré ça. Elle devait assumer, maintenant.
Elle se tourna vers Salvation Mountain, étonnée.

« C’est un mec qui a construit ça tout seul ? »

Elle avala une nouvelle gorgée de son café et se pencha vers l’extérieur pour mieux voir la montagne. Mais elle était énorme ?!
Le fait qu’elle soit vouée à dieu attira son attention.

« Aidan voulait s’y arrêter mais on a pas encore eu le temps. Pas sure que ça l’intéresse tous ces trucs religieux. »

« Un hymne à l’amour. »

Elle voyait pas trop en quoi une montagne du genre pouvait être un hymne à l’amour – Deirdre sans surprise n’avait aucun sens artistique – mais pourquoi pas ; elle aimait bien la dénomination depuis que la rencontre avec Aidan lui avait permis de croire à nouveau au pouvoir sentimental de l’être humain, même après les conneries vécues et surpassées autrefois. Elle tiqua au sujet de l’histoire des photos, n’ayant pas à sa connaissance évoqué le sujet, puis prit une nouvelle fois conscience du fait qu’elle ne gérait pas encore assez bien la célébrité potentielle de sa meuf dans le domaine des photos de charme. Et donc que le mec en face d’elle se paluchait probablement sur les photos sorties dans les magasines.
La vision lui tira un long frisson glacial dans la colonne vertébrale. Elle termina son café et décolla ses reins du mur à la tenue relative de la cahute.

« Arès, ouais. Je sais pas s’il va survivre à la chaleur, mais pour l’instant en tout cas il tient la route. »

Elle vérifia la présence de son AK sur son épaule et par réflexe, la respiration du gamin toujours ronflant dans un coin, avant de passer une jambe dans le vide.

« J’vais y aller jte dérange pas plus longtemps. Merci pour le topo ! »