Si vous parlez à dieu, vous êtes croyant. S’il vous répond c’est que vous êtes schyzo - Sebastian

Si vous parlez à dieu, vous êtes croyant. S’il vous répond c’est que vous êtes schyzo.

Je reconnais parfaitement le grand blond qui passe l'entrée de la tente, encore plus en retard que moi sans que ça me surprenne réellement, il doit vouloir se faire désirer. Les yeux plissés par la curiosité, j'observe avec attention son manège, sa façon de saluer les personnes présentes, la façon dont il se met en scène aussi. Les regards posés sur lui sont tous admiratifs, émerveillés, et la surprise m'empêche de lui rendre son étreinte lorsqu'il referme les bras sur moi, autrement qu'en posant maladroitement ma main sur son bras. Oh euh, oui, bonjour. Est-ce que je suis censée répondre "la paix du Christ", moi aussi ? Vraiment je n'en suis pas certaine, je n'ai pas l'habitude de ce genre de cérémonies.

Je pose mon sachet de viennoiseries sur une table au hasard avant de suivre Sebastian, puisque c'est son nom, jusqu'à sa chaise. Je m'apprête à m'asseoir, naïvement, avant de me redresser vivement en constatant que je suis la seule à le faire. Dire que je ne suis pas croyante serait un mensonge, mais je ne crois pas en la même chose que toutes les personnes présentes ici. J'ai pris ce qui m'intéressait dans chaque religion découverte lors de mes voyages pour me créer une croyance, une philosophie qui m'est propre et que personne n'approuverait, je crois. Ce qui est certain, c'est que ce n'est pas l'amour du Seigneur qui m'a attirée ici aujourd'hui. Non, c'est l'organisateur de tout ça qui m'intrigue particulièrement et que je tenais à rencontrer. J'ai envie de savoir ce qu'ils font ici, pourquoi ils le font, comment ils le font... Ma curiosité maladive me perdra.

Mal à l'aise, je m'éclaircis la voix. Mmh et bien ahem... Bonjour, je m'appelle Aislin... Je ne sais pas quoi leur dire, ce qu'ils attendent exactement. Je vis sur le campement, pas loin d'ici et... Enfin j'ai vu que vous cherchiez de l'aide alors me voilà.

Oh, mon discours est éclairant ? Fort bien, c'est mieux que ce que je pensais. A moins que tout sous cette tente ne sois naturellement éclairé par la lumière divine... Oui, c'est encore l'explication qui me semble la plus plausible. J'exprime ma gratitude dans un hochement de tête et un sourire... Et manque de m'asseoir encore, avant de me souvenir qu'ils n'attendaient pas ma présentation pour s'installer mais la prière. A tel point que lorsque tout le monde s'assoit, je reste encore debout quelques secondes à cligner des yeux avant de comprendre que cette fois, c'est bon, je peux y aller. Bon sang ce n'est pourtant pas bien compliqué à retenir. Je pose mes fesses sur la chaise en réprimant à grand peine un soupir de soulagement.

Je secoue la tête à sa question, décidant d'être honnête plutôt que de prétendre avoir entendu l'appel du Seigneur dans mon sommeil. Non, pas du tout, mais je fais souvent du bénévolat. Non seulement par conviction, je trouve ça dommage de passer des heures à ne rien faire quand on peut aider son prochain, mais en plus parce que lorsqu'on voyage c'est un moyen vraiment privilégié pour rencontrer du monde, pour faire de nouvelles expériences aussi. Cette fois cela dit c'est surtout la curiosité qui m'a poussée à appeler.

J'attrape le plat tendu par ma voisine pour me servir à mon tour avant de répondre à la question. Un peu de tout. Normalement je réalise des documentaires mais ça ne paie pas très bien alors... Je bosse à la radio, je fais pas mal de petits boulots. J'ai un haussement d'épaules, l'air de dire que ça me convient parfaitement ainsi, je n'ai jamais eu l'ambition de réellement faire carrière de toute façon.

Surprise par son avertissement, je baisse le nez, lève les jambes juste avant que la poule en question ne passe sous ma chaise. Hein ? Oh, oui, j'aime beaucoup les animaux. J'avais un chien mais j'ai du le laisser à mon père parce que je voyageais trop souvent. Disons que ce n'était pas l'idéal pour la bestiole, surtout vu les conditions de voyage. Qu'est-ce que vous faites ici exactement ? Je demande, en désignant aussi bien la tente que les gens qui se trouvent dessous.

Je n'ose préciser que je ne fais absolument pas preuve de charité parce que j'espère accéder au Paradis. Etant donné l'endroit où je me trouve, ça me semblerait déplacé, d'autant que personne ne m'a demandé de venir, je suis venue de mon plein gré. La moindre des choses est de me plier à leurs rituels et à leurs croyances, ne serait-ce que pour la journée. De toute façon, n'est-ce pas ce que je fais toujours ? Tenter de vivre comme les gens que je rencontre, essayer de me mettre dans leur peau pour mieux les comprendre ?

Je plisse le nez, curieuse. Qu'est-ce que vous récoltez ? Je ne me doute pas qu'il s'agit d'herbe, non pas que ça me fasse quelque chose, mais je pense plutôt à un potager, sans doute parce qu'ils sont tous terriblement croyants... Et ça m'intéresse donc forcément, parce que Samuel m'a dit qu'il voulait un potager à lui... Alors si je peux savoir comment ils fonctionnent, c'est toujours ça de pris. Dans une légère grimace, j'avoue : J'ai tendance, je crois, à accumuler beaucoup de choses... Des babioles surtout. Je n'y tiens pas vraiment, pourtant, je peux m'en débarrasser sans trop de problème, mais je crois que je n'aime pas quand c'est trop... Vide ? Mon séjour en Inde ne m'aura pas appris le dénuement, malheureusement, il suffit de voir l'endroit où je vis pour s'en rendre compte.

J'esquisse un sourire reconnaissant quand il me tend un plat contenant les oeufs mais je secoue la tête, sans préciser que je suis vegan, préférant me rabattre sur les fruits. De la publicité, vraiment ? Pour la recherche de bénévoles ou pour autre chose ? Je doute qu'il parle du Talk Show Host, je suis sûre que Samuel aurait adoré l'idée. Je secoue la tête dans un sourire. Oh, non, ça ne paie malheureusement pas les factures du tout ! Non ce que j'aime c'est découvrir de nouvelles cultures, de nouveaux modes de vie.. Apprendre des choses, toujours, faire de nouvelles rencontres. Mais j'ai besoin... De les partager, vous voyez ? Moi qui d'ordinaire tutoie tout le monde, je ne sais pas pourquoi mais je n'y parviens pas avec lui.

C'est lorsqu'il parle de ne pas blesser les animaux que j'ose enfin préciser dans un sourire : C'est bien ce que vous faites. Je suis vegan alors c'est important à mes yeux. Je hoche la tête dans un sourire enchanté à sa proposition, et je me lève à mon tour. Oui avec plaisir, je vous suis !

Ah, vraiment ? On ne dirait pas à vous voir... Comme ça. Ici, dans cet endroit, encore moins avec ce qu'il fait de sa vie. Je suis quand même convaincue que je pourrais entasser tout un tas de babioles superflues dans une tente, je ne crois pas que ça m'arrêterait... Je ne sais pas quoi penser de leur système de consommation de viande... J'imagine que c'est un bon moyen de dissuasion mais ça me semble trop cruel malgré tout. Je serais incapable d'aller plumer la poule qui vient de me passer sous les jambes, on croirait presque que ce sont des animaux de compagnie ici !

Je le suis avec curiosité, mon intérêt attisé par l'idée de découvrir le lieu où il vit. On en apprend bien plus sur les gens en voyant leur intérieur qu'en les écoutant raconter leur vie, c'est une certitude. Je hausse un sourcil, surprise de la fraîcheur qui règne à l'intérieur de la yourte quand je dois moi-même avoir des ventilateurs de partout pour maintenir une température agréable chez moi. Je reste légèrement en retrait le temps qu'il aille derrière le paravent, et ce n'est qu'une fois qu'il s'y trouve que je m'avance en fronçant le nez pour observer l'endroit. Je me fige, étonnée, devant les statuettes de bouddha, et je lance : Vous vous intéressez au bouddhisme ? Ce devrait être surprenant mais en même temps, exercer sa religion au pied de Salvation mountain, c'est déjà n'être pas un croyant comme les autres.

Et vous n'avez jamais envie d'aller ailleurs ? Même seulement quelques semaines ? Quinze ans sans quitter la ville, Dieu que ça me semble long ! Récolter de la weed, moi qui m'attendais à pouvoir parler légumes, je suis légèrement déçue... Il va falloir que j'aille à la bibliothèque pour choper les informations dont j'ai besoin.

Je dois me mordre la lèvre pour réprimer un rire quand il ressort, habillé comme un hippie un peu étrange, et je me ressaisis en secouant la tête à son interrogation. Oh, non, ni crème, ni chapeau... Ce qui est embêtant, étant donné que j'ai la peau claire, les yeux bleus et des tâches de rousseur... Je suis particulièrement sensible au soleil.

Sa réponse amène un sourire satisfait sur mon visage, et je l'approuve d'un hochement de tête. Si, je suis tout à fait d'accord. C'est bien pour ça que si je serais incapable de me rattacher à une religion en particulier, j'en ai néanmoins étudié plusieurs durant mes voyages, parce que ça m'intéresse. Je crois qu'il existe quelque chose qui nous dépasse, mais je ne saurais dire quelle forme prend ce "quelque chose". En plus de ça, si je devais choisir, je crois que mes choix seraient guidés par mon cœur et non pas ma raison. J'aurais tendance à pencher vers ce qui satisfait le mieux mon imaginaire, la mythologie par exemple parce que je trouve ça fascinant, comme une histoire infinie. Pourtant c'est loin d'être ce qui a le plus de sens, même à mes yeux ! Mais rares sont les... Hommes de foi qui pensent de la même manière. Encore une fois, je n'ose pas dire homme d'église, je ne sais finalement pas comment le qualifier.

J'attrape le tube de crème qu'il me tend avec gratitude, m'appliquant à mon tour à en mettre sur les zones trop exposées : le visage, les épaules, les jambes, ... Je ne mourrais pas d'un coup de soleil, mais si je peux les éviter j'aime autant. Vous voyagiez ? Vous venez d'où ? Je ne cherche pas forcément à connaître l'endroit où il est né, je me demande ce qu'il a vu avant d'arriver ici. J'admets que Salvation mountain peut aisément passer pour un signe, un miracle, un appel pour qui est croyant. Si ça vous intéresse je vous donnerais le lien. J'ai un site internet avec les documentaires ou les interviews que j'ai pu faire en voyage. Je trouve que les gens que j'ai pu rencontrer racontent ces histoires bien mieux que moi, à tout dire.

Une fois que j'ai terminé de mettre la crème, je baisse mes lunettes de soleil sur mon nez, celui-ci commençant déjà à se lever, et je suis prête à suivre Sebastian pour la récolte.

Un sourire naît sur mon visage, éclaire mon regard tandis que je hoche la tête. C'est vrai, j'ai toujours cru que nous étions incapables de réellement savoir ce qu'il en était. Mais tout le monde ne veut pas forcément l'admettre. Et je ne voudrais pas qu'il se sente insulté, mais ce sont généralement les plus croyants qui ont justement du mal à accepter le fait qu'ils ne détiennent pas la vérité. Comment peut-on être sûrs d'une chose que l'on a jamais vue, dont on n'a aucune preuve ? Je ne crois pas non plus qu'il ressemble à un vieillard... En fait je ne suis pas sûre qu'il ressemble à quelque chose. Pour certains ça semble insensé mais j'ai tendance à penser que ça n'a pas nécessairement une forme que nous pouvons imaginer. Pourquoi aurait-il apparence humaine s'il a de toute façon tout créé ? Je ne suis pas sûre qu'il ait fait l'homme à son image...

J'esquisse un nouveau sourire et l'accompagne hors de la yourte, où malgré l'heure matinale la chaleur me frappe déjà. Heureusement depuis le temps que je vis ici, j'ai pu m'habituer à ces désagréables différences de température et je les supporte mieux aujourd'hui. Oui, c'est normal... Vous devez vous arrêter de travailler en milieu de journée, non ? Pour tout ce qui se passe en extérieur, il devient vraiment difficile de continuer en pleine journée, en tout cas à cette période de l'année. De midi à seize heures, la chaleur est tout bonnement insupportable. Oh, le processus m'intéresse ! Tout m'intéresse ! Je m'exclame, enthousiaste, tout en récupérant le sac que Sebastian me tend. Vous avez d'autres activités que ces récoltes ?

Ah, heureusement ! Je ne sais jamais à quoi m'attendre mais je sais que certaines personnes sont des bourreaux de travail et accordent beaucoup plus d'importance à la productivité qu'au bien-être de ceux qui bossent pour eux... Mais là, comme il s'agit uniquement de bénévolat si j'ai bien compris, ce serait idiot de leur imposer une journée de travail caniculaire, il n'y aurait rien de mieux pour que les bénévoles ne reviennent pas ! J'aime beaucoup le potager. J'ai un ami, qui bosse avec moi à la radio, il avait en tête de créer un potager collaboratif, justement. Au sein du campement. Et je ne demande pas si on peut participer à la culture de celui-ci parce que je crois que Samuel refusera d'office, étant donné son rapport conflictuel à la religion... Il préférera sans doute avoir quelque chose qui ne soit assimilé à aucune croyance ou pratique religieuse.

Des pèlerinages ? Vers où ? Voilà une chose que je n'ai jamais eu l'occasion de faire ! Vous faites quoi lors de cette réunion annuelle ? Il parle d'une longue et difficile préparation, donc je me demande ce dont il est question. Tout ce qui touche à leur organisation m'intrigue profondément de toute façon. Mais oui, je suis d'accord, de toute façon un grand nombre de personnes qui vivent sur le campement cherchent justement à échapper au fonctionnement de la société. Cet endroit est parfait pour ça. On peut vivre en-dehors des lois, mais personnellement ce n'est pas l'illégalité que je cherchais à trouver en venant ici.

La chaleur commence déjà à peser, heureusement je suis habituée et suffisamment sportive pour ne pas encore en souffrir. J'ai un sourire face à l'air fier que Sebastian affiche devant les cultures. C'est fou. Je vis ici depuis plusieurs années et je n'avais pas la moindre idée qu'il y avait un tel endroit si proche ! Pourtant ce n'est pas faute d'avoir exploré les environs mais je ne suis jamais montée par ici. Je ne m'immobilise, et ne cesse de parler, qu'une fois qu'on nous donne les instructions.

J'ai une légère grimace. Oui, c'est justement ce que je me disais... Disons qu'appeler une balade autour de Salvation un pèlerinage, je trouve ça un peu trompeur... On s'attend à quelque chose de plus conséquent comme escapade, je crois. La chapelle à ciel ouvert c'est vraiment une bonne idée... Plus je discute avec lui, plus je songe qu'il y aurait vraiment matière à faire un mini-documentaire sur ce qu'ils font ici. Peut-être sous un autre format... A la radio, par exemple.

Comme tout le monde se met au travail, je laisse Sebastian vaquer à ses occupations pour commencer à récolter moi aussi. Après tout c'est à la base pour aider que je suis venue, je ne peux pas vraiment me contenter de discuter en me tournant les pouces. Aussi étrange que ça puisse paraître, je n'ai jamais récolté de cannabis dans ma vie, alors je trouve une rouquine au visage affable qui veut bien me montrer comment m'y prendre, et je reste dans son sillage pour l'aider et imiter ses gestes afin d'être certaine de ne pas faire n'importe quoi. La beuh, je l'ai consommée, vendue, achetée, plantée aussi... Mais jamais récoltée. Le travail est physique, fatiguant mais c'est le genre de fatigue qui me plaît. En plus de ça, on s'arrête avant que le soleil ne cogne vraiment trop fort.

C'est vrai que c'est difficile d'accès mais j'imagine que les rumeurs doivent courir... Je n'y ai jamais trop fait attention parce que je sais où me fournir, voilà tout. Je récupère à mon tour des sacs pour les porter et je souris à Sebastian qui est naturellement revenu vers moi. On est nombreux, je craignais qu'il n'oublie ma présence ! Absolument ! Allez-y, j'ai déjà entendu beaucoup de choses.

Le nez plissé, les sourcils froncés par la concentration, je l'écoute avec attention, ma curiosité piquée au vif par le teaser auquel j'ai eu droit tout à l'heure. Qu'ils fassent comme vous...? C'est-à-dire ? Pendant la réunion ou... En règle générale ? Je crains malheureusement qu'une seule journée passée à les aider pour les récoltes ne me suffise guère à comprendre leur quotidien, il faudrait que je reste ici plusieurs jours pour ça. D'expérience, le temps idéal est de rester une année complète dans une communauté pour réellement en comprendre le fonctionnement, parce qu'alors on assiste à tous les événements importants de l'année.

Heureusement, je ne le prends pas au sérieux lorsqu'il parle de m'assassiner pour conserver son secret, et je me contente de sourire, amusée. Trois jours ? Au départ lorsqu'il a parlé de réunion, j'ai pensé à quelque chose qui durait seulement quelques heures, une journée complète tout au plus mais c'est tout. Et vous avez des adeptes partout dans le monde ? Ou au moins... Partout dans le pays ? Je ne crois pas que l'intégralité de la communauté se trouve ici, à Salvation mountain... Quoiqu'il en soit la description qu'il en fait donne vraiment envie. J'ai envie de voir ça de mes yeux, d'y participer, et ce n'est pas seulement ma curiosité journalistique qui parle cette fois. Vous croyez qu'il serait possible d'y participer ? Je veux dire... Je ne suis pas vraiment un membre de la communauté. Et pour tout dire, je ne tiens pas particulièrement à le devenir !

J'hésite à le suivre lorsqu'il retourne dans sa yourte, je ne suis pas certaine d'être censée lui coller aux basques toute la journée... Mais puisqu'il m'y invite, je le rejoins et m'approche avec plaisir du bassin pour me rincer à l'eau fraîche. Je décline la proposition de la douche, peut-être tout à l'heure, ce soir quand on aura encore bossé l'après-midi. Oui bien-sûr, avec plaisir. Pour tout dire moi aussi je meurs de faim.

Je plisse le nez. Oui c'est vrai, ça me paraît logique. S'il faut seulement accepter de prendre part à toutes les activités, je suis partante. Il en faut beaucoup pour m'effrayer et j'en ai de toute façon déjà tellement vu dans ma vie que je ne crains pas grand chose. Ou plutôt, disons que je ne crains pas grand chose d'une communauté pacifiste et religieuse. On n'est pas dans une vieille série d'horreur, je doute qu'il s'agisse d'une secte qui dissimule des cadavres ou ce genre de conneries. Alors ça tombe plutôt bien, parce que j'ai justement envie de tout voir. Ma curiosité n'a pas de limites, ou alors je ne les ai pas encore trouvées...

Je me doutais que c'étaient principalement des américains, oui... Mais du coup, certains rentrent chez eux entre deux séjours ici ? Ils ne vivent pas tous en communauté à Salvation mountain, je veux dire. Pas au quotidien, en tout cas. J'imagine que certains d'entre eux, la plupart même sans doute, ont un travail en-dehors de ça, une famille ailleurs peut-être aussi.

Je passe de l'eau froide sur mes bras, ma nuque dégagée de mes cheveux que j'ai noués en chignon le temps de la récolte, et j'acquiesce. Oui, j'aimerais bien. Vivre comme eux, c'est encore le meilleur moyen de réellement me rendre compte de leur quotidien. C'est ça que je veux, m'imprégner de leur vie, avoir l'impression de les connaître, de les comprendre. Il n'y a que comme ça que je pourrais en parler comme il se doit. Je ne peux pas me contenter de venir et de poser des questions pour faire mon documentaire, ça ne m'a jamais intéressée. Pour une simple interview oui, peut-être, mais là ce n'est pas ce dont il s'agit.

Et puis je plisse le nez à son regard plus insistant, son ton plus lourd de sous-entendus que je crois percevoir. Mon visage s'illumine d'un sourire amusé et je hausse négligemment les épaules. J'ai beaucoup d'amour à donner, vous en faites pas pour ça. Je reprends ses mots au cas où nous nous serions mal compris, mais vu le genre de communauté dont il s'agit, ça ne m'étonnerait pas... Enfin je vends mon corps chaque fois que je manque de thunes, alors ce n'est pas le genre de choses qui me dérangent.

Un sourire légèrement amusé se dessine sur mon visage et je dodeline de la tête, choisissant l'honnêteté puisqu'il semble suffisamment ouvert d'esprit pour que je puisse me permettre de l'être. Je crois que j'aime bien votre façon de vivre, de voir les choses aussi... Mais je suis pas sûre d'être vraiment ahem... Prête à entrer dans le Royaume de Dieu. J'espère ne pas le froisser, mais il y a des limites à ma foi et malheureusement je sais que je ne serais jamais une fervente croyante, ni une pratiquante assidue.

Je plisse le nez, hésite à poser la question mais finalement, c'est la raison principale de ma venue ici, alors je me lance : Je crois que j'aimerais bien réaliser un documentaire sur... Enfin sur ce que vous faites ici. C'est malheureusement le moment où beaucoup de gens m'envoient finalement balader en décidant qu'ils ne veulent rien avoir à faire avec la presse. Sauf que je ne suis pas réellement journaliste, je ne bosse pour aucun journal après tout, mes travaux sont à peine diffusés sur mon site internet et je ne crois pas que grand monde le consulte. Mais ça ne fait rien, je ne fais pas ça pour la gloire. Je comprendrais que ça vous gêne, bien-sûr vous n'êtes forcé de rien... Et on n'est pas non plus obligés de tout montrer, on peut choisir de ne parler que de ce que vous m'autorisez à dire.

Un sourire fleurit sur mes lèvres et j'acquiesce. C'est bien pour ça que j'ai envie de venir. Je suis toujours prête à essayer. Pour le coup, il prêche une convertie, mais j'ai toujours été du genre à goûter avant de dire que je n'aimais pas. Il n'y a aucune expérience, ou presque, que je ne suis pas prête à tenter. Trop de choses m'intriguent dans la vie pour que je me laisse freiner par des peurs, des réticences ou des idées reçues. Je pars surtout du principe que ça ne m'engage à rien. Il peut faire ce qu'il veut, si je décide de ne jamais revenir après leur réunion annuelle, il ne pourra pas m'y forcer. A partir de ce constat, je me dis que je ne risque rien. Ce qui est peut-être faux, après tout je ne peux pas garantir qu'il ne fait pas partie d'une secte dangereuse aux rituels sataniques ! Mais je m'en rendrais compte en temps voulu, il faut savoir prendre des risques.

Sur ici, oui. Pas vraiment sur lui en tant que personne, encore que ça m'intéresserait beaucoup mais du peu que je peux en voir... Je ne crois pas qu'il serait du genre à parler de lui. De sa vie, de son passé, de ce qu'il est en-dehors de ses croyances et de son quotidien.

A son acceptation tranquille, mon visage s'illumine de soulagement. C'est que certaines personnes réagissent très mal quand on s'intéresse de trop près à elles ! Oh, c'est adorable ! Je suis sûre que ce sera génial ! Maintenant j'ai hâte de pouvoir commencer, malheureusement j'aimerais avoir vécu la réunion annuelle avant de faire quoi que ce soit, pour m'immerger réellement. Et comme je n'en connais pas encore la date... Je hausse les épaules à mes réflexions intérieures, lui sourit. Oui, moi aussi je meurs de faim.