Jane Doe - I don't know everything about me

NOM. Doe. Le nom le plus générique qui soit, et c’est voulu. PRÉNOM(s). Jane. C’est comme ça qu’on l’a appelé après son “accident”. Et c’est resté. Elle n'a jamais cherché à se trouver un autre nom. Elle n'attend que le vrai. Celui qu'elle a oublié. ÂGE. 25 ans. En tout cas, elle s’en rapproche sûrement. DATE ET LIEU DE NAISSANCE. Aucune idée. Sa mémoire lui fait bien trop défaut. D’après ses nouveaux papiers d’identités, elle serait né ici même, à Slab City, un premier janvier. Mais c'est faux, bien sûre. Sûrement. ORIGINES/NATIONALITÉ. Là encore, c’est le flou totale, mais son léger accent russe suggère qu’elle n’est pas une américaine pure souche. Pour autant, sa nationalité est aujourd’hui américaine. TAFF. Taxi. C’est bien la seule chose qu’elle sait faire aujourd’hui, même si elle s'est trouvé un talent particulier pour le dessin. STATUT CIVIL. Célibataire, il lui semble. En tout cas, personne n’est encore venu pleurer dans ses bras en disant être soulagé de la voir en vie. En revanche, elle a rapidement compris que les hommes, ce n’était clairement pas son truc. GROUPE. Estesian.

Et ta piaule, à quoi elle ressemble ? Elle n’en avait pas encore, il y a quelques mois de ça. Elle logeait gratuitement au sein d’une famille mexicaine beaucoup trop gentille et honnête. Mais aujourd’hui, alors qu’elle s’est trouvé un emploi comme chauffeur de taxi, Jane s’est prit un petit studio sans fioriture dans le centre ville. Rien de très grand, rien de très classe, son salaire ne le lui permet pas. Mais c’est suffisant pour survivre, pour ne plus vivre au crochet de ses sauveurs, pour avoir un pied dans la réalité.

Comment t'as débarqué ? La grande question. Si elle avait la réponse, elle n’hésiterait pas un seul instant à repartir d’ici. Malheureusement, c’est le trou noire. Elle ne sait pas comment elle est arrivé en ville, ni pourquoi. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’on l’a retrouvé il y a moins d’un an dans un état pitoyable, amnésique et sans aucune famille à laquelle se raccrocher. Pas même une trace dans les dossiers civiles. Jane Doe, dans toute sa splendeur.

Qu'est-ce que t'espères trouver ici ? La vérité. La raison de sa venue ici. Qui elle est, de qui elle est censé être proche, ce qu’elle foutait dans cette ville sans attache ni passé clairement identifiable. Toutes ces choses qu’elle ignore sur elle-même, Jane les recherche activement. C’est pour ça qu’elle reste. C’est pour ça qu’elle s’accroche malgré tout, et surtout malgré elle.

Le vide. La douleur.  Et l’attente.

C’est tout ce dont je me souviens. Enfermé dans cette pièce au mur trop blanc, au beau milieu d’une foule d’anonyme. Infirmier, médecin, spécialiste. Et une inconnue de plus. Mon reflet dans le miroir. Moi-même. De quoi vous glacer le sang. Comment peut-on en arriver à ne même plus se reconnaître ? Comment peut-on oublier son nom, son passé et ses proches ? Des proches qui d’ailleurs, n’ont jamais refait surface. Peut-être n’en ai-je jamais eut. Jane Doe. C’est le nom qu’ils m’ont donné. Parce qu’ils ignoraient tout de moi. Parce que j’ignorais tout également. Personne n’est venu me chercher à l’hôpital. Personne ne m’a contacté pour m’aider à retrouver la mémoire.

Juste le vide. La douleur. Et l’attente.

Les seuls indices que j’ai pu trouver, c’est ma capacité à parler le Russe et mon léger accent gravé dans le ton de ma voix. L’idée de quitter cette ville où je suis apparu comme par miracle ne m’est même pas venu à l’esprit. Sans doute parce que je suis persuadée, au fond de moi, que j’ai atterri ici pour une bonne raison. Que j’avais une justification. Une volonté réelle d’être ici. Mes recherches stagnent, mais je n’abandonnerais pas. Pas avant de trouver les pourquoi qui m’ont poussé à venir jusqu’ici. Pas avant de trouver les comment. Pas avant de trouver les qui.

Et en attendant, je dois supporter le vide. La douleur. Et l’attente.

Ma vie a prit un tournant incroyable depuis que je suis sorti de l’hôpital. Mais peut-être qu’il en a toujours été ainsi. Peut-être ai-je toujours été incroyablement chanceuse. Sauf le jour de mon accident, bien sûre. Sauf ce qui m’a amené aux urgences de Slab city dans un état pitoyable. J’en suis ressortie avec le corps en miette, mais l’esprit en feu. La volonté de retrouver mon histoire, de pouvoir enfin comprendre se fait de plus en plus viscérale au fur et à mesure des jours, des semaines et des mois. Les mains tendus à mon attention, j’en ai reçu des tas. De cette famille mexicaine qui a accepté de me loger gratuitement après ma convalescence, à cet employeur agréable qui m’a embauché comme chauffeur de taxi. Mais ce n’est toujours pas suffisant. Il me manque quelque chose.

Pour combler le vide. La douleur. Et l’attente.