Vous avez un nouveau message. || Sebastian

« SEEEEB ? »

J’appelle toujours les gens pour être sûr qu’ils sont là, et il n’y a pas de sonnette à la yourte de Sebastian, c’est mal foutu. Au moins au Huitzilin, il y a une porte, et au tipi de Apolline, il y a un carillon. Donc on est obligé d’appeler, eh, écoute, on fait ce qu’on peut. Ca fait un moment que je ne suis pas allé du côté de Salvation, d’autant plus que ce matin c’est de chez un amant que je suis sorti, et non pas de chez moi. C’était donc totalement normal de sortir avec ce que j’avais sur moi hier soir. Autant vous dire que j’ai rapidement abandonné les talons aiguille pour les trimballer dans ma main comme des armes si quelqu’un venait à me faire chier, et que ne retrouvant pas mes fringues dans le fratras de la cahute, je suis parti avec le rideau.
Oui, parfaitement, le rideau. Et noué correctement ça fait une toge d’empereur très classe, si vous voulez tout savoir.

J’ai pas l’air malin quand je me pointe devant chez Seb, mais j’ai plus d’herbe et mon fournisseur ne répond plus à mes appels. Peut-être qu’il en avait marre que je paie en partie de jambes en l’air. J’ai donc descendu le carnet d’adresses à la seconde référence.
Toujours avoir un bon réseau ; c’est important.

Ah, Seb doit être encore en train de causer avec le Seigneur. Ou avec un de ses sbires.
Deux de ses sbires.
...trois ?!
Eh ben dis donc, y’en a un qui n’a pas chômé cette nuit ! Mais qui suis-je pour faire un commentaire à ce sujet, moi qui me suis fait tringler jusqu’à l’aube ?
Une incorrigible commère doublée d’un emmerdeur, oui, ça se tient.

Poli au minimum, j’attends toutefois qu’on me dise d’entrer. Le nombre de visiteurs nocturnes, à la plastique très intéressante au demeurant, s’est apparemment limité à trois, et je prends le droit – et le gauche car après tout pas de jaloux quand on parle de sexe – de me rendre dans la très sympathique petite demeure, décorée avec un goût tout particulier qui froisse mon sens d’ancien décorateur d’intérieur.

« Oh c’est une nouvelle pratique masochiste ? Ou un nouveau moyen de communiquer avec le tout puissant peut-être ? Ou alors la réincarnation à la mode actuellement c’est le papillon ? Je peux essayer ? »

Une seconde plus tard, je suis à walp et je me suis fait une place dans son pieu odorant de saveurs et de fluides corporels.

« Ah bon sang, on n’a pas idée du luxe d’un lit quand on a baisé toute la nuit sur le sol. Ah, je venais pour ça, tu permets ? »

Je lui chippe son joint agonisant d’un jeu de doigts et le porte à mes lèvres.

« Aaaah merci bien. Quoi de neuf ? »

Dieu n’a pas l’air de répondre, et pourtant je vous jure que je tends l’oreille – peut-être que si je fume davantage, je pourrai l’entendre. Je tire une bouffée bien trop intense pour mon esprit qui à peine réveillé à traversé le désert et ses cinquante degrés au soleil. Une quinte de toux me prend, et comme si c’était le remède, Seb me colle ses grosses paluches sur le visage et j’ose pas savoir où elles ont traîné cette nuit.

« Oui je sais, je sais, merci. » je réponds à ce que j’ai pris pour un compliment sur ma virtuosité de...de je ne sais pas, au juste, d’exister, sans doute ?

Je sursaute quand il me parle d’une vision qu’il a eue, et intéressé, je passe sur le flanc, la main levée tenant le joint comme une lumière dans la fumée pour ne pas nous perdre dans les méandres de notre connerie.

« Ca me branche grave, je dois faire quoi ? Baiser avec toi ? Ca devrait être dans mes cordes. »

Le joint se porte à mes lèvres avec la lenteur du réveil et je l’égrène à même le sol sans me soucier du ménage à faire – l’avantage de ne pas être chez soi.

« C’était grave cool. » je confirme, sans me douter que nous ne parlons pas de la même nuit puisque nous ne l’avons pas passée ensemble. A son ordre, je me vautre de nouveau sur le dos en soupirant, soulevant une nouvelle nappe d’odeurs corporelles. « Oh j’ai la flemme, si tu as faim, mange le corps de Dieu. » je lui conseille, écartant les bras comme s’il s’agissait de moi.

« Eh bien tu aurais beaucoup d’apôtres et je ne saurais pas dire si c’est une bonne ou une mauvaise chose. »

Jusqu’à présent, le sexe et autres étreintes charnelles ne m’auront jamais apporté quelque chose de mauvais ; coucher avec des gens pour l’amour de Dieu ne peut donc en être qu’une bonne, non ? S’il ouvrait un bordel ceci dit, si j’en crois mes dernières conversations avec quelques trafiquants au coin d’un bar, il commencerait à y avoir un sacré ratio de putes au mètre carré à Slab City.

« Ah ça c’est une excellente idée mon Seb ; je finis mon joint et je m’attelle à cette tâche divine. »

Il y a pire tâche dans la vie que sucer un envoyer des cieux, on en conviendra.

« Ehhhh qu’est-ce que tu glandes ?! »

Bah il va chercher à manger et à boire, mais ça je ne l’ai pas tout de suite compris. Il se casse la gueule sur le sol et je n’entends plus de bruit ; est-ce qu’il est mort ? En quoi s’est-il réincarné si c’est le cas ?
Ah pardon, mauvaise religion.
Enfin s’il s’est réincarné vu son caractère je veux pas trop savoir en quoi. Profitant qu’il ait dégagé, j’en profite pour prendre toute la place dans le lit. C’est pas la meilleure idée du monde, en témoigne la violence avec laquelle sa silhouette me tombe dessus après la chute de la bouteille et de osties qui s’éparpillent en pétales de papier sur les draps.

« Hay caramba, il pleut de la queue maintenant ? »

Je tâte la carcasse qui s’est étalée sur moi.

« Ah, tu m’as manqué. Mais si tu veux une pipe, il va falloir que tu bouges. »

J’attrape la bouteille et la colle à mes lèvres.

« A ta santé mon amour ! »

Je saisis pas exactement tout ce qu’il se passe mais l’instant d’après je n’ai plus la bouteille, est-ce qu’elle s’est volatilisée ? Sa mère la pute si même les bouteilles disparaissent on est pas rendus dans ce pays. Est-ce que...aaaaah Seb’ l’a changée en truc à manger. Parce que boire ou manger, il faut choisir ! - ou un truc du genre. Moi tant qu’il ne me pique pas mon joint, nouvelle substance de mon air, tout va bien. J’ouvre la bouche prêt à avaler, bien élevé que je suis, et suce avec concupiscence les doigts de Seb avant qu’ils ne s’échappent.
Quoi, ça aussi ça se mange.

« Merci mon brave, tu es bien aimable. Alors qu’est-ce qu’il faut faire exactement pour être un apôtre, j’ai pas tout compris ? Est-ce qu’il y a un genre de... » Nique la cendre mal éngrenée qui s’écrase sur mon ventre en me faisant piailler comme une fillette. Je tire sur le joint pour me redonner contenance. « Un genre de rituel, ou je sais pas ? »

« Ah, et c’est quoi tes consignes en ce moment ? Déposer ta sainte semence dans le cul des apôtres ? »

Je roule sur le ventre ; j’ai chaud au dos et je commence à m’éveiller malgré la beuh, et donc comprendre que les draps sont humides de sueur et d’autres fluides que je n’ai pas envie d’identifier, quoique à mon avis ce ne serait pas très compliqué. M’appuyant sur mes coudes je teste donc le manque drastique de souplesse de la vieille branche qu’est au fil des années devenu mon dos – le temps où je sautais mes stagiaires architectes sur mon bureau me semble bien loin ; oh, c’est que ce souvenir chaud me ferait bander.
A sa question, je reprends le joint après avoir fait se disperser sur ma langue les miettes d’une ostie bien méritée (tu parles).

« Aller. Y’aura qui ? » je demande comme s’il s’agissait d’une grosse soirée à laquelle je me rendrais seulement si des personnes que j’apprécie s’y trouvent. C’est mon petit côté lycéen qui ne veut pas grandir.