Okay on va parler du fessée, fessée, fessée... FECEPS / Niisha

D’après ce que tu as compris ce bunker est déplaçable, c’est du moins ce qu'a essayé de te mimer ton intermédiaire connaissant davantage de mexicain que d’anglais. C’est joli le mexicain, ça chante à l'oreille, mais pour faire des affaires ça devient compliqué. Fort heureusement un de ses potes est arrivé pour traduire. Il s’est foutu de ta gueule trente secondes. Après avoir récolté un combo mortel de ton regard d’iceberg et du regard bleu profond des enfers de ta fille perchée sur tes épaules comme une reine avec son chignon-“c’est comme ça qu'on les fait à l’opéra de Paris”-d’Alyosha, il s’est toutefois lancé dans des explications beaucoup plus claires et précises sur les possibilités du bunker.
Une affaire rondement menée car clairement, tu es celui des deux qui négocie.


Nadeshda gigote sur tes épaules quand elle voit son père se rapprocher d'elle et tu la fais passer par dessus ta tête pour pouvoir la déposer sur le sol aride et craquelé, non sans l’avoir écartée de la trajectoire d’une espèce de petit scorpion pas commode.

-J’en dis qu'il est cool et qu'on va pouvoir…

Ton regard attrape celui du gars pas très frais.

-Qu’est-ce que tu veux toi ? demandes-tu d’un ton qui fait passer toute réponse à la question pour mauvaise.

Tu baisses les yeux en direction du client que tu ne connais pas du tout et qui soudainement n’est plus très assuré. Haussant les épaules, tu n’en fais pas toute une histoire, et mets à exécution ta technique habituelle : tu tends le bras et glisses tes doigts autour du cou du mec où pendent de multiples breloques qui cliquettent entre elles. Tu te saisis de la plus grande et visible, miroitante sous le soleil de plomb, et l’arrache à sa nuque d’un coup sec qui le fait sursauter. Nadeshda se redresse et tend les bras vers toi, attirée par la babiole de princesse qu'elle doit prendre pour un genre d’amulette.

-T'as trois jours, sinon je revends ce truc là et je viens chercher ma thune moi même chez toi.

Nadeshda observe le bijou sous toutes les coutures, semble satisfaite, le lance à NewJ qui part le chercher en courant sous le regard médusé de l'autre.

-Allez fous moi le camp.

L’autre a un mouvement de recul et se taille de sa démarche vacillante de mec qui en a trop pris. Tu te tournes enfin vers ton mari.

-Donc, le bunker. Apparemment il est déplaçable, et je me demandais si je pouvais pas essayer de le mettre carrément au dessus de celui qu'on a actuellement, que ça fasse une espèce de cave. Comme ça tu aurais tout au même endroit comme tu voulais.

Tu as changé d’avis ; disons que tu t'es fait sauter de manière suffisamment convaincante la dernière fois.
On peut pas dire que vous avez une mauvaise communication.

-Tout dépend de comment on va l’aménager. Il est plus grand et plus récent que l'autre il me semble, mais je suis passé très vite : je crois que Nad a du mal avec le fait d’être enfermée. Ou alors c'est juste que c'était pas décoré comme un palace russe mais elle était intenable dedans.

Comme une petite fille de deux ans qui s’énerve du fait que l'attention n’est pas concentrée sur elle finalement. Tu remarques la façon dont il se mord la lèvre.

-Tout va bien ?

Sous entendu : personne t’a fait chier ?
Tu te détends peu à peu depuis que vous êtes arrivés, te réveillant moins la nuit en entendant des coups de feu seulement produits par ton esprit puisant dans tes souvenirs, et admettant pouvoir rapprocher vos planques les unes des autres. Mais tu es surtout devenu indubitablement mâle avec ton entourage.

-Ah il faudra plus gros ça c'est certain, déjà que je dois changer le moteur du Rover c’est pas pour prendre le risque de le faire sauter une seconde fois.

Nadeshda jette le collier encore une fois et vos trois spitz partent à sa recherche en jappant.

-On peut carrément ouais. On sera tranquilles et les filles aussi. On verra quand Minette grandira après.

Vous ne savez pas combien de temps vous allez rester là, mais il faut prévoir.

-Quand je fais quoi ? tu demandes très sérieusement sans savoir réellement de quoi il parle.

Ton mari pense trop vite des fois, même un an après il est difficile à suivre de temps à autre. Tu jettes un regard à Minette pour t'assurer qu'elle va bien et qu'elle ne s’éloigne pas trop. Revenant vers lui, tu hausses un sourcil.

-Je conduis des bateaux, ça va comme poids lourd non ?

Tu parles toujours au présent de cette période qui parfois, c’est vrai, te manque. D’autant plus que depuis que vous êtes ici tu n’as fait que croiser d’anciens militaires de tous bords et de tous pays, venus chercher sans doute une liberté que le carcan de l’armée ne leur permettait pas.
Et qui paradoxalement les sécurisait.

-On va demander à Gyp et je l’amène maintenant, ça te dit ?

Dès l’instant où tu vois Gyp, tu te dis que c'est comme ça que tu aurais imaginé le père de l’intrépide armurière et transporteuse du Bronx, que tu n’as jamais rencontré. Les différents camions pour la plupart hors service sans doute vous entourent comme autant de gardiens qui vous défieraient de rouler leur propriétaire. Ce n’est pas votre intention, à priori, même si tu ne sais pas ce qu'il se passe exactement dans la tête de ton mari (il ne vaut mieux pas effectivement). Nadeshda n’a pas l’air d'être impressionnée, toi en revanche tu restes respectueusement bouche bée, répondant au salut du dit Gyp d'un mouvement de la tête, et laissant Alyosha faire le boulot d’un regard confiant. Tu rappelles Ragnarok qui comme d'habitude s’éloigne un peu trop, et il rapplique avec une énergie irréelle pour un animal peu habitué aux fortes chaleurs, la langue tout de même pendante sous les quelques cinquante degrés qui règnent.

-’stu veux le Russe ? grince le vieux.

Ah oui c'est vrai. Quiconque connaît Alyosha même depuis peu de temps sait qu'il est russe et a vécu en France.

Même si Slab City est une contrée solidaire quand on parle correctement, elle n’en reste pas moins un endroit qui fonctionne automatiquement sur les échanges ; tout objet ne mérite pas forcément fric, mais il mérite quelque chose, et le vieux Gyp ne laissera certainement pas repartir un de ses trucks adorés, qu’il a passé un temps fou tunner dans le temps de sa jeunesse, et à réparer quand il les défonçait lors de courses ou même de simples accidents au cours desquels il s’était cru roi de la route parce qu’il pesait plus lourd que les autres de quelques dizaines de kilos. Du camion hein, parce que ce ne serait pas sa petite silhouette rabougrie, desséchée par le soleil, qui te ferait peur.
Alyosha ne semble pas lui inspirer confiance parce qu’il fait ostensiblement la gueule le vieux Gyp, comme si vous alliez lui sauter dessus.

Tu effleures le bras d’Alyosha pour lui indiquer que tu maîtrises la situation, et passes devant lui pour effectivement la maîtriser, tout en lui servant de garde du corps comme tu l’as toujours fait. Nadeshda piaille impérieusement parce que tu t’éloignes trop d’elle à son goût, mais tu lui adresses un signe, qui ourlé d’un regard glacial, lui intimes de se taire.
Tu passes alors ton bras autour des maigres épaules de Gyp qui ne se défend pas, sans doute impressionné par ta carrure.

« Viens avec moi Gyp, on va causer, je suis sûr qu’on peut trouver un arrangement. »

L’entraînant avec toi, tu fais mine de t’intéresser à son métier, à son histoire, même si c’est pas forcément la vraie, même s’il invente, même si vous vous cachez un peu tous ici. C’est ainsi que tu apprends le pedigree de chaque camion, de la coque branlante à l’objet de collection flambant qu’il est interdit de toucher et qu’il léguera à sa descendante si tu en crois ce qu’il dit.
Quelle descendance, tu te gardes bien de le demander.

C’est ainsi que tu récupères les clés d’un de ces monstres de fer après quelques dizaines de minutes de négociation et quelques grammes d’herbe en passant – l’art de l’échange. Un truck à la carrosserie impressionnante dont la couleur avait du ressembler à celle du ciel par le passé vient alors brouter le sable vers Alyosha.
Tu descends du véhicule pour aller ouvrir la porte passager à ce dernier.

« Si Votre Altesse veut bien se donner la peine... »

Le truck s’éloigne bientôt sous l’oeil du vieux Gyp qui te transperce le dos pendant plusieurs dizaines de mètres, même si le véhicule génère une importante quantité de poussière qui se gonfle en un nuage doré et opaque derrière vous.

« Dommage qu’on ne soit pas tous les deux, je ne l’ai jamais fait dans un camion. » fais-tu distraitement remarquer.

« Voilà une excellente idée. »

Nadeshda lève sur toi un regard suspicieux. Fort heureusement pour vous, elle est éclairée, mais pas suffisamment mature pour comprendre quoi que ce soit dans ce domaine – le contraire serait légèrement flippant.
Un regard de côté montre que même après deux ans, tu es toujours surpris de voir qu’Alyosha s’intéresse autant à ton avis sur quelque chose qui ne te concerne finalement qu’à moitié : tu vends la came et c’est lui qui s’occupe de toute la production en véritable homme d’affaires qu’il est. Prévoyant de tourner autour d’une dune à la forme étrange qui laisse présager un creux important de sable qui permettrait au camion de vous enliser et de rester coincés, tu réfléchis à sa question.

« Il faudrait s’intéresser aux espèces en question et la place qu’elles ont sur le marché. Si elles sont déjà bien vendues ça ne sert pas à grand-chose, j’aime l’idée qu’on ait notre petit monopole. »

La drogue norvégienne suscitait déjà son intérêt à New-York, mais alors ici alors que les premiers ports sont à des centaines de kilomètres, encore plus.
Bientôt la cahute du propriétaire du second bunker apparaît entre les tipis et autres caravanes, attestant s’il y en avait encore besoin, de la finalement faible étendue du campement. Minette sautille à l’idée de sortir, c’est vrai qu’il fait chaud, et soudain, la silhouette d’un gros animal passe, heurte brutalement le capot du camion. Tu écrases brutalement le frein, dérape dans le sable, immobilise l’immense carlingue après une déviation spectaculaire de trajectoire.

« Okay, c’était quoi ça. »

Le coeur battant, tu reprends le contrôle de toi-même et de la situation à peu près trente secondes plus tard, tout bon militaire que tu es. Tu t’apprêtes à descendre pour vérifier que l’animal ou pire l’être humain n’est pas mort mais c’est Alyosha qui décide de s’en charger. Acquiesçant, tu détaches toutefois ta ceinture, près à intervenir, et celle de la mioche.

« Viens Minette, je suis désolé, ça va aller. »

Elle te grimpe dessus, chouinant de peur, et s’installe contre ton torse, le nez dans ton cou. Tu lui caresses le dos, le regard suspicieux penché par dessus le bord de la vitre conducteur, éteignant le moteur. Les spitz, tremblants, se sont massés dans le creux nécessaire à la disposition des jambes des passagers, serrés comme des sardines, attendant un choc.

« Un cheval ? Mais qui élève des chevaux ici ?! »

T’es persuadé que les chevaux peuvent pas supporter pareille chaleur, c’est pas possible. Tu ouvres alors la portière du camion et sautes dans le sable, ta fille dans les bras. Et effectivement, c’est bien un cheval qui s’est pris le capot du camion. Ton ventre se serre : c’est dingue qu’il soit arrivé aussi vite !

« Ouais ça m’étonne. » confirmes-tu factuellement. « Il est blessé ? »

Nadeshda gigote pour aller voir mais il est hors de question que tu la confrontes à une potentielle vision d’horreur.

Nadeshda obtient donc l’autorisation de descendre mais tu la gardes dans ton viseur, prêt à lui bondir dessus comme un prédateur si elle fait le moindre mouvement qui pourrait lui causer du mal. Fort heureusement, elle a de l’instinct – probablement celui de sa mère – et elle ne fait que se caler contre la grande roue du camion, non loin du cheval, suffisamment près pour le regarder et suffisamment loin pour qu’il ne l’atteigne pas s’il se sent menacé. Et en l’occurence comme tout animal blessé, il se sent menacé. Encadré par les spitz, même Ragnarok que tu as fait descendre, tu te diriges vers l’animal qui a l’air d’avoir pris un sale coup dans le train arrière ; précisément celui que tu lui as mis avec le capot du kamtar.
L’animal s’éloigne en boîtant, visiblement apeuré et épuisé. Tu n’as pas le temps de te demander ce qui le poursuivait qu’Alyosha fait justement remarquer le danger de la situation pour le bestiau.

« T’es bien gentil mais on va jamais réussir à le faire entrer dans le camion sans lui faire faire un arrêt cardiaque. C’est toi qui t’y connais en chevaux... »

Lui, et Yngvil. Hm, tu as peut-être une idée.

« Yngvil m’a parlé d’un couple pas super commode un peu plus loin dans le désert qui a une écurie. C’est peut-être un des leurs, ou alors, ils pourront au moins s’en occuper. Appelle-la ? »

Jusqu’à ce que vous puissiez faire autrement Yngvil et toi avec un seul téléphone pour deux en ce moment, et aujourd’hui c’est elle qui l’a.