I looked 'round And I knew there was no turning back [Wayland]

Une dernière vérification avant de grimper dans la jeep et... et c'est parfait ! D'un geste câlin, elle frotte entre les deux yeux de Dakota qui ronronne en se roulant sur le dos puis elle lui dit de rester là. D'habitude, elle l'emmène partout ou presque mais pas cette fois. Elle va se sentir nue mais c'est mieux. Le bobcat a l'art d'impressionner les gens et elle a pas envie que le chat se promène dans le campement à force de s'ennuyer. Autant qu'il reste ici à embêter les deux chats et les force à se bouger le cul un peu. Dak fait un petit bruit qui ressemble à une profonde déception mais Raphaëlle la câline et lui promet de revenir vite. Puis elle grimpe dans la jeep qui fait un cahot. Oops, elle y a été un peu trop fort. Mais elle finit comme toujours par démarrer. Cette voiture est éternelle.

Trois jours plus tôt, elle a accompagné un pote au campement parce que ce dernier, qui vit en ville, avait besoin de récupérer sa bagnole. Plutôt que de l'accompagner, elle s'est arrêtée un peu avant pour voir si y avait pas des affaires dans le coin. On sait jamais. Dans le campement, tout le monde est prêt à voler alors y a toujours quelqu'un qui veut savoir d'où ça vient. Et ça a pas manqué d'ailleurs. Elle a trois affaires en court. Et quand elle a rejoint son pote, elle a vu le gars et... peuh ! Bon ça va hein. La jeep a toujours besoin d'un check up.

Elle s'avance dans le campement. Ici, ça bouge tout le temps. T'as des espèces de rues mais en une semaine, t'en as deux qui apparaissent et une qui n'est plus là où elle était. Il faut un vrai sens de l'orientation et même si elle n'est pas mauvaise, c'est un vrai challenge. Cela dit, elle finit par retrouver le coin du carrossier.
Rafa gare sa voiture, en sort d'un bond, avec un sourire de bon humeur. Elle a sorti son plus joli débardeur et un jean taille basse. Elle a même peigné sa tignasse. Oui bon ça va. C'est pas siii pathétique que ça. Elle a pas sorti le maquillage ni le parfum, qui sont dans une boite depuis une éternité. Ce qui l'est, c'est d'avoir volontairement embouti la jeep dans un arbre au point de l'avoir abimée réellement juste pour voir de quoi ce type est capable et si, avec sa chance coutumière, c'est pas juste un connard de plus.

Y a quelqu'un ?

Invité

Parfois tu bossais dans un garage en ville, parfois au campement. Parfois, tu bossais même pas là où t’étais censé bosser. Ça avait un côté assez sympa, t’avais jamais le temps de t’emmerder et t’avais surtout pas le temps cogiter. La plupart du temps en tout cas. Pour toi, c’était pas une mauvaise chose quand on savait ce qui pouvait arriver quand tu pensais trop.

Le nez ans un tout terrain qui avaient un sacré nombre de miles au compteur, tu te demandais s’il allait redémarrer malgré tout tes efforts. La mécanique était vieille, la carcasse avait vécu. Tu pouvais remplacer des trucs ouais, mais le gars tenait à son vieux taco et il avait été clair que ça servait à rien de faire du neuf avec du vieux. Il en avait de bonne. A ce rythme, l’engin allait finir au milieu du champ de bagnoles mortes à la casse pas très loin et servirait pour les pièces.

De justesse, tu sors le nez du capot ouvert sans te le prendre quand quelqu’un appelle. T’as les cheveux en pétard et la tronche maculée de taches de graisse. On voit que pendant ta cogitation, tu t’es pincé l’arrête du nez et frotter le front. Il est le loin le temps où tu bossais en salopette en pensant sécurité. Tu peux pas sécuriser un lieu pareil. Alors tu bosses en short et en t-shirt, avec des bottines de sécurité quand même, mais ça s’arrête là. La seule précaution que tu prends, c’est la crème solaire et un tuyau d’arrosage au cas où un truc se mettrait à cramer.

- « Ouais ! Par ici. »

Avec ton mètre presque quatre-vingt dix, elle te verra bien par-dessus les bagnoles. Rectification, tu vas y aller. Le moteur de sa caisse a plus vraiment l’air de ronronner. Autant ranger la bête dans un endroit où elle risque pas de gêner. Des fois que.

- « Ouais nan, j’arrive en fait. »

Ta démarche est pas tout à fait naturelle, mais t’y fait plus attention depuis longtemps maintenant. Dire que ça se passe toujours bien serait un mensonge mais, si y a bien une chose dont tu fous, c’est qu’on voit que t’es un éclopé premier choix.

Elle a pas chaud dans son jean ?

Ouais, c’est tout ce que tu remarques. Ça et sa jeep qui ronronne pas du tout comme elle devrait et surtout, la partie enfoncée de la carrosserie. Y a probablement que toi qui entend qu’elle tourne carré cette bagnole mais ça... C’est ce qui fait de toi, toi.

- « Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? »

Dans le Bronx, tu faisais un effort. Ici, t’as vite saisi que la politesse se limitait aux basiques dans la plupart des cas. T’en profites pour t’en griller une et saisir une bouteille d’eau dans le frigo box enterré dans le sol sous une matière qui chauffe pas trop.

Rafa s'y connait un tout petit peu en voiture. Comme toute vraie femme indépendante, elle sait changer une roue, faire une vidange et se démerder quand le neiman a pété, ce qui arrive plus souvent qu'à son tour. Là, quand elle voit sa pauvre jeep, elle a parfaitement conscience que, pour le coup, elle a vraiment besoin d'une réparation. Elle voit la carrosserie mais surtout, elle entend le moteur. Ça fait plus de 10 ans qu'elle a cette voiture. Pas loin de 15 peut-être même. Si y a un seul bruit bizarre, elle n'entend plus que ça.
Raphaëlle va pour s'approcher quand elle voit la silhouette. Grande silhouette. Elle le dévisage, de loin. La dernière fois, elle a déjà noté la démarche, aussi, cette fois, elle a l'élégance et la politesse de ne pas baisser les yeux sur les jambes pour essayer de voir ce qui cloche. Et puis des estropiés, c'est pas les trucs les plus rares qu'elle croise dans son boulot. Elle glousse quand il corrige et en attendant, pose son cul sur la voiture, juste à côté du gros bobo.

Salut !

Elle sourit, de presque bonne humeur. D'un côté, sa bagnole va mal, c'est chiant. De l'autre y a... elle a un petit hoquet de surprise :

Putain. Tu ramones aussi ?

Raphaëlle éclate de rire et d'un coup de hanche, se redresse pour aller dans la jeep choper un tissu à peu près propre. Le temps qu'il arrive, déformation professionnelle oblige dès qu'elle a foutu les pieds ici, elle a déjà repéré un tuyau d'eau et va le mouiller, avant de le tendre sans un mot au type. Ses cheveux sont hirsutes et sales, ils sont affreux. Mais y a ses yeux putain. Ça lui fait un truc, inexplicable. Cela dit, elle se contente de sourire et d'apporter des explications.

J'aime bien voir à qui je parle.
J'ai... Emboutie ma voiture de toute évidence. Et j'veux bien bricoler moi-même mais je fais pas de miracle à ce point là. En plus j'entends un bruit bizarre. Je sais pas ce que c'est. J'm'y connais pas assez mais je suis sûre et certaine qu'elle m'a jamais fait un bruit comme ça quand tout va bien.

Bon, bon, bon. Pour le moment... inutile de raconter comment elle a fait ça. Elle a déjà son histoire, évidemment. Prudence prudence. Mais pour qu'un mensonge tienne la route, faut pas trop de détails.

Ça te dérange pas de jeter un coup d'oeil ? Et... Tant qu'à faire m'expliquer au passage.

Bah elle compte pas emboutir sa bagnole tous les jours mais tant qu'à faire, si elle peut au moins se démerder à faire un début de diagnostique technique, elle va pas dire non. Autant joindre l'utile à l'agréable quoi.

Invité

T’as l’habitude qu’on regarde ta prothèse, t’as l’habitude qu’on te dévisage aussi et c’est pareil quand les gens essaient de ne pas regarder ou de regarder partout ailleurs sauf ta prothèse. Scrutation ou fuite. Pour autant, faut reconnaître qu’elle fait des efforts, ta prothèse en ce moment est on ne peut plus voyante depuis que tu l’as recustomisée après avoir fini ta piaule.

Ah, ça y est, tu la remets, elle était venue avec un type dont la caisse avait grillé. Réparation facile cela dit. Longue, mais facile.

- « Hein ? » Ramoner ? Oh ! « Ah ! Ouais. Nan, une vieille guimbarde qui résiste mais j’y crois encore. »

Comme d’hab, tu t’es foutu de la graisse sur la tronche. Un jour, tu remettras des gants mais dans le coin, faut vraiment le vouloir parce qu’il fait quand même sacrément trop chaud pour ça. Tu préfères encore avoir les ongles noirs en permanence et de massacrer les mains. Le savon de mécano, ça fait des miracles mais pas à ce point. Tu prends le linge humide de bonne grâce et te débarbouilles. C’est pas trop ça mais ça fera l’affaire. Une bonne douche fera le reste ce soir.

- « Relativement logique. »

T’écoutes ensuite le petit discours sur sa caisse. Ouais, de toute évidence, la pauvre caisse a mangé un truc, c’est clair. Au moins, elle a l’oreille pour entendre que sa bagnole tourne carré. C’est déjà pas mal. La plupart des gens sont pas fichu de savoir si leur problème de bruit vient pas d’une feuille coincée dans la ventilation ou simplement le filtre qui a bouffé trop de sable. Les clients adore se prendre pour des génies de la mécanique.

- « Je vois. J’peux pas dire juste comme ça ce que c’est, va falloir opérer pour ça et si tu veux vraiment jeter un œil, j’vois pas le problème. J’rajouterai une petite ligne à la note. »

T’allais pas jouer les profs gratos, c’était pas ton genre et si elle voulait pas, elle pouvait toujours aller chercher des cours sur youtube ou n’importe quelle autre plateforme du même genre.

- « Allons la mettre dans un coin et voyons ça ! »

Tu profites de ta clope et de la nicotine. T’es pas la moitié d’un accroc à la clope mais y a eu pire comme dépendance. Parfois, t’es tenté. Vraiment tenté de t’y remettre, surtout ici où y a pas mal de tentation en tout genre.

Évidemment, il n'était pas en train de ramoner. Mais Rafa est contente de sa blague et elle garde un sourire en coin. Il ça se trouve, il est hyper premier degré et ça va être chaud, vraiment chaud. Parce que dans le genre second degré et sous entendu, elle a probablement un diplôme avec félicitations du jury.
Il est pas très causant – ce qui va très très bien à la jeune femme, qui peut être bavarde comme une pie sans pour autant vraiment se dévoiler ou se taire pendant trois heures en étant dans la même pièce que quelqu'un – et il regarde la jeep. Ah ça lui fait un pincement au cœur quand même. Sa brave jeep méritait pas ce mauvais traitement. C'est con d'avoir fait ça pour un type, peu importe ses yeux – ou son cul d'ailleurs – mais elle tique quand il parle d'ajouter une ligne. Elle se redresse un peu avant de conclure qu'en vrai, elle ferait peut-être bien pareil si un client venait lui casser les ovaires à vouloir voir par dessus son épaule ce qu'elle fait et comment elle le fait. Mais elle a envie d'apprendre ou du moins d'être moins conne concernant la mécanique. Et le mater aussi un peu... c'est bien de connaître le produit avant de l'essayer. C'est comme ça qu'on dit non ?

Si c'est une petite ligne, que c'est pas écrit en majuscule ok. Je suis pas bien riche mais j'aime pas ne pas savoir.

Sa voiture, c'est sa seule possession. Avec une cabane croulante, certes, mais elle prend l'air, l'eau, tout le bordel. Et une moto qui fonctionne absolument plus depuis des lustres et qui, à la base, n'était même pas à elle. Ah mais... Pourquoi elle n'y a pas pensé plutôt.

Putaaaaiiiin que je suis conne ! Heu... non rien... j'viens de me souvenir d'un truc. Rien de grave.

Il aurait pu lui dire combien ça allait lui couter et sa jeep serait en parfait état. Le pire serait qu'il ne puisse pas la réparer. Rafa prend le volant, écrase sa cigarette au sol avant de la ramasser et de la mettre dans la microscopique poubelle de la voiture. Elle fait attention à ce qu'elle fait. C'est plus fort qu'elle. Son éducation. Ça doit paraître bizarre pour le commun des mortels mais jamais elle ne laisse trainer un mégot. Elle tente toujours de laisser les endroits où elle va dans l'état où elle les a trouvé. Elle n'en est pas à les améliorer mais si elle avait le temps et/ou l'argent, surement qu'elle tenterait.
Suivant les indications du mec, elle dirige sa voiture dans un coin et redescend pour ouvrir le capot – elle sait faire comme une grande – et regarde d'un air navré sa pauvre voiture. Avant de tenter un acte de sociabilisation avancé : se présenter.

Au fait, moi c'est Raphaëlle. Ravie.

Et hop, un grand sourire, hop, elle se penche pour voir les dégâts de l'intérieur, laissant vaguement glisser la bretelle de son haut de son épaule. Oh oups alors.

Invité

Tu sais que la ligne en plus va faire tiquer mais tu vas clairement pas filer un cours de mécanique ou de carrosserie gratos. Tout se paie ici et même partout ailleurs en fait. Si ça lui plait pas, y a d’autres mécanos, tu sais que t’as pas le monopole, t’en es même très loin. Y a un paquet de gens qui touchent leur bille dans le coin. Faut au moins ça pour survivre. Tomber en rade en plein désert, c’est une sentence de mort et personne n’a envie de crever prématurément. Enfin, pas les gens qui aiment la vie un minimum. Si t’étais un peu plus observateur, tu grillerais sans doute que la dame n’a pas envie que d’apprendre mais bien de te mater au passage. Sauf que t’es un peu con en la matière, surtout depuis que tu cours plus après tout ce qui passe. Un peu comme si tu t’étais mis en tête que personne voulait d’un mec tout abîmé qui tourne plus rond. Encore un truc que t’as bien caché à tout le monde.

- « Petite ligne, pas de majuscule, promis. J’ferais pas de toi une mécano en quelques heures de toute façon. J’vois pas l’intérêt de charger la note comme un connard. »

Tu pratiques pas du tout les prix qui se pratiquaient dans le garage du Bronx et tu acceptes parfois une autre forme de paiement. Parfois de la bouffe, parfois des clopes, parfois de l’alcool. Les seules choses que t’acceptes pas, c’est la dope et le paiement en nature. Tu lèves un sourcil quand elle s’exclame être conne. C’est pas courant ça. Tu sais pas à quoi elle a pensé mais ça venait du fond du cœur en tout cas.

- « Si tu le dis. J’peux ni affirmer ni infirmer alors on va dire que je réserve mon jugement. En tout cas, quoi qu’il soit arrivé à cette pauvre jeep, elle a bien pris l’obstacle, c’est clair. »

C’était pas la mort pour la caisse mais elle avait morflé un peu. La carrosserie serait à redresser pour sûr cela dit. Tu la regardes mettre la cigarette morte dans la poubelle de la caisse. La seule chose qui t’empêchais de semer tes mégots toi, c’était la sécurité. Dans un putain de désert, les clopes mettaient des lustres à s’éteindre pour de bon et au milieu d’un tas de bagnoles, y avait pas besoin de préciser le danger vu le nombre de produits inflammables qu’elle pouvait contenir. T’avais pas envie de sauter ou de cramer au sens propre.

- « Moi, c’est Wayland. »

Le capot ouvert, tu peux voir l’étendue des dégâts ou en tout cas, commencer à te faire une idée, au moins pour la carrosserie. T’es dans ton job et forcément, tu rates carrément le coup de la bretelle.

- « Faut que je redresse la carrosserie. Le moteur a pris un coup aussi mais c’est une bête solide. Y a pas l’air d’avoir trop de dégâts malgré tout. Faut que je m’assure que rien n’a vraiment morflé et que y a aucune fuite mais à priori, c’est pas dramatique. »

Ouai ouai ben ça va ! Inutile de retourner le couteau dans la plaie. Oui, la jeep a rencontré un obstacle. Oui. Et elle se sent encore plus quiche d'un coup, faisant une sacrée grimace. Bon. Aller. Autant faire contre mauvaise fortune bon cœur. Cela dit, une « explication » serait mieux.

Ouai, c'est les risques du métier hein. Elle en aura vu d'autres.

Genre la tâche de sang qui reste sur le siège. Elle la nettoie un peu tous les jours depuis qu'elle a tailladé le gars et ça disparaît. Ça finira par ne plus laisser qu'un très vague souvenir mais pour l'instant, y a toujours une auréole rouge sur son siège. C'est assez blasant.

J'veux dire... C'est à cause de mon job. Je suis privée.

Un petit sourire. Rafa est quand même super fière de son boulot, même s'il ne lui rapporte pas grand chose pour être honnête. En même temps, elle gagnerait sûrement plus si elle prenait pas en pitié tous les blaireaux passeurs de frontière qu'elle traque.
Elle se pose à côté de lui, cherchant à voir à l'intérieur ce qui cloche. Quelle conne mais putain, quelle conne. Quand elle arrive à l'humble conclusion qu'elle a aucune foutue idée de ce qu'il faut chercher, elle attend sagement qu'il lui montre.
La carrosserie, c'est logique. Ça, même elle, elle aurait pu le dire. Ça à pas l'air méchant. C'est une jeep quoi. Ok, faudra qu'elle envisage de mettre un pare-buffle mais ça sera beaucoup plus compliqué pour aller draguer un foutu garagiste.
Rafa fait une moue, la furieuse envie de basculer la tête la première pour aller trouver la solution avant lui – qui a dit qu'elle était pas compétitrice, c'est pas pour rien qu'elle s'est tirée de chez elle – ou de frotter son épaule contre la sienne, juste pour voir s'il en bégayera sa mécanique. Bon, faut que la jeep fonctionne mais... la seconde option l'amuse d'un seul coup. Y a pas l'air d'avoir beaucoup de dégâts non ? Bah parfait. Un peu de divertissement, ça peut être sympa.
La voilà donc qui fait un petit pas de côté, son épaule effleurant celle de... Wayland – putain, c'est quoi ce prénom à la con encore ? - montrant juste après du doigt, un truc dans le moteur.

Je crois que le bruit vient de là.

Ce qui est vrai. Enfin ça vient de cette direction on dirait. Après c'est peut-être les machins et les trucs derrière quoi. Mais c'est dans cette zone là.

Invité

Tu te rends pas compte que tu retournes le couteau dans la plaie. En même temps, t’es pas au courant qu’elle a emplafonné sa caisse juste pour te mater les fesses. Tu serais un peu scandalisé si tu le savais. T’es pas le genre à révérer les bagnoles mais quand même... Amusé aussi. Un peu. Ok, beaucoup. Mieux vaut que t’en apprennes jamais rien en fait ou alors quand t’as un coup dans le nez. T’es pas terrible niveau tact.

Risque du métier ? De quoi elle parle ? Tu fronces les sourcils avant que la lumière se fasse. Ouais, forcément, ça explique. C’est effectivement un risque d’emboutir sa caisse dans un travail comme ça, tu dois bien l’admettre.

- « Ouais, j’avoue que ça joue. »

Même si tu te demandais quand même ce qu’elle avait percuté pour que ça enfonce la carrosserie sans aucun transfert. M’enfin ça, c’était pas ton problème. Tant que la note était payée, ça t’importait pas. Bon, tu note quand même dans un coin de ta tête que la nana pourrait être payée pour déterrer ta vie et ça, tu sais que t’as pas intérêt à l’oublier.

En attendant, t’as un boulot à faire et c’est plus urgent que de s’inquiéter de ce qu’elle pourrait devoir sortir sur ta gueule dans le futur. Après, c’pas comme si tu cachais que t’avais fait cinq ans de taule et deux de liberté conditionnelle avant de disparaître pour des raisons de merde, atterrir ici et manquer le mariage de ta sœur. Tu reviens donc à tes moutons et tes moteurs, tu captes à peine que t’es épaule contre épaule avec Raphaelle. C’pas comme si y avait masse place au-dessus d’un capot de bagnole.

Tu suis le doigt des yeux sans l’envoyer chier ou lui dire qu’elle a tort. T’es du genre à écouter le client sauf quand il raconte manifestement de la merde et elle a l’air de connaître sa caisse.

- « C’est pas dû à l’accident mais si j’étais toi, je changerai la courroie de distribution. Dans le coin, ça claque plus vite qu’on peut s’y attendre à cause des températures et du sable et y a pas mal de moteur qui ont pas tenu le coup à cause de ça. C’est fait pour résister aux hautes températures mais elles prennent cher. Si tu te plantes pas de zone, possible que ce soit la pompe à injection mais ça, ce serait moche. »

Ça coûte une blinde à changer mais dans le pire des cas, y a toujours moyen de voir ce que t’as en stock sur les caisses en rade que t’as de côté et elle aurait que la charge de la main d’œuvre.

- « Une chose est sûre, le radiateur a pris un coup dans la gueule sur le côté. »

Rafa fait une moue. Alors soit il joue la surfacturation – mais quel garagiste le fait pas ? - soit elle a vraiment, vraiment déconné. Et une part d'elle se dit que la seconde option est la bonne. Elle se redresse et se retourne, posant son cul sur le rebord de la jeep. C'est hyper inconfortable mais elle s'en fout. Elle calcule dans un coin de sa tête. Ses doigts pincent l'arrête de son nez.

Pense. Pense. Pense.

Elle a un peu d'argent de côté ok. La courroie de distribution, vaut mieux faire ça maintenant plutôt que trop tard. Mais si c'est la pompe à injection, elle se fait hara-kiri. Elle pourrait p't'être facturer ça au mec qui cherche le slave ?! Ouai non. Il lui a filé la thune et il s'en foutra des frais annexes. Fait chier.
Un gros soupir blasé.

Bon, ben... Courroie et radiateur. Et j'vais mettre un cierge à Saint Eloi en attendant, dans l'espoir que ça soit pas la pompe. Tu me diras, cette bagnole, elle a mon âge et elle roule toujours. Je devrais être contente hein. Mais j'y tiens vraiment. Pas parce que c'est une bonne jeep. C'est juste... J'y tiens vraiment et cet accident, c'est juste la débilité même.

De nouveau, un gros soupir blasé.

T'as pas une bière ? C'est ça ou je me mets à chialer !

Et d'expérience, y a rien de pire pour un mec que de voir une meuf pleurer. En plus, très honnêtement, déjà qu'apparemment, il trouve le moteur plus sexy qu'elle, y a plus aucune chance qu'il soit attirée par elle si elle se met à chialer. Putain.

Enfin, j'prends n'importe quoi qui console à mon niveau.

Invité

Tu sais que t’as trigger un truc en mentionnant la pompe à injection. Tu fais pas ça par plaisir, loin de là mais c’est un option, malheureusement. Ça peut être autre chose et tu l’espères pour elle mais si c’est ça, tu peux pas faire de miracle si ce n’est bidouiller avec la pièce d’une autre caisse approchant. Pour la courroie, tu préfères prévenir parce que si ça pète, le moteur peut claquer définitivement et ce serait très con. Pour elle.

- « Dans le pire des cas, c’est pas les caisses mortes qui manquent dans le coin, y aura sans doute moyen de bidouiller un truc. Faut pas stresser maintenant tant que j’suis pas certain de ce que je dis. La carrosserie, ce sera pas compliqué à redresser. La courroie, c’est facile à changer. Le radiateur demandera un peu plus de boulot mais il a pas pu être touché gravement vu l’impact. »

T’enrobes pas la réalité avec de la guimauve mais tu la peins pas en noir pour autant. Tu vas pas lui mentir sous prétexte de l’épargner. C’est pas ton genre quand il s’agit de boulot. Par contre, la perspective de la voir chialer t’emballes pas. T’es pas du genre à te mettre à paniquer pour ça mais t’es pas friand du truc.

- « Y a un frigo box dans un trou sous la toile et la planche là-bas. »

Tu faisais ce que tu pouvais pour garder les trucs au frais et c’était un vrai challenge alors t’enterrais sous une matière thermo résistante. Ouais, t’as un petit côté luxe derrière le short et le t-shirt pourrav.

- « Quoi qu’il en soit, pas la peine de flipper tout de suite, ni de chialer, respire. »

Non, t’as pas du tout envie de voir ça.

Ouai, il a raison. Elle y a pas été fort non plus. Ça a fait « pong », c'est tout. Y a pas eu de gros bruits et même si la jeep fait un bruit étrange, c'est un petit bruit. Juste précurseur quoi. Enfin ok, elle y connait rien. Mais si c'était grave, selon toute logique, ça ferait un gros et vilain bruit. Quand tu conduis la même bagnole depuis plus de 15 ans, tu sais quand ça cloche et tu fais la différence avec quand ça pue vraiment.
Elle est pas totalement rassurée, mais ça va mieux. Rafa part quand même à la recherche du Saint Graal, trouve son bonheur et en ramène deux. Elle hésite et puis finalement, ose une taquinerie.

Je suppose qu'il y a la petite ligne pour la bière aussi, mais tu déduiras le service puisque c'est moi qui les ai apporté.

Raphaëlle s'approche d'une espèce d'établi. Elle pose une des bières dessus, l'autre appuyée sur le rebord et d'un coup sec, la décapsule, avant de faire de même avec la seconde. On sent vaguement l'experte.

Tu fais comment pour les tenir aussi fraîches ?

Elle tend une des deux bières à Way, visiblement et sincèrement curieuse.

J'ai pas d'électricité chez moi, et encore moins de frigo du coup. De temps en temps je plonge des trucs dans mon puits mais faut être réaliste. Déjà j'ai intérêt à ce que ça soit bien étanche. Et puis c'est sympa mais c'est physique de remonter un seau. Même au bout de 15 ans, ça reste chiant.

Bon du coup ça lui donne la meilleure des excuses pour ne jamais tenter de cuisiner. La dernière fois, elle a failli faire cramer sa baraque. La seule chose décente qu'elle sache faire, c'est le café. Et encore. Tout monde n'apprécie pas sa façon de faire le café, ni le goût qu'elle obtient.

Et hormis la mécanique, tu fais autre chose ? Tu t'intéresses à quoi ?

Et hop, on écoute les conseils de ses potes filles. Parce que ouai, elle a quelques vagues potes qui ressemblent à des vraies nanas. Elles ont déjà vu un coiffeur, elles savent se maquiller et mieux, l'une d'elles aime bien porter des talons. Dans le désert, faut être complètement fracassée du ciboulot, mais c'est que son avis perso.
Rafa fait donc ce que ses potes lui ont dit de faire. On rentre le ventre – ça va ça, elle en a pas trop – et on ressort les seins. Elle en a pas des masses mais au moins, avec ce débardeur, ça va. Plus clair comme message, à part lui mettre la main au cul, ça va être compliqué. Cela dit, elle en est quand même capable. Au pire quoi ? Elle se prend une beigne ? Ça va quoi. Il devrait pas lui faire trop mal.

Invité

Tu hausses les épaules en souriant après avoir pris la bière qu’elle t’a ramenée une fois décapsulée. Oh, tu pourrais la faire raquer pour la bière, tu l’aurais même sans doute fait avant sauf que là, t’étais un peu chez toi, c’était ton petit business même si tu bossais en ville à côté. Donc non, t’allais pas faire payer la bière. Encore moins à quelqu’un qui savait ouvrir une bière comme ça sans niquer le goulot comme certains.

- « Nan ça va. Si tu me vides le frigo par contre, va falloir raquer ou en racheter. »

Ça marchait aussi comme ça. Encore une fois, tous les clients payaient pas forcément avec de l’argent.

- « Un trou dans le sol bien isolé, un frigo avec des couches de glaçons, une bon isolant thermique pour le haut. Mine de rien la nuit, la température peut chuter méchamment alors autant s’en servir. »

Bon, elle chutait pas au point que ça pèle bien sûr mais ça retombait quand même assez pour que ça technique fonctionne. Pas trop chère et le tout sans devoir se faire chier à tirer une rallonge de plus. Sérieux, c’était tout un art de bosser dans le coin, t’avais abandonné une bonne partie des outils électriques habituels qu’on pouvait trouver dans un garage pour la bonne et simple raison que la surchauffe, c’était loin d’être un mythe.

- « Ça doit être un peu chiant à force ouais. Cela dit, faut aussi vouloir creuse un trou dans ce genre de sol pour que ma technique marche. »

Alors que tu fouilles un peu dans le moteur et commence à inspecter en profondeur pour faire un vrai diagnostic tout en buvant la bière, t’es un peu pris au dépourvu. Ça fait combien de temps au juste qu’on est intéressé à ta vie ? Tu sais même plus. Pas si longtemps, tu penses pas, mais t’as un peu perdu la notion du temps. Nan, tu sais pas depuis quand. ‘fin si tu sais. Tu veux juste pas l’admettre.

- « Je peins, j’dessine, ce genre de trucs. »

Tu te trouves pas vraiment assez doué pour montrer quoi que ce soit. La seule chose que les gens peuvent voir, c’est certains de tes tatouages ou ta prothèse mais ils réalisent probablement pas ce qu’ils voient. T’as plus rien montrer à personne depuis un moment déjà et t’en éprouves pas l’envie. Ça te dévoile et t’as beau être une bête sociale, ce serait t’exposer et ça... ça tu peux juste pas.

- « Et toi ? J’imagine que détective, même si ça te plait sûrement, ça doit pas être ta seule occupation ? »

T’es poli, tu retournes les questions. Tu mentirais de dire que ça t’intéresse vraiment mais aussi en disant que t’es pas curieux. T’aimes être agréable avec les gens même si ta mémoire a tendance à virer les infos au dur et à mesure.

La seule réponse que Way obtient, c'est un gloussement amusé. Non mais elle est civilisée. Elle vide pas les frigos ou ouai, elle le remplit en échange. C'est la base et Raphaëlle a été bien élevée quand même. Bon chez elle on ne boit pas et on ne s'invite pas dans le frigo des gens. Mais n'empêche. Il lui reste des bases.

Elle hausse un sourcil à son explication. Même sans être une pro du bricolage, ça semble tout à fait accessible et surtout hyper ingénieux. Elle lève sa bière comme pour porter un toast.

Wow. J'suis impressionnée.

Et c'est sincère. Elle pourra foutre un truc comme ça dans son jardin. Bon, après, le problème principal reste entier. Même avec la meilleure volonté du monde, sa cuisine, ça reste de la merde. Par contre, stocker les bières au frais, ça n'a pas de prix.

Tu sais, pour une bonne bière fraiche chez moi, je serais prête à creuser une piscine.

Pour peu qu'elle apprenne à nager aussi. Et Rafa rit de bon cœur en s'imaginant creuser un trou de la taille d'une piscine. Et elle cligne des yeux à la réponse de Way. Un artiste ? Sérieux ? Genre les tatouages, il va bientôt lui balancer que c'est les siens aussi ? Nope. Impossible. C'est un coup à tomber dans les pommes. Elle n'en a pas mais elle imagine très bien le mal de chien que ça doit faire. Et elle a absolument pas envie de marquer son corps de la sorte, sans façon. Mais un mécano, ça fait genre un peu... Pas brute ou bas de plafond. Non. Faut pas pousser et puis c'est pas elle qui peut donner des leçons. Mais ça semble montrer un manque de... De finesse. Voilà.

Ah ouai ? Et j'peux voir du coup ? Ou c'est genre juste pour toi ?
Moi je chasse. Je dresse mon bobcat... c'est un gros gros chat quoi. Il m'accompagne pour la chasse et le boulot si j'ai besoin. Et puis je retape ma maison croulante. J'ai un sol qui est droit maintenant et le toit est en bon état depuis peu. J'fais les choses en fonction de l'argent et de la récup. Le summum ça serait avoir de l'eau courante et l'électricité. Le genre de luxe que j'ai jamais connu quoi.

Même quand elle était fed. Elle a jamais voulu prendre un vrai appart. Enfin elle a tenté une semaine mais elle s'est payée une crise d'angoisse carabinée devant le changement de vie que c'était. Du coup, elle s'est contentée de vivre dans un camping aux abords de la ville et de faire le trajet en bagnole tous les jours. Beaucoup plus sain psychologiquement.

J'essaye d'apprendre. Peu importe quoi. J'essaye. Genre aujourd'hui, les conséquences quand on emboutit sa voiture et comment avoir un frigo sans avoir d'électricité. Chouette journée.

Sinon, survivre à un vent aussi. Une petite moue contrariée passe rapidement sur son visage.

T'es gay, c'est ça ?!

Moitié question, moitié affirmation. C'est juste pas possible d'être habillée comme ça et qu'il lui ait pas sauté dessus. C'est limite insultant. Il a de la chance qu'on lui ai appris que l'ego était une grave faiblesse et qu'il fallait le mettre de côté.

Invité

Bon, la crise de panique est passée et de fait, tu te sens bien mieux maintenant qu’il y a quelques secondes. Franchement, tu te voyais pas tenter d’arrêter des larmes. Tu te serais pas tirer en courant mais t’aurais pas été à ton aise quoi. T’es déjà pas à l’aise quand c’est tes glandes lacrymales qui s’y mettent alors celles de quelqu’un d’autre... Non merci.

- « C’est pas grand-chose comme taf pour garder les boissons fraîches. Ça vaut forcément le coup dans le coin. J’préfère limiter l’utilisation de l’électricité par une chaleur pareille. »

C’t’un coup à foutre le feu et vu comment il fait sec, ça aurait tôt fait de prendre. Tu souris à sa déclaration sur le fait de creuser une piscine. Ah ça, y en a qui ont tenté l’affaire. Y en a même qui ont vaguement réussi mais ils ont vite compris qu’à tous les coups, ils auraient de la compagnie indésirable qui irait avec. La plupart des gens squattaient les réservoirs sans se faire chier. Plus simple et moins éprouvant. Toi, t’avais juste opté pour le trou avec frigo et glaçons. Puis les piscines avec ta moitié de jambe, c’était chiant et t’avais toujours peur qu’on déconne avec ta prothèse. Tu voyais deux douches par jour, c’était déjà bien.

- « Euh, ouais, j’dois avoir quelques trucs visibles dans un coin. »

Pas les pièces les plus persos mais t’avais ça quand même mais juste parce que t’avais tendance à t’étaler sur son territoire. Du coup, y avait des tableaux et des dessins qui s’entassaient un peu partout. Pour les trucs sensibles, c’était enfermé dans un placard. Y avait une certaine forme de honte et de déni derrière ceux-là alors tu les planquais, y compris pour toi-même.

- « Le luxe, c’est très surfait de toute façon. Personne en a besoin. »

Et tu le pensais vraiment. Après, quand on avait vécu cinq ans dans une cellule, relativiser étaient un peu une base de vie. Ce qui suit par contre, tu t’y attends pas du tout et surpris, tu te prends le capot de la jeep derrière le crâne en te relevant de dessus le moteur.

- « Aïe ! Putain de bordel de merde ! » Tu te frottes l’arrière de la tête tout en te retournant vers elle. « Nan, j’suis bi. Pourquoi ? »

C’est marqué sur ton front ? C’est quoi cette question ? Quelqu’un essaie de te retrouver ? Ce serait gonflé.

Quoi ? Y a quoi avec l'électricité et la chaleur ? Les connaissances de Rafa en matière d'électricité se limitent probablement à deviner comment se change une ampoule – non, elle n'a jamais eu à faire – et à appuyer sur un interrupteur. Ok, elle a bien un ordinateur – c'est branché par un fil – mais elle ne l'utilise qu'à la pizzeria de Layton puisqu'elle même ne peut pas le recharger autrement. Alors du coup, elle hoche de la tête comme si c'était logique, se promettant quand même de savoir pourquoi ça pourrait être un problème. Au contraire, c'est cool puisque ça donne la clim. Elle aimerait bien la clim. Ça va que sa maison est cachée par une sorte de bosquet, ça fait pas four comme toute cette cambrousse. En même temps, elle aime pas le froid, elle a donc choisi la chaleur... Un peu extrême malgré tout.

Rafa tend le cou pour chercher les trucs « dans un coin ». Sans vouloir fouiller, elle veut bien voir ce que ça donne. Avant de tourner la tête avec la rapidité d'un aigle quand il parle de luxe.

Mais oui ! Exactement ! Ça ne sert à rien.

On lui a appris à se contenter de peu et du coup, la vie est quand même rudement plus simple. Tous les clampins qui déboulent ici, découvrant que l'électricité est loin d'être garantie et/ou aux normes, qui espèrent la clim, l'eau courante partout, une grande piscine – si, si, elle a déjà croisé ce genre d'énergumène dans le coin, c'était incroyable – sont clairement déçus. Ici, c'est pour les gens qui savent se démerder et avec peu. Ceux qui jonglent avec les emmerdes tout en voulant une vie dans le calme. Ceux qui veulent se faire oublier ou qui espèrent une deuxième chance.

Tant qu'on a à bouffer et de quoi dormir, ça devrait être suffis...Atten...Tion.

Trop tard. Way se fracasse le crâne avant que Raphaëlle ait eu le temps de finir sa phrase. Elle se précipite. Réflexes passés où elle soignait les bobos de sa famille.

Fais voir.

Elle ne réalise pas de suite qu'il a répondu à la question. Elle vérifie d'abord qu'il ne saigne pas. Elle écarte quelques mèches qui ont pris une teinte absolument pas dans la norme des couleurs naturelles.

Merde. Bouge pas. C'est rien. Ça saigne toujours beaucoup le crâne.

Elle passe dans sa voiture à la recherche de son kit de premiers secours, déjà entamé l'autre jour par le slave. Une compresse, du désinfectant. Et hop on applique, en se foutant royalement de savoir si ça fait mal. Il lui manque une guibolle, il doit bien savoir gérer un bobo au crâne. Bon, cela dit, c'est pas une barbare. Autant l'occuper pendant qu'elle soigne. Elle a rabattu le capot et s'est assise dessus pour être à une meilleure hauteur. Une main sur son épaule pour le "maintenir" plus ou moins en place - les mecs, ces grandes chochottes dès qu'ils ont un bobo - l'autre qui plaque d'un seul coup la compresse.

Bouge pas voyons. INSPIRE. ça va passer. Je posais la question parce que franchement, c'est à se demander si t'es pas puceau. T'es tout le temps comme ça ? J'veux dire. Tu vois jamais quand on s'intéresse à toi ? Ou c'est juste les meufs ? Je te préviens, si tu dis que c'est les femmes, t'es gay. Irrémédiablement.

Invité

T’as jamais vraiment compris les gens qui courraient après le luxe, encore moins après le pognon. Alors forcément, ici, t’es pas mal du tout, comme un poisson dans l’eau en fait. La flotte en moins et légèrement roussi derrière les oreilles. Ça a des oreilles les poissons ? Enfin bref. Tant que tu te sentais à ta place -et encore, c’était relatif-, pour toi, c’était tout bon. En fait, tant que t’avais une porte que tu pouvais ouvrir et fermer à clef toi-même, c’était le pied. Même si tu fermais pas ta porte à clef quand t’étais chez toi. Même la nuit. C’est pas comme si un intrus t’aurais réveillé tellement c’était le bordel chez toi. Personne pouvait naviguer sans connaître ta piaule.

C’est trop tard qu’elle te prévient quand tu relèves brusquement la tête. Ça fait un mal de chien. Bon, c’est relatif et t’as juré plus par habitude qu’autre chose. Sérieusement, la douleur et toi c’est une vieille histoire, si bien que ta tolérance a tendance à faire peur.

- « C’est rien. »

Ah, parce que ça saigne en plus ? Tu passes ta main un peu mieux et ce que t’as pris pour de la sueur en passant ta main sur l’arrière de ton crâne, c’était du sang. Bien. Fort bien. Encore un t-shirt de ruiné. Génial. Bon, t’étais pas regardant à tes fringues mais tu trouvais le sang plus gênant que le cambouis. Tu la laisses regarder parce que jusqu’à preuve du contraire, c’est compliqué de soigner un truc qu’on voit pas.

Pendant quelques petites secondes, tu te crispes mais rapidement, tu t’en fous et tu la laisses faire.

- « J’bouge parce que j’ai ton genou dans le dos. C’pas du désinfectant qui va me tuer. »

Comme ça, c’est fait aussi. T’es as du genre à te plaindre pour rien et c’est un truc que t’aimes bien qu’on sache. Va savoir pourquoi. Tu lui bouges donc la jambe. Ça t’empêchera de bouger et ça fera surtout moins mal. C’est pointu un genou, surtout quand ça te rentre dans la colonne.

- « Qu... quoi ? » C’est la cliente la plus surréaliste qu’il ait jamais eu dans le coin, faut reconnaître. « Ah ! Aaaah ! Ok. » Et la lumière fut. « Nan, pas que les meufs. J’suis comme ça. ‘fin paraît. J’me rends pas bien compte. Désolé du coup. Pour le vent quoi. Mais, t’es sûre que j’te plais ? »

Nan parce que bon, y avait mieux quand même. Pour commencer, t’étais estropié et tu savais que ça pouvait gêner. Ensuite, on peut pas dire que tu prennes vraiment soin de toi. Du coup, faut reconnaître que tu comprends pas trop ce qu’elle te trouve.

Oh bah ça va. Le genou, c’est rien. Après on va dire qu’elle le harcèle vu la position. Raphaëlle le laisse poser sa main sur sa jambe pour la bouger. Elle, elle se concentre pour s’assurer que ça aille. C’est que les cheveux sont plutôt longs, en bataille et déjà poisseux. Elle regarde sous tous les angles pour être sûr qu’il n’y ait pas besoin de racomoder. Ça va. Ça la dérange pas de rafistoler les gens. Quand tu vis dans un endroit sans toubib, sans thune, sans rien, t’apprends vite les bases élémentaires. Et en plus sa mère était folle de couture. Elle claque la langue, d’un air satisfait juste avant qu’elle n’entende la réponse la plus bizarre du monde.
Raphaëlle glousse littéralement à la réaction de Way avant d’éclater de rire. C’est sans moquerie aucune. Juste hallucinant. Elle finit par poser ses lèvres juste à côté du lobe de l’oreille, c’est léger et bref. Parce que c’est le plus pratique pour elle, parce que c’est aussi la zone du visage la plus propre. Les cheveux lui piquent le visage, il est mal rasé, il pue l’huile de moteur. Mais quand même. Elle repense aussi à ses yeux. Eux, ils lui font vraiment un truc. Il a de la chance qu’elle soit pas une adepte de l’octulolinctus. Légèrement pressée contre lui, pas trop mais assez parce qu’il a pas dit non, mais pas oui non plus, elle demande :

Non, c’est bon. Pas besoin de points. Tu vois des chandelles ou pas ?

D’habitude, ses intentions sont quand même claires. Apparemment, elle a été trop subtile, et cette simple idée la replonge dans une profonde hilarité. Ses yeux piquent de larmes contenues. Elle revient enfin à elle, avec une pointe de côté.

Je suis désolée. Pardon. C’est que… Je pense que j’avais jamais vu quelqu’un réagir comme ça. Pas avec moi en tout cas. Et je te rassure, je fume pas, je bois parfois mais là je suis sobre et entièrement en possession de mes moyens. Je sais parfaitement ce que je veux. Je suis sérieuse.

Un bout d’elle se demande si la question est liée à sa jambe. Elle anticiperait bien la question mais même sans once de diplomatie ou de tact, elle n’a pas foncièrement envie d’être la première à l’évoquer. C’est pas son absence de jambe à elle et très honnêtement, elle en a absolument rien à battre. C’est bon quoi. C’est qu’une jambe. Il est pas cul de jatte non plus.

Invité

On ne peut pas dire que tu sois particulier gêné par la situation. Tu devrais vu que t’es pas particulièrement propret étant donné l’heure de la journée et ton boulot mais non, t’es pas gêné. Tu l’es pas plus quand elle éclate de rire à ta réponse à sa question. Qui des deux devraient être hilare, t’en as vraiment aucune idée mais visiblement, elle l’est plus que toi et tu le prends pas mal. C’est pas comme si ta question n’était pas sincère. Tu doutes sérieusement de ton ex appeal et encore plus vu les circonstances actuelles.

- « Même sans me fracasser la tête contre un capot j’vois des chandelles donc rien de neuf sous le soleil de plomb de Slab. »

T’exagères un poil mais c’est pas tout à fait faux non plus. Avec la chaleur qu’il fait ici, c’est pas toujours évident de garder les idées claires et de pas avoir des vertiges de temps à autre. Question d’hydratation sans doute.

- « Alors désolé de te le dire mais t’as des goûts de chiottes m’enfin bon, j’me plains pas. »

Oh, attention, tu t’es trouvé sexy fut un temps et puis y a eu un cumul de plusieurs choses qui font que t’as un peu perdu la foi en toi-même et ton physique avec. Après, fallait admettre que ça te faisait un peu de bien cette attention totalement inattendue et incongrue. T’en avais même besoin au fond.

- « J’crois que c’est mon tour de dire que t’es pas mal non plus ? Mais ça me paraît pas très flatteur dis comme ça et tout ce qui me vient en tête est pas vraiment mieux. Tu vois l’idée générale ou j’continue à creuser pour m’enterrer ? »

Tu faisais ça tellement bien après tout. Avoir l’air con.

Des goûts de chiotte ? Rafa tique un peu. M’enfin ! Il a de la chance qu’elle ne soit pas du genre à se vexer. Ils sont très bien ses goûts. Ce qu’il y a de bien, c’est qu’un général, personne vient lui demander des comptes ensuite. C’est le principe non ? Et puis chacun ses goûts il parait.
Elle hausse les épaules, d’un air de dire que c’est pas bien grave, buvant une gorgée de bière. Elle va pas en faire un foin.

Mes goûts me conviennent. Ne t'en fais pas trop pour ça.

Ah bah voilà. A un moment donné, Raphaëlle s’était demandée si elle s’était pas transformée en sac à patate, parce que son sex appeal commençait à se prendre un sérieux coup dans l’aile hein. Un « non » aurait été suffisant mais cette absence de réponse, positive ou négative, la plombait vaguement.

T’inquiètes. Je demande pas de bouquets de fleurs, ni de resto, de tapis rouge ou ce genre de conneries. Et certainement pas de poèmes.

Honnêtement, elle s’imagine mal écouter une poésie. Y a des chances qu’elle pique du nez ou qu’elle éclate de rire. D’ailleurs, elle a très envie de rire rien que d’y penser.

Bah, à la réflexion, tu peux toujours continuer à t’enterrer, c’est assez drôle. Après ouai, j’crois que je vois.

Et hop, Rafa toujours assise sur le capot de la jeep, sa bière à la main, passe sa main libre dans les cheveux de Way. Juste pour voir. Elle parie qu’ils puent l’huile de moteur eux aussi.

C’est tes yeux en fait. Je les aime vraiment bien.
Bon, tu regardes ma bagnole et on va bouffer un morceau ?

Ouai, alors leçon numéro 1 : ne jamais laisser Raphaëlle l’estomac vide. Ou à moitié vide. Ou pas plein quoi.

Invité

T’es vraiment plus très doué pour ce genre de choses. Au moins avant, tu réfléchissais avant de parler et tu savais quand la fermer. À ce jeu-là, t’es devenu très mauvais et t’es même plus fichu de reconnaître les signes. Même évident apparemment...

- « Comme j’ai dit, j’vais pas me plaindre. »

Faut reconnaître que c’est agréable de taper dans l’œil de quelqu’un même si tu vois vraiment pas ce qu’elle te trouve.

- « Ouf, parce que les fleurs dans le coin... à part des cactus, ce serait compliqué et j’suis vraiment pas doué pour écrire les poèmes. »

Les plaisanteries et le second degré, ça, ça te convient bien mieux. T’es plus dans ton élément, c’est certain.

- « Cool, parce que j’ai encore un peu d’estime pour moi-même et j’trouve que j’suis déjà bien ridicule là et j’aimerais bien éviter de tomber dans les métaphores mécaniques ou artistiques. Le ridicule tue pas mais il amoche vachement quand même. »

Et si en fait, tu t’enterrais encore en essayant de pas le faire, c’est pas mal ça comme principe.

- « Mes yeux... » C’est une première pour toi. « J’dirais bien un truc spirituel mais plus je te regarde et moins j’comprends alors je vais me contenter de dire que c’est toi tout court qui attire le regard. »

Même s’il avait fallait qu’elle te fasse du rentre dedans manifeste et qu’elle le fasse savoir pour que tu réalises. Vraiment pas doué. Tu pouvais peut-être encore creuser plus profond.

- « Euh... ouais. J’vais terminer le diagnostic. »

Tu te décales pour la laisser descendre du capot et le rouvrir mais cette fois, tu vas aussi aller regarder en dessous. Ça t’évitera de t’enfoncer encore plus et te rendre plus ridicule encore même si t’as déjà fait très fort.

Tout ça amuse follement Raphaëlle. Les réactions de Way sont totalement bizarres pour elle, qui a l'habitude d'aller droit au but. C'est... Rafraichissant. Et vraiment drôle. Elle a cette drôle d'impression de se dire qu'à défaut d'un bon coup au lit, il pourrait devenir un pote, rien que pour le plaisir de l'entendre lui raconter comment il a foiré un plan cul pourtant facile.

Des cactus... Ouai non, en effet, vraiment, abstiens toi.

Elle s'abstient de l'enfoncer davantage, se contentant de rire, le dos de la main plaqué sur sa bouche pour tenter d'étouffer un peu le bruit.

T'inquiètes pas, j'aime bien les mecs un peu amochés.

Surtout, elle est systématiquement attirée par ce genre de mecs. Ceux avec des espèces de fêlures qu'ils sont bien souvent incapables d'avouer et qui les empêchent d'entretenir toute forme de relation sérieuse et engagé. Oh, on pourrait se demander si c'est pas un reflet de sa propre histoire mais hélas, même pas de drame dans sa vie. Enfin pas avant tard dans sa vie. Et même avant, elle aimait déjà ce genre de gars.

Oh ! Je vois.

Elle glisse du capot, s'appuyant, l'air de rien et sans en avoir besoin, sur l'épaule du type, laissant trainer sa main au passage dans son dos. Rafa s'écarte de la jeep, avec une moue.

J'ai bien fait de mettre mon débardeur le plus décolleté alors.

Rafa le laisse faire, allant se poser vers les affaires de Way, cherchant des yeux au passage les dessins qu'il fait. Non, elle a pas oublié. Et dès qu'elle voit un papier, elle tire discrètement dessus pour voir ce qu'il y a.

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