zev a mué en premier, le torse bombé, parlant des meufs qu'il allait bientôt choper.
kate a voulu l'interroger qu'est-ce que tu racontes le tebé, mais est partie en gueulant quand kelian lui a proposé de jouer à papa et maman.
kelian il voulait juste lui montrer, pourtant, juré.
il a ramassé le poing de pax dans la gueule, direct.
paxton toujours ravi de pouvoir se défouler, planqué derrière le prétexte du sauveur zélé, toujours innocent au bon moment.
tommy a fait un croche-pied à zev qui essayait de les calmer, imitant sa voix brisée en riant bêtement pendant que kate tirait la touffe claire de pax en lui hurlant d'arrêter de déconner s'il voulait pas qu'elle lui défonce le nez.
saul en a profité pour grimper sur la table et se jeter de tout son poids sur l'amas de corps entremêlés, déchaînés.
du coup, tout le monde a décidé de se liguer contre lui.
EN HOMMAGE À TOUTES LES OPPORTUNITÉS GÂCHÉES,zev était l'seul à être foutu d'les garder soudés,
quand il est parti c'était fini.
lui il aurait bien voulu leur dire, qu'il fallait pas lâcher.
il a préféré s'installer dans l'canapé à côté d'la mère éplorée et partager la bouteille de whisky déjà bien entamée.
peut-être même qu'il a été reconnaissant d'sentir sa main se resserrer sur son bras comme pour s'assurer qu'lui il s'échappait pas.
un jour il a pris un crayon et il s'est mis à gribouiller, parce que la mère morrison avait encore détruit la télé et qu'il s'faisait chier.
kate lui a dit qu'c'tait pas mal, puis pax a trouvé l'carnet et a tout déchiré.
le lendemain il a repris un crayon et il a dessiné pax sous les traits déformés d'un superman handicapé. il a placardé le dessin sur la porte de leur chambre et il a attendu de l'entendre courir pour le choper.
pax il avait déjà commencé les cours de boxe.
lui pas.
y'avait cette gosse aux yeux un peu trop grands pour ses traits d'enfant,
qui lui souriait à chaque fois qu'il passait à côté. c'était léger, suffisamment pour qu'il s'décide pas à la saluer.
un jour elle est partie et tommy lui a souvent d'mandé où elle était passée. mais saul il l'avait déjà oubliée, page tournée livre jeté aux ordures. pas l'temps d's'émouvoir, pas l'temps d's'arrêter.
julia lui disait d'rester, souvent. r'pars pas là-bas, l'bronx c'pas pour toi, qu'elle répétait, ta vie c'pas ça.
c'était lui son préféré, qu'elle murmurait, et il s'accrochait à son cou bien après qu'il soit devenu trop lourd pour être supporté.
elle enfonçait ses ongles dans son dos en le serrant trop fort puis, à chaque fois qu'il revenait, elle prétendait qu'il ne lui avait pas manqué.
la terreur qui brille dans les prunelles écarquillées, les mêmes qui l'ont obsédé pendant des mois des années.
ça lui remue l'estomac, de toutes les façons possibles, de toutes les manières qu'il faudrait pas. y'a ses mains qui encastrent dans le mur, y'a les menaces que ses lèvres murmurent.
et puis y'a sa bouche rosée qui se rapproche, le corps qui se tend, les dés lancés et le jeu commencé sans qu'il ait décidé de participer.
c'était censé être terminé, putain, c'était censé être la fin.
À NOS HISTOIRES MORTES AVANT D'AVOIR DÉMARRÉ, effluves d’un parfum qu’elle jurait être du jasmin mais qui se rapprochait plus du whisky de la veille du matin, peau rougie et pas incertain, de son nom à lui qu’elle hurlait quand elle était incapable de supporter ses nuits.
haut comme trois pommes qu'il était quand il se redressait pour la relever pour finalement être oublié laissé de côté.
quelques cachetons déposés sur sa table d'nuit, clin d’œil d'un frère ainé moqueur protecteur tout aussi destructeur. au fond des prunelles la lassitude la fatigue sur ses épaules toute la misère du monde.
il les a pas vus il a rien vu mais il a pas regardé non plus. p'tête qu'il aurait su p'tête qu'il aurait pu.
blondeur qui lui fait tourner la tête candeur enivrante des rêves qu'il frôle sans jamais être foutu de s'y accrocher, du soleil contre lequel il viendrait se cramer si jamais il lui prenait l'envie, à lui aussi, de s'essayer à voler.
jolies histoires auxquelles il a repensé, les mains bien serrées sur le volant tandis qu'il accélérait pour se tirer.
verres qui trinquent
cheers mais personne sourit ce soir-là. y'a des souvenirs qui remontent mais personne qui les conte, y'a des rancœurs qui s'immiscent et bien évidemment chez les morrison ça s'exprime sans retenue ni douceur.
kelian est r'venu spécialement pour l'enterrement, qu'il arrête pas d'répéter comme si lui avait pas dû s'taper les 40h qui le séparait du bronx. kate a dû faire garder son môme, hors de question qu'il assiste à ça, a-t-elle marmonné. tommy & pax sont arrivés bourrés et quand le prénom de la mère a été prononcé y'a tout qui s'est enchaîné.
ils iront cracher sur sa tombe, qu'ils disaient, ils iront danser sur son corps toujours chaud, ils ils
ils.
'faut t'décoincer, c'est ce qu'il a décidé kelian. il est venu exprès pour ça bien sûr, nouveau rôle d'frère aîné qu'il a endossé sans trop savoir c'qu'il foutait. l'a traîné hors du taudis qui lui servait de logis, lui a chantonné
happy birthday bro avec son air idiot, et saul il s'est retrouvé embrigadé dans l'une de ses grandes idées.
maintenant il est assis sur un lit et un regard noir fiévreux le dévisage et il entend encore kel' rire de son rire narquois
j'fais ça pour toi tu m'remercieras.
il a bien vu les billets être échangés et il a pas accepté, juré.
mais maintenant il est là et elle aussi elle semble décidée à l'emmerder.
AUX HEURES LAISSÉES PASSER, AUX POTES JAMAIS RAPPELÉS, le soleil se couche toujours trop tôt c'est c'que kate disait, moue affaissée écrasée contre les vitres sales de l'appartement délabré. l'soleil s'couche toujours trop tôt, kate et ses mille et unes activités, kate à l'ambition démesurée, kate aux fantasmes qui finiraient par la bouffer.
lui il était d'jà content d'avoir réussi à s'lever avant qu'il soit l'heure d'aller s'coucher.
grand sourire d'imbécile heureux, qu'il a curtis, quand il lui propose un nouveau plan foireux. mèche de cheveux blonde qui retombe sur des yeux qui pétillent, tout l'temps, comme s'il était au courant d'un grand secret et qu'il crevait d'envie que quelqu'un lui d'mande de partager ses conneries.
un jour saul d'mandera, il lui doit bien ça.
pas aujourd'hui ceci dit.
culpabilité nouvelle au creux du bide quand il croise l'reflet dans l'miroir.
c'est l'humanité soudaine c'est un goût dégueulasse contre l'palais qui lui donne envie d'gerber la conscience qu'il pensait avoir enterrée.
peut-être qu'il aurait dû s'dénoncer, mais les heures ont filé il a continué et puis après c'était trop tard pour s'arrêter.
la bile sanguinolente dévale son menton et il cligne des yeux, plusieurs minutes perdues à être comateux. sous son cul l'béton du bronx, au-dessus d'sa tête un ciel sombre, nuageux.
p'tête l'inverse.
il a dû perdre, c'soir, et s'poser
cinq minutes après avoir fêté la défaite comme il s'doit mais y'a cinq minutes c'était y'a dix ans si on lui demande, le temps qui lui glisse entre les doigts
(tu t'emmerdes pas ?).
un placard c'tout petit, mais il est habitué à s'sentir à l'étroit, alors ça le dérange pas. un deux trois quatre pas t'as fait le tour.
c'est presque confortable, comme ça.
il parle pas beaucoup et quand il parle parfois c'plus facile de faire des détours, ça enrobe le sujet sans trop y toucher, ça fait des cercles jusqu'à être incapable d'se retrouver.
c'pas qu'il veut pas en parler, c'qu'il en voit pas l'intérêt. c'pas qu'il essaie d'le cacher, c'est qu'il voit pas pourquoi il devrait s'afficher.
c'pas qu'il flippe de finir comme l'
ami au corps brisé,
c'est.AUX JOBS QUE J'AI LÂCHÉS, AUX PORTES QUE J'AI CLAQUÉES, ça ressemble à une danse, leurs façons de se jauger, de se tourner autour sans jamais s’arrêter, d’avancer pour mieux reculer. chorégraphie parfaitement exécutée au son d’une symphonie meurtrière, y’a les hurlements qui lui vrillent les oreilles, y’a son nom craché comme une prière.
et il danse, les poings relevés, un rictus lui bouffant le visage.
il danse comme si c’était sa première représentation, comme si c’était sa dernière, les talons jamais tout à fait à terre.
gala hausse un sourcil quand il lui dit :
quand j’aurai gagné je t’emmène boire un verre.
dans sa bouche le verre offert au bar miteux du coin a des airs de dîner aux chandelles sur le toit du plaza, de voyage autour du monde, de minibars dévalisés dans une chambre d’hôtel cinq étoiles, de luxe et de luxure.
et peut-être qu’à ça, il y croit un peu, au cache-misère, peut-être qu’il se rêve plus souvent que sa gueule fatiguée ne le suggère.
elle a dû y croire elle aussi, ou faire semblant en tout cas, parce qu'ils ont passé les mois suivants à s'prendre pour des brigands immortels, à rêver trop grand.
cette fois-ci quand elle est tombée il l'a pas relevée. il a entendu le craquement des os contre le carrelage glacé il a écouté les pleurs incontrôlés il a presque tourné les talons puis il s'en est allé.
cette fois-ci il a encore hésité mais il l'a laissée,
bâtard ingrat jamais totalement oublié, porte claquée au nez qu'est-ce que tu m'as bien apporté ?
cette fois-ci il est parti mais il savait pas qu'après tout c'temps elle s'rait pas foutue d'se redresser sans lui.
il a appris par cœur les insultes d'une langue qu'il peine toujours à comprendre, pour les ressortir au moment (in)opportun, rictus de môme bien trop fier de ses paroles abruties.
dalya lui sourit en retour, parfois. pas tout le temps. la plupart du temps, elle est trop occupée à veiller qu'il arrive en un seul morceau jusqu'à son oreiller.
il était censé être un preux chevalier,
mais il a jamais été très doué pour garder pied.
la première caisse dont il s'est occupé est repartie en plus mauvais état qu'elle n'est arrivée, et s'il avait pas autant fait pitié sans doute qu'on l'aurait jeté,
t'appelles ça un mécano toi ?la deuxième, c'était mieux. à la centième, il s'est dit qu'finalement c'tait pas si pire, comme manière d'se remplir les poches.
et le soir même, il dépensait son salaire dans d'l'alcool bon marché.
et le soir même, les yeux qui venaient le hanter tandis qu'il titubait jusqu'à la porte d'entrée.
et le soir même, le sang sur le capot au creux des rêves agités.
et le soir même, la poussière qui s'infiltre partout, jusqu'à son âme asséchée.
(
cheers !)
À TOUT CE QUE J'LAISSERAI INACHEVÉ, on lui a demandé s'il était désolé, et il a ricané.