Kimberley Smith? Voilà un patronyme des plus ennuyeux. J'ai toujours songé qu'un simple nom pouvait révéler une partie de l'histoire de son possesseur. La mienne est ou du moins était des plus ennuyantes. Combien de Kimberley, Kim évidemment pour les intimes, ai-je pu croiser dans les diverses écoles d'enfants gâtés que j'ai pu fréquenter? Je suis persuadée que vous en connaissez une. Une demoiselle, pas forcément brillante sans pour autant être imbécile qui ne cherche qu'un peu de reconnaissance. Oh je ne vous demande pas de me plaindre, j'avais une jolie existence. Certes, je manquais peut-être de l'absence de mes parents qui, lorsque je croisais parfois entre deux voyages d'affaires, n'avaient d'intérêts que pour mon frère aîné. Le Fils! L'héritier de l'entreprise familiale! Toutefois, je n'ai jamais songé à pleurer sur mon sort. Je vivais dans le luxe et j'appréciais d'attirer l'attention grâce à divers vêtements hors de prix que je jugerais à présent d'inutiles ainsi que mes soirées, que je croyais à l'époque inoubliable, autour de mon immense piscine...
Avec un porte-feuille plein on ne s'ennuie jamais? Détrompez-vous ! L'herbe est toujours plus verte ailleurs. Avez-vous déjà vu ce film où des gosses de riches se prennent pour des gangsters? Mes amis étaient ainsi, j'étais pareille. Je rêvais d'aventures, d'un peu d'actions. Les livres et rêvasser ne m'allait plus. On a fait quelques mauvais coups. Rien de bien graves! On entrait dans des jardins et maisons qui ne nous appartenaient aucunement, on s'appropriait des objets des propriétaires, divers snacks proposés dans les supermarchés volaient jusque dans nos poches et nous ne respections guère le code de la route! Rien de bien mauvais...Notre "clan" vint évidemment à se disperser quand nous rentrâmes en études supérieures. Je refusais de me lancer dans une carrière de femme d'affaire par manque d'intérêt pour suivre des cours d'éducation. Je trouvais les petits adorables...Que voulez-vous! Mon esprit immature était rempli d'idées surfaites. Bon, malgré quelques désillusions, le métier d'institutrice me plaisait et me permettait de m'épanouir.
Mes ennuis ont commencé il y'a de cela deux mois. Je buvais un verre en compagnie de Scott, un ancien flirt d'université, et un de ses amis quand celui-ci nous proposa d'aller braquer une supérette pour pimenter un peu notre existence. J'aurais dû refuser? Je vais être sincère, mon sang bouillonnait sous l'effet de l'éthanol et autres substances. Puis rien de mal ne pouvait arriver, n'est-ce pas? Les mauvaises histoires n'arrivent qu'aux imbéciles dont on entend parler dans les faits divers...On aurait dû rentrer dans la boutique, se montrer un peu menaçant et le commerçant nous aurait donné sa recette et j'aurais foncé, moi l'excellente conductrice, dans les rues de Chicago pour mettre de la distance entre nous et le lieu de nos méfaits. J'attendais derrière le volant quand j'ai entendu l'échange de coup de feu. Jake, l'ami de Scott que je venais de rencontrer, est sorti de la supérette en portant pratiquement notre compagnon, criblé de balles. Le commerçant ne s'était pas laissé faire, payant de sa vie pour protéger une centaine de dollars.
La discussion qui s'en est suivi tandis que nous filions à travers la ville m'est assez vague. Nous avons paniqué, nous avons hurlé avec Jack des reproches et autres paroles qui n'ont guère dues aider notre ami à aller mieux. Nous avons fini par le déposer sur le parking des urgences avant de nous ranger dans une ruelle pour décider de quoi faire. Je n'avais pas envie de finir en prison, Jack non plus. Il nous fallait donc fuir. Nous avons vidé nos comptes en banque avant de filer chez James, le grand frère d'un ami qui me fournissait en fausses cartes d'identité pour que nous puissions boire de l'alcool alors que nous étions mineurs. Nous avons eu nos premiers faux papiers, que nous allions devoir changer auprès d'une de ses connaissances dans une ville plus au-dessus afin de masquer autant que possibles nos traces.
Nous avons alors commencé notre cavale. Le bus nous emmena jusqu'à ce fameux contact qui s'amusa assez de notre situation à mon plus grand agacement. Nous n'étions pas les premiers idiots à vouloir jouer aux truands sans avoir aucune expérience. Nous restâmes trois jours à son domicile, le temps d'avoir de nouvelles identités et de nouveaux diplômes. Je devins donc Sahare. Cette nouvelle existence nous coûta une grande part de nos économies. J'achetais une vieille voiture afin de ne pas attirer les regards avec une sublime voiture neuve. Nous reprîmes donc la route sans avoir de réelles destinations. L'argent s'écoula rapidement malgré nos précautions. Jake en était venu à jouer de la guitare tandis que je chantais avec ma voix fluette dans l'espoir d'avoir quelques pièces quand je rencontrais un drôle de bonhomme dans un restaurant d'autoroute. J'appris donc l'existence de Slab City et sa réputation. C'était parfait pour nous! Il était temps que nous nous pausions !
Nous trouvâmes un petit logement et je postulais à un poste d’institutrice que proposait l'école du coin. Une chance de retrouver un job que j'aime puisqu'il m'aurait été difficile de devenir serveuse. De plus, douée dans le domaine, je n'éveillerais aucun soupçon. Si je me plais ici?Pour l'instant oui mais cela ne fait que deux semaines que nous sommes arrivés. Je finirais peut-être par détester les locaux...