I have fire in my blood - Slavina

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I have fire in my blood

29-07-2018

Allez passer la soirée au Boyuyu, c'est notre première sortie depuis que nous sommes là. Je suis plus détendu qu'à mon arrivée, c'est vrai, mais je reste malgré tout sur mes gardes, même un bras passé autour de Nina comme pour la protéger, ou je ne sais pas pourquoi en fait. Pour ne pas être distant alors qu’on vient de se retrouver ? Enfin, je vais essayer de ne pas être trop parano ce soir.... Mouai… avec le monde, ça n’est pas gagné d’avance et j’ai une bouffée d’angoisse que j’étouffe dans la nicotine, tirant sur ma clope avec précaution, c'est qu'elles sont rares en ce moment. En approchant du l’établissement, d’autres personnes vont notre chemin, le Boyuyu animant joyeusement ce coin de campement. Une odeur de grillade fait gronder mon ventre, et je réalise que j’ai faim.

Le Boyuyu est finalement une sorte de…. paillotte grand format ? Sans la paille. Il est très difficile à décrire en fait, hangar, local… enfin il parait que c’est un ancien garage, difficile à dire vu la déco hétéroclite. Une grande terrasse de tentures d’ombrage lui donne son caractère et c’est par là que je me dirige, parce que c’est par là qu’il y a le barbecue - je pense avec nostalgie à celui que Nina m’avait offert.. Au commande de celui-ci, il y a Sam, l’ancien patron de Nina. Je ne l’avais jamais vraiment vu ou fréquenté avant qu’on débarque ici. J’ai été un peu surpris de savoir qu’il était - vaguement ? - avec Sly, mais étant bi moi-même, je ne vais pas lui jeter la pierre. Menfin… dans le Bronx il me semblait qu’il avait plutôt une réputation de coureur de jupon, pas de caleçon ! Il fait chaud dans le désert, ça doit être ça, ça vous fait bouillir le sang, ha ha. Toujours est-il qu’il a un tee-shirt façon game of throne avec écrit dessus King of the grill, et un trône de fer avec des spatules et des couteaux...même moi j’arrive à faire le lien avec la référence, Nina regardait cette série sur son pc. Je me rends compte que j’ai oublié de prendre la pelle que cette communauté - appelons là comme ça - m'a prêtée et je dois leur rendre et je jure “Jebote...j’ai zappé la pelle !”

Comme je ne compte pas laisser Nina une demi-seconde seule au milieu de ces gens, j’écarte la possibilité de faire l’aller-retour rapidement. Je suis bon pour revenir demain dans la journée.Quand on approche, je relâche Nina pour me tenir un peu en retrait d’elle, un demi-pas, mon corps juste derrière le sien. C’est plus elle qui me protège que l’inverse en l'occurrence. Elle me protège des réalités sociales ! Je la laisse gérer Sly, Sam, toute cette horde de hippies sur le retour qui ne me correspondent en rien ! Une odeur de weed très prononcée flotte dans l’air et je ne pense pas qu’il s’agisse des herbes de Provence du barbecue !

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Je ne m’y attendais pas, mais je ressens une pointe d’angoisse qui enfle dans mon ventre à mesure qu’on approche. Je ne pensais pas qu’il y aurait tant de monde et je crains de gérer un peu moins bien que je ne le pensais. J'écarquille un peu les yeux lorsque Slavenko me relâche, je crois que je ne m'y attendais pas, et il me faut toute ma force de volonté pour ne pas revenir aussitôt dans ses bras. Je songe qu'on aurait peut-être mieux fait de rester au van finalement, j'étais bien plus à l’aise contre sa peau, blottie dans ses bras sans personne autour, je pouvais encore imaginer que nous étions seuls au monde. Je suis à deux doigts de lui proposer de faire demi-tour quand Sam nous voit et m’interpelle en agitant sa spatule, un large sourire aux lèvres. C'est un peu comme Sly, la bonne humeur constante de ce type est contagieuse et j’esquisse un faible sourire en agitant la main avant d’avancer vers lui. Je vérifie toujours que Slavenko me suit de près, en fait je jette constamment des coups d’oeil inquiets dans sa direction.

Salut ! On s’est dit qu’il était temps qu’on vienne faire un tour ici ! Je lance à Sam en approchant du barbecue. Avant, je me serais approchée pour une accolade, d’autant qu’on a eu l’occasion de vraiment sympathiser quand je suis venue leur rendre visite au Mexique, je ne le vois plus comme mon boss, il ne l’a pas été très longtemps de toute façon. Mais aujourd'hui je fuis tous les contacts physiques comme la peste, en-dehors de ceux qui impliquent le slave parce que Slavenko a toujours été l’Exception. On s’excuse d’avance d’avoir oublié la pelle, et tout en promettant de la rapporter demain je demande ce qu’il faut faire pour avoir droit à des saucisses ! Même si je suis restée très évasive sur le sujet, je crois que Sam n’est pas dupe de notre situation, globalement Sly et lui savent qu’on n’est pas ici de notre plein gré et que nous avons tout perdu. Aussi il lance négligemment une vanne selon laquelle notre présence ce soir anime les lieux, et que l’animation fait office de paiement. Je me tourne vers Slavenko, un sourire amusé aux lèvres. T’as vu, ça sert que ta femme soit une VIP, mh ? Je plaisante parce que je le sens tout aussi mal à l'aise que moi, sans doute même plus encore !

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Je suis aussi effaré que Nina, me demandant bien dans quel traquenard elle m’a embarqué ! Je reste les bras ballants, suivant ma femme quand elle s’approche de Sam et du barbecue. Bon, ok ça sent super bon. J’esquisse un sourire de loup qui donne la patte, histoire de ne pas me mettre à dos la main qui va potentiellement me nourrir “Salut…. Ha ouai, c’est bien pour ça que je t’ai emmenée srce ! T’es mon passe VIP ! ” dis-je pour répondre à la plaisanterie de Nina. “Vous avez l’nez fin, c’est soirée BBQ ce soir ! J’vais même tenter des steaks Veggie parce que j’CEDE A LA PRESSION LOCALE QU’ON M’IMPOSE !!” hurle l’énergumène chevelu à l’attention...de Sly je pense, ou de quelqu’un qui vit ici ? “Veggie ? Ca existe ça des steaks sans viande ?” “aaaaaaaaah ! voilà quelqu’un de censé ! Hamburgers ? Tenez le pain et la sauce sont là, servez-vous et amenez par ici, les steaks arrivent.”

On se fait servir et je me retrouve même avec une bière dans les mains. Sam nous a happé et tchatche pour trois, Dieu Merci. Il nous pose quelques questions sur notre installation, il sait déjà pour le van, les nouvelles vont vites, en même temps, je ne suis pas surpris, puisque j’aperçois Ryan - le mec qui m’a aidé à sortir le van - en train de draguer une nana un peu plus loin. Tout ce sait très vite ici ! Il y a aussi un petit groupe de bikers, quelques motos sont garées de façon à être visible de l’espace qui constitue la “terrasse” Je me rapproche de Nina, me collant contre son épaule dans un geste instinctif. La musique est forte et entraînante. Mon sandwich d’une main ma bière de l’autre, j’entreprends de manger avec toute la conviction que me donne la faim ! Je n’ai pas bu d’alcool depuis...une éternité, mais c’est de la bière à pisser, je ne crains pas grand chose. Sam a son attention détournée par d’autres personnes venant rôder autour du barbecue et j’en profite pour entraîner Nina un peu plus loin. Je stoppe sous une zone d’ombre bienvenue.

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Franchement, la perspective de bouffer autre chose que des restes ou des conserves est hyper alléchante, même si la bouffe du Queenie est plutôt bonne, l’odeur de la viande grillée me fait saliver. Je réalise que je meurs de faim, je ne sais même plus si on a mangé ou pas aujourd'hui… je crois que je perds complètement la notion du temps, je serais incapable de dire quel jour on est. Bientôt en août, je crois, je le sais parce que mon anniversaire approche. Ce n’est pas la perspective de le fêter qui m'y fait penser, c’est l'idée de prendre une année de plus et de réaliser à quel point j’ai violemment régressé alors que j'étais si près de me poser réellement, pour la première fois de ma vie.

En tout cas malgré le monde qui m’angoisse un peu, l’atmosphère est contagieuse et j'essaie de me détendre en chopant un sandwich à mon tour. Moi aussi, je récupère une bière, je ne suis pas fan et ici elle est loin d'être excellente mais je suis heureuse de boire autre chose que de l’eau alors je ne me plains pas. Comme on s'éloigne du barbecue, on s’approche de palettes empilées dans une sorte d’assise aménagée, bien trop basse mais ça fera l’affaire et je m’y installe à côté du slave, levant le nez vers lui dans un sourire. C’est quand même sympa ce qu’ils ont fait ici. La musique est entraînante, elle me donne envie de danser… On pourrait presque croire qu’on a loué un van et… Qu’on est venus faire un road-trip à la frontière mexicaine. On pourrait presque croire que nous sommes en vacances, qu’on va retrouver notre vie normale en rentrant chez nous… J’ai un soupir douloureux et je pose ma tête sur l'épaule du slave. J’crois que y a de l’herbe qui tourne… J’aimerais bien en trouver un peu.

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Un sourire ironique étire mes lèvres à sa description. — Un long road trip. Plus long, tu meurs. Littéralement s'entend ! Ah que l'ironie est une arme de survie puissante, merci à elle. Je regarde autour de nous et j'acquiesce, à l'abri de la chaleur sous la toile d'ombrage dans ce qui semble être un passage de vent, judicieusement exploiter. Sly est architecte...à moins que ça n'est été construit comme ça avant, par un heureux hasard ou une expérience du terrain. —oui, j'aime bien l'endroit, même si y a beaucoup de monde. Je ne vais pas nier que ça me rend parano, mais je le suis n'importe où de toute façon. Je rassure Nina d'une pression furtive de ma main sur la sienne. J'ai beaucoup de mal à avoir des gestes de tendresse en public, de peur que ça la mette en danger je crois. Ma compagnie a tendance à porter la poisse aux gens que j'aime, mes amis notamment... ma famille aussi.

J'avale une gorgée de bière fraîche - rien que pour ça le Boyuyu est béni - et je jauge furtivement les parages, cherchant les dealers du regard. Ou les gens susceptibles de vendre de la weed. J'avise un couple de bikers qui semblent faire affaire et je dis à Nina —donne moi un peu de fric, je vais te trouver ça. Je ne compte pas fumer et je serais lucide pour deux. Muni de l'argent, je m'approche des deux loulous dont je ne comprends pas comment ils supportent leurs futals en cuir même si pour le reste, ils sont en débardeurs ultra moulants. Après un échange assez bref et un peu de négo pour faire baisser le prix, j'obtiens un joint déjà roulé, ce qui tombe bien parce qu'on a pas de feuille à cigarettes. Quand je me retourne pour revenir vers les palettes-canapé, Nina s'est déjà fait accoster par un type. Je fronce les sourcils, refoule l'agressivité qui monte furieusement et qui me prend par surprise parce que depuis notre évasion, j'ai quand même peu de ces brusques poussées de rage, sauf quand je me sens acculé.

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Je hausse les épaules d'un air un peu triste, il a raison c'est drôlement long pour un road-trip, mais je me console de la seule façon que je connaisse, de la seule façon qui fonctionne : on est ensemble, c'est tout ce qui compte. Quand j'étais encore entre les mains de Logan, quand j'ai cru qu'il était mort, j'aurais donné n'importe quoi, j'aurais fait n'importe quoi pour le voir à nouveau, respirer son odeur, entendre le son de sa voix ou même seulement le savoir loin de moi mais en vie. Et j'aurais tué pour ce van, pour cet endroit avec lui. Le simple fait d'être à ses côtés ce soir représente tellement plus que ce que j'aurais pu imaginer... Je n'ose pas me plaindre, nous avons tant perdu que je suis terrifiée à l'idée qu'on m'ôte le peu qu'il me reste, je ne veux pas tenter le Diable. Il paraît qu'il y a encore plus de monde le reste de l'année, quand il fait moins chaud. Je commente seulement en pressant mon épaule contre la sienne. Je ne veux pas le forcer à se montrer tactile mais je n'aime pas rester trop loin de lui, surtout quand il y a tant de monde autour.

De la poche de ma jupe, je tire les quelques dollars que j'avais pris pour la bouffe et les lui tend, puisqu'on nous a offert à manger et à boire, on peut se permettre d'acheter de quoi fumer, non ? Je reste sagement assise à siroter ma bière et à grignoter mon sandwich pendant qu'il s'éloigne, et il n'est pas parti depuis une minute qu'un type s'approche déjà. Il n'est pas très grand, assez carré par contre, et il a clairement la gueule d'un mexicain. Il m'aborde dans un sourire et s'installe d'office à côté de moi, prenant la place à laquelle Slavenko était installé quelques instants plus tôt seulement. Il n'a pas l'air agressif mais un inconnu qui se tient à moins d'un mètre m'angoisse déjà alors que dire de ce mec qui se retrouve brusquement dans mon espace vital, son corps si proche du mien que nos bras se touchent ? Il me demande joyeusement ce que je fais ici, en arguant qu'il ne m'a jamais vue dans le coin, et je reste muette, les yeux écarquillés, à essayer d'enrayer la bouffée d'angoisse qui enfle dans mon ventre.

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Elle a raison, il y a bien plus de monde en hiver, quand les Snowbirds descendent ici. Enfin, c'est ce que nous a raconté notre sauveur qui en est un. D'ailleurs, c'est un des rares qui descendait en cette saison, mais à la base, il allait à la côte. Il a fait un détour pour nous jeter ici, parce qu'ici, personne ne se mêle de savoir qui vous êtes.

La présence de l'homme près de Nina réveille mon agressivité endormie. Je sens plaisamment le poids du glock contre ma peau, sous le tee-shirt. Je m'approche, le coupe dans une phrase en tendant la main à Nina et en l'appelant d'un ton bref, qui peut passer pour très autoritaire. —Srce. Je l'incite à se lever, à passer derrière moi, m'imposant en rempart et je crois bien que ça scie le mec qui reste interloqué en plein milieu de sa phrase espagnole à laquelle je ne comprends que quelques mots, banals, de celui qui veut amorcer la conversation. Il a un geste d'incompréhension auquel je ne réponds pas, le regard noir, et j'entraine Nina vers un autre endroit, contre un mur du Boyuyu près d'un appui de fenêtre où je peux poser ma bière. Je pose mes mains sur les hanches de Nina, la dévisage inquiet - comme si elle venait de se faire agresser ! - et je l'interroge —ça va ?

Je suis placé de façon à voir les autres, à nous protéger, à guetter et je me rassure de constater que personne ne nous suit, ne nous aborde ou que ce mec n'insiste pas. Je vois Sam lui amener une bière, je pense qu'il a gentiment fait diversion, même si je ne sais pas trop ce que Nina lui a raconté de nous. Je m'autorise à me détendre d'un cran et je donne le joint à Nina. —Tiens, je t'ai acheté ça, il est pas coupé. Pour ma part je préfère tirer une clope de mon paquet, et je tire mon briquet pour allumer nos petits plaisirs coupables.

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Je relève vers le slave un regard implorant, me lève dès qu'il m'appelle sans me soucier de la façon dont il le fait. J'ai les jambes qui tremblent un peu quand je dois le suivre alors qu'il nous éloigne de ce pauvre type qui n'a pourtant rien fait de mal. Je ne peux même pas dire qu'il m'a draguée, il n'en a pas eu le temps ! Il a seulement eu le malheur de s'asseoir à côté de moi, de m'accorder de l'attention quand je ne cherche qu'à devenir parfaitement invisible. Il me faut quelques instants pour reprendre conscience de mon environnement, des mains de Slavenko posées sur moi, de son regard inquiet qui scrute le mien. Je cligne des yeux, abasourdie par mes réactions complètement disproportionnées et irrationnelles, j'en ai douloureusement conscience. Hein ? Je... Oui, c'est rien, tout va bien. Pas dans mon esprit mais objectivement, tout va bien, il ne s'est strictement rien passé, ce n'est que moi qui disjoncte complètement. Je n'ai jamais été un animal de meute, je ne suis pas quelqu'un de sociable, mais ce trait de caractère a atteint des sommets impressionnants depuis que nous sommes sortis.

Je me cale contre le mur, laissant Slavenko entre moi et le monde comme je le fais souvent, dans ce besoin de me cacher, de disparaître. Je fronce les sourcils, avise le joint tendu et m'en empare d'un geste fébrile, en priant pour que ça suffise à me détendre. Merci... Je souffle avant de glisser le joint entre mes lèvres et de lever le nez vers lui, attendant qu'il me l'allume. Je tire une longue taffe dans laquelle j'essaie de reprendre contenance, et je m'approche un peu plus du slave en expirant la fumée grise. Je suis pas sûre de danser, finalement. J'ai un léger sourire, entre excuse et gêne, alors que je désigne le monde qui s'amasse autour du barbecue.

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Je ne suis pas dupe de ses assurances comme quoi ça va. Je sais qu'elle a eu peur, et pour moi c'est aussi grave que si le type l'avait touché physiquement. Je sais combien la torture psychologique peut-être pire que la physique (bon ok, j'admets que ce gars là, il n'a pas voulu lui faire peur, mais ça compte quand même) Je souffle à voix basse, le regard assombri par son malaise. —Je suis là
et j'espère que cette assertion suffit encore à la rassurer, comme autrefois.

Ça me chagrine qu'elle renonce à danser, parce qu'elle avait vraiment envie de le faire. Elle tentait même de me convaincre. Je lève ma main libre pour caresser le bas de son visage, avant de m'entendre proposer, dans un élan de folie destinée à lui faire plaisir —Même si je danse avec toi ? Après, on a le temps, on boit notre bière, on fume... On ira après. L'alcool et la weed aidant, je suis sur qu'elle viendra danser avec moi, et je suis là pour veiller sur nous. Même si je ne suis pas infaillible, je n'ai pas renoncé à essayer sans cesse de nous protéger. Quand on connait mon entêtement, on peut se douter à quel point j'essaye inlassablement.

Nous sommes légèrement isolés, assez pour que je me risque à être plus tactile, plus proche, peut-être bien aussi pour marquer mon territoire aux yeux des autres ici présent. Mon épaule touche le corps de Nina que j'isole, je clope en plissant les yeux, le regard tourné vers les gens qui s'amusent. Je n'ai pas la sensation de m'amuser. Je ne crois pas l'avoir eue depuis notre capture ceci dit, sauf tout à l'heure, dans l'eau, l'humeur un peu plus joueuse. Je termine ma clope et écrase le mégot dans le sable avant de me coller d'avantage à Nina qui fume le joint, l'odeur de la weed envahissant mon espace. J'enlace sa taille d'une main pour venir la ramener contre moi, la caler contre mon corps alors que j'ai le sentiment qu'on nous regarde. Je n'ai pas le droit de laisser douter que Nina est avec moi. Elle est trop grave sexy avec cette jupe là, ce haut... Je gronde tout bas, entre ronronnement pour la persuader et ton plus autoritaire pour qu'elle cède à ce brusque caprice. —T'es à moi, viens danser avec moi.

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Son regard accroche le mien et je sais, parce que je le lis dans ses yeux, qu'il comprend parfaitement ce que je ressens. Il partage sans doute les mêmes peurs, les mêmes cauchemars, notre calvaire était similaire même si les tortures subies étaient différentes. Et le simple fait de savoir qu'il ne me juge pas, qu'il ne me traite pas subitement comme si j'étais devenue folle me fait déjà un bien fou, je ne supporterais pas de devoir en plus faire semblant avec lui. Je ne peux pas me le permettre, je n'ai plus que lui, je ne peux compter que sur lui, si je dois jouer un rôle en sa présence autant me tirer une balle tout de suite. Je hoche doucement la tête quand il m'assure qu'il est là, et mon souffle s'apaise peu à peu.

Je penche la tête légèrement pour presser ma peau contre ses doigts dans un besoin de contact. On ne s'est pas touchés pendant des jours entiers et même aujourd'hui qu'on s'est retrouvés, il est toujours distant quand on sort alors qu'avant c'était l'inverse, le monde le rendait hyper tactile parce qu'hyper possessif. Autant dire que je prends tout ce qu'il me donne avec avidité, j'ai l'impression de réclamer son contact comme j'ai pu réclamer mes doses de kétamine. J'ai envie de rentrer au van et de m'enfouir contre son corps, je ne sais soudain plus pourquoi j'ai tant voulu sortir. Mais il suffit qu'il me ramène contre lui, m'enlace pour que déjà mes réticences vacillent. Et quand il gronde que je suis à lui, de cette voix rauque et basse, de ce ton presque rageur que je ne lui ai pas entendu depuis une éternité, je ne songe même plus à lutter, la bataille est perdue d'avance. Mon corps se tend vers le sien, comme aimanté alors que j'acquiesce, le regard soudain brillant. D'accord, je danse avec toi. Je vibre du soulagement de lire de nouveau la possessivité dans son regard, dans les gestes qu'il a envers moi et je tire une dernière longue latte sur le joint avant de l'écraser pour glisser ma main dans la sienne. La weed m'aide à relâcher la pression mais l'effet que Slavenko a sur moi est bien plus puissant que n'importe quelle drogue.

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Il est évident qu'on ne peut rien se cacher, elle lit en moi comme un livre ouvert, et pareil pour moi, surtout quand ça concerne notre sécurité, nos angoisses relatives à notre situation, et surtout à ce qu'on a vécu tous les deux. Toutes les barrières qu'on avait l'un pour l'autre sont tombées depuis ces derniers jours et on les érige contre le reste du monde. C'est le sentiment que j'ai et je tiens à persister sur cette voie, même si je dois prendre des risques en acceptant de sortir, ou de nous exposer. On ne peut pas vivre en huis clos, ça ne fonctionne pas. J'ai toujours - aussi étonnant que ça paraisse - été un animal grégaire. Nina est beaucoup plus sauvage, mais rester enfermée avec un mari paranoïaque et cinglé ne va pas l'aider à aller mieux . (Vous avez vu Shining ?)

Je crois que c'est la première fois que je la revendique à nouveau de cette façon jalouse, possessive, normal pour nous. Je n'irais pas jusqu'à dire que je suis près à défier le monde, mais au moins j'ai un regain d'agressivité qui me fait du bien parce qu'elle me sort de cette docilité craintive qui ne me ressemble pas et qu'on m'a gravé sur la peau. Je m'écarte du mur pour attirer Nina vers ce qui se dessine être la piste de danse, un espace entre des canapés qui forment un carré sous des tentures aériennes suspendues joliment. Avec les lampes anti-moustiques et le soleil qui décline pour de bon, c'est joli. Romantique.

Je fourre une main dans le cou de Nina sous ses cheveux. L'autre est posée sur ses reins pour la tenir contre moi. De ma taille, je la domine, et entre deux regards méfiants autour de nous, je cherche le sien pour la conforter dans l'idée qu'elle est avec moi. Je ne peux pas dire que je prends plaisir à danser mais j'éprouve une certaine satisfaction malsaine à me montrer ainsi avec elle. C'est comme si je retrouvais un peu plus mes droits, comme le fait d'avoir enfin réussi à renouer physiquement d'ailleurs. Mon alliance me manque soudain cruellement, mais le poids du bracelet fait un heureux substitut. Il a toujours eu une valeur immense à mes yeux. Comme celle qui me l'a offert. Ma femme. Mon âme.

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Je suis encore groggy de ce qu'il s'est passé, ou plutôt de ce qu'il ne s'est pas passé, à tel point que je ne songe pas vraiment à être surprise que ce soit lui qui insiste pour m'emmener danser. D'autant que je suis trop occupée à m'étonner de sa possessivité retrouvée pour songer à autre chose. Je réalise que je ne m'attendais pas à ce qu'il accoure pour m'éloigner du mexicain, ses réactions lorsqu'un client du Queenie se montre un peu trop insistant m'ont jusque là fait penser que la jalousie l'avait complètement déserté. Vous n'imaginez pas à quel point je suis soulagée de constater que ce n'est peut-être pas le cas. Ce que j'ai vécu me pousse à craindre sans cesse qu'il ne veuille plus de moi, ou en tout cas plus comme avant et je ne voudrais pas d'une relation qui soit plus fade, moins passionnelle, dans laquelle il ne ressentirait plus le besoin de me revendiquer.

Une fois au centre de la piste de danse improvisée, je me cale contre lui autant que possible, j'ai besoin de le sentir près de moi si j'ai l'intention de me laisser aller, ne serait-ce qu'un peu. L'herbe commence déjà à faire effet et mes muscles jusqu'alors crispés se relâchent peu à peu, mon corps se détend, cherchant déjà à se laisser porter par la musique. Pour l'instant ce sont des sonorités latinos qui envahissent l'espace et incitent aux rapprochements. Ici les gens sont plus tactiles encore qu'en boîte de nuit, tout semble plus fluide, les rencontres plus naturelles, peut-être parce que les gens savent que ça ne les engage à rien ?

Moi je n'ai d'yeux que pour le slave, l'un de mes bras est enroulé autour de son cou et de mon regard plongé dans le sien, je m'efforce d'oublier le monde qui nous entoure. Il me faut de longues minutes pour me détendre tout à fait et accepter de me détourner de lui. Je pivote pour coller mon dos à son torse, ramener sa main sur mon ventre et les souvenirs de nos soirées à NY se superposent dans mon esprit. Les yeux mi-clos, je me laisse guider par la musique, mon bassin contre le sien, nos corps suffisamment proches pour que j'ose danser, mes hanches ondulant au rythme des siennes.

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J'ai toujours le besoin irrationnel de la protéger, de la couver, de m'occuper d'elle comme une enfant. J'ai toujours été protecteur et étouffant, mais depuis notre arrivée ici, je ne me sentais plus autorisé à l'être. Parce que j'avais failli, grave merdé. J'ai grave merdé. Je nous ai cru à l'abri, j'ai été négligent, et ils lui ont fait du mal. Tellement de mal. Pour autant, je vais essayer que personne ne lui en fasse plus, surtout qu'elle veut encore de moi malgré tout ce qui s'est passé, et ça, ça tient du miracle.

Comme on le sait, je danse comme une clinche. C'est à dire que mon corps pense que c'est à la musique d'adopter son rythme et pas l'inverse. Parallèlement à ça, j'en ai rien à faire de mal danser. Ce qui compte, c'est Nina contre moi, ondulant contre moi et je bloque un gémissement dans un soupir bas, grave. Je ne suis pas à l'aise ici et le désir naissant est étouffé par ma paranoïa constante. Pourtant, j'ai beau être à l'affût, je ne vois rien de dangereux, même les bikers sont tranquilles à boire et fumer et la distribution de nourriture par Sam fait tenir tout le monde très sage. Remplissez l'estomac, et vous ferez des loups des moutons.

Ma main sur le ventre de Nina, je la tiens serrée, en ralentissant le rythme de mes mouvements. Mon autre main vient caresser son cou, frotte l'angle de son visage, d'un geste infiniment possessif, mais tendre aussi. Je ne m'autorise pas à baiser la garde, mais je suis là pour qu'elle se détende, pour qu'elle s'amuse un peu et prenne plaisir à danser, elle aimait ça avant. Je voudrais revoir des sourires sur son visage et surtout dans son regard trop désillusionné. C'est ce qui me fait le plus de mal, son regard résigné.

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Je ne prends plus tant de plaisir à danser qu'avant, je ne me sens pas suffisamment à l'aise pour ça. Les regards sur nous me pèsent quand autrefois je n'y prêtais pas la moindre attention, j'aimerais aujourd'hui que plus personne ne puisse me voir. Il n'y a que les mains de Slavenko posées sur moi qui me permettent de continuer à danser, et qui me donnent envie de le faire seulement pour le plaisir d'être contre lui. D'ailleurs si je suis tout à fait honnête, les regards ne s'attardent pas sur nous, ils m'accrochaient lorsque j'étais seule, mais un couple n'intéresse pas grand monde ici. L'ambiance à Slab City est assez paradoxale. D'une certaine façon on s'y sent en sécurité parce que personne ne sait qui nous sommes, que personne ne cherche à le savoir et qu'il y a une grande solidarité entre les campeurs. Mais d'un autre côté c'est un endroit terriblement dangereux parce qu'aucune loi ne s'y applique et que personne ici n'est un enfant de chœur.

Mais dans les bras de Slavenko j'oublie tout ça, et sa main qui court sur ma peau me donne rapidement envie de plus. Le désir, délicieusement familier, s'enroule autour de mes reins, échauffe mes sens rendus sensibles par la drogue et je pivote à nouveau pour me pendre à son cou. Je ne résiste pas à l'appel de ses lèvres et je me hisse sur la pointe des pieds pour nouer ma bouche à la sienne, mes doigts glissant dans ses cheveux. Mon corps se moule contre le sien et sa main qui était posée sur mon ventre a glissé dans le mouvement pour se retrouver sur le bas de mes reins. Je relâche ses lèvres dans un soupir, le regard brillant. J'avais oublié comme j'aime danser avec toi... Ce n'est pas exactement comme avant mais ça y ressemble déjà beaucoup.

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Je me laisse envouter par Nina, elle a toujours eu ce don qui lui est propre, de me faire sortir de mon mode militaire de survie pure. Nina, elle m'offre des perspectives nouvelles, inespérées, un avenir. Ça a été comme ça dès le début de notre relation. Avec elle, je peux me projeter, et si aujourd'hui je suis encore timide à penser à l'avenir, on parle quand même déjà de l'hiver ici, dans quelques mois, on se prépare un nid pour ça, c'est déjà un immense projet pour moi au vu de ce qu'on a traversé.

Son baiser trop doux, trop langoureux me fait fondre. Elle a un goût de weed délicieux. J'ai une esquisse de sourire en abaissant mon regard sur elle. Elle est belle ma Nina, à la lueur des lumières tremblotantes avec sa peau diaphane qui se dessine en ombres et en lumière. Je pose mon front sur le sien, hume subtilement son odeur, caresse sa joue encore une fois dans ce besoin irrationnel de la toucher. — Moi, je n'avais pas oublié comme tu danses bien. Je n'ai rien oublié et sans doute ça le plus terrible, parce qu'il y a toujours un avant et un maintenant qui ne supporte pas la comparaison avec cet avant. Comme le van versus le chalet, ou encore nos soirées au Black Duck et ici. Ça me rend terriblement mélancolique mais en même temps, je sais au fond de moi que je dois m'estimer heureux qu'on est un maintenant ! Goran, Leka, l'ont payé de leur vie, la moindre des choses c'est d'être reconnaissant et de continuer à vivre, tant bien que mal, d'essayer de reconstruire quelque chose.

Je passe mon bras dans le dos de Nina pour l'attirer contre mon torse, dans une étreinte de réconfort - pour moi surtout, parce qu'elle a l'air d'aller plutôt bien là maintenant tout de suite, et ça me fait plaisir quand bien même la weed n'y ait pas pour rien. — J'ai toujours aimé ta façon de danser. Quand je lui disais, danse pour moi Nina...

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Chaque geste de sa part, même le plus infime, affole les battements de mon cœur, assombrit mon regard, noue ma gorge douloureusement. Je ne prends rien pour acquis, je ne l'ai jamais fait mais c'est plus encore le cas aujourd'hui. Je n'oublie pas qu'il y a quelques jours seulement, il ne me regardait même pas. Je n'oublie pas qu'il restait au bord du canal pour ne pas avoir à se baigner avec moi, qu'il rentrait dans la tente à l'heure où je partais travailler pour que nous n'ayons pas à dormir ensemble. Sa main sur ma joue, son souffle qui caresse ma peau sont des trésors que je chéris comme s'il s'agissait de véritables miracles. Les mots doux qu'il me souffle de sa voix rugueuse, dans ce contraste qui m'a toujours fait rendre les armes, hérissent ma peau de frissons. Je repense à notre première nuit ensemble, ce soir-là déjà il avait eu ces mots-là. Entre ses draps, son corps contre le mien, ses mains sur mes hanches, il m'avait dit qu'il ne pourrait jamais se lasser de ma façon de danser. Je me souviens de tout, moi aussi, dans les moindres détails, avec une lucidité qui aujourd'hui me fait mal. Accrochée à lui, j'esquisse un sourire en soufflant : Y a qu'avec toi que je danse comme ça... Et il n'y a qu'avec lui que j'en ai envie d'ailleurs.

Je le sens bien plus lucide que moi, sans doute parce qu'il n'a pas fumé et également parce qu'il est toujours plus sur ses gardes lorsque nous sommes dehors, qui plus est entourés de monde. Alors j'essaie de me tenir tranquille, quand bien même je meurs d'envie de retrouver le chemin de sa peau. Si je m'écoutais, je crois que je lui demanderais de rentrer maintenant, mais je n'ose pas réellement. Parce qu'on vient tout juste de se retrouver, parce que je ne suis pas sûre que tout soit aussi naturel qu'avant, parce que j'ai encore peur que notre étreinte de tout à l'heure n'ait été qu'une exception... Alors je reste là, à danser dans ses bras, jusqu'à ce que le rythme de la musique devienne plus entraînant, et je cesse mes mouvements. J'ai envie de danser coller à lui seulement et la musique ne s'y prête plus vraiment. Tu veux qu'on aille voir à l'intérieur ? Il doit sans doute y avoir du monde aussi, enfin j'imagine...

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Mon regard se pose gravement sur elle à son serment que je sais vrai. Je le sais dans chaque fibre de mon être, c'est quelque chose qui nous appartient, malgré les tentatives pour nous en dépouiller, tentatives qui ont bien failli aboutir, sauf que... Sauf que elle et moi, ça ne pouvait simplement pas finir aussi connement après tout ce qu'on a vécu. On a failli s’auto-détruire plus d'une fois et on s'en est à chaque sorti, on en est sorti grandi. Alors les coups que nous donnent les autres, ce n'est rien à coté. Je crois que c'est finalement pour ça que j'ai moins de problème de jalousie. J'ai peur pour elle, je la protège, mais je n'ai pas peur qu'elle me trompe. Cette crainte là est si futile à coté de celle qu'elle ne meure, j'ai appris la relativité dans la douleur! Je réponds juste très sérieusement —Je sais

Je ne me rends pas compte que la musique change jusqu'à ce qu'elle cesse de changer. Je me moque bien du rythme pour ma part. Je suis inexplicablement déçu qu'elle s'écarte de moi, mais je ne dis rien et je tourne la tête vers la porte du Boyuyu. J'ai envie de dire non, j'ai envie de rentrer au van et surtout, je n'ai pas envie d'entrer dans cette nasse et pourtant je sais que c'est juste une peur irrationnelle alors j'accepte. —Oui je prends sa main de ma main gauche, parce que je suis droitier, et que je tire mieux de la main droite même si je sais tirer des deux mains, c'est un fait. Je pense naturellement à ce genre de détails, sans me forcer, comme autrefois à Sarajevo - zone de guerre ancrée en moi. Avant d'entrer je hume l'ambiance, jauge les lieux, avance avec la prudence d'un prédateur aux abois. Il faut plus chaud dedans, une chaleur lourde de tôles chauffée au soleil, de corps explosés de weed, qui s'abandonnent sur des canapés, des rires, de la fumée, des propos animés... Je cligne des yeux, serre trop fort la main de Nina.

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On cesse de danser et, nos doigts emmêlés, je me laisse entraîner vers le Boyuyu. Je ne suis jamais entrée de nuit, les seules fois où j'y suis passée c'était le matin, et il n'y avait personne ou presque. Avec cette chaleur infernale, je suis surprise qu'il y ait tant de monde à l'intérieur, en fait l'ambiance y est plus... chaude que dehors, justement. On n'en est quand même pas au niveau des raves où tout le monde baise sans pudeur au milieu des autres, mais les couples enlacés sur les canapés ou les fauteuils ne sont pas réellement chastes pour autant. Il y a deux nanas en train de se dévorer la bouche, littéralement, l'une vautrée sur les genoux de l'autre, et je détourne le regard avec la pensée étrange qu'avant, ç'aurait probablement été nous sur ce fauteuil. L'époque où on pouvait baiser dans une ruelle déserte ou les chiottes d'un resto me paraît si loin à présent... Pourtant le désir est revenu, pas encore aussi puissant ou urgent qu'il a pu l'être par le passé mais j'ai le sentiment que ça va s'arranger, qu'on va finir par se retrouver réellement, par retrouver ce lien si irrésistiblement charnel entre nous.

Je me tourne vers Slavenko, lève un regard inquiet sur lui pour m'assurer qu'il va bien, parce que j'ai bien senti comme sa main s'était resserrée sur la mienne. J'esquisse un sourire rassurant, l'entraîne un peu plus loin, la musique est forte, personne ne fait attention à nous. J'approche du bar derrière lequel il n'y a personne, tout est en libre service sans que je comprenne trop pourquoi... A mon avis le barman s'est tiré pour aller bouffer des saucisses à l'extérieur ! Je désigne les bouteilles avec un sourire soudain plus espiègle et je reviens m'accrocher au cou du slave en proposant : Et si on retournait au van... Avec... Je me retourne, plisse les yeux. Mh, la tequila ?

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L'ambiance de baise ne m'effleure pas un instant. Elle ne me touche pas parce que je suis en mode survie, avec ces picotements dans la nuque, désagréables, l'instinct qui se réveille, qui me hurle de ne pas entrer, de ne pas rester là. Je crispe les mâchoires, chasse cette impression née de ma paranoïa, de mon traumatisme en fait. Ici, dans cette zone hippie créée par Sly, Sam et d'autres que je ne connais pas, qu'est-ce qui pourrait arriver ? Un coup de fumée dans la gueule ? Nina tire un peu sur ma main, avec un sourire que je m'efforce de lui rendre.

Je suis son sillage, toujours accroché à sa main. Quand elle m'en parle, j'avise les bouteilles et il n'y a personne qui se soucie de nous. J'ai un regard d'étonnement et un haussement d'épaules, mais je saute sur l'occasion de rentrer au van. —Oui, parfait En fait, je déteste la tequila, faut le savoir, de toute façon à part le quart de bière avalée tout à l'heure, le reste de la bouteille abandonné sur l'appui de fenêtre, je n'ai pas bu une goutte d'alcool depuis notre capture.

Je laisse ma voleuse de femme agir, lâchant à regret sa main, toujours sur le qui-vive. Je deviens complètement taré en fait, les jours qui passent n'arrangent rien, et maintenant que Nina a brisé ma carapace, je crois que ça empire. Bon, je ferais avec... faudra bien. Munie de la bouteille, triomphante, Nina me sourit encore et moi, je fonds, le regard qui s'éclaire par amour. Je lui tends la main pour qu'on puisse rentrer au van. Je crois que pour une première sortie dans le "monde" c'est bien assez pour ce soir !

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Nous sommes trop connectés pour que, même malgré la weed, je ne sente pas à quel point il s'est brusquement tendu. D'autant que je n'ai fumé qu'un joint, étant donné que j'ai été accro à l'héroïne, à la kétamine et que j'ai souvent abusé de drogues dures... Disons qu'un pétard ne va pas m'empêcher d'être consciente. En plus de ça, moi aussi j'ai envie de rentrer, je ne tiens pas à rester dehors trop longtemps et je ne suis pas particulièrement à l'aise depuis que le mexicain m'a abordée. Je m'écarte de Slavenko pour filer derrière le comptoir, et je cherche vainement une bouteille de vodka, au cas où. Malheureusement, ce n'est pas vraiment ce qu'on trouve le plus facilement dans le coin, et je ne vois que la bouteille de tequila repérée un peu plus tôt. Je m'empare de la bouteille et me tourne vers mon mari en l'agitant avec un sourire victorieux. Allez, viens.

Je reprends sa main dans la mienne, la bouteille dans l'autre, et je l'entraîne vers l'arrière de l'entrepôt pour qu'on n'ait pas à repasser devant Sam. Je ne suis pas sûre qu'il approuve le fait que je vole le bar, si tout le monde faisait comme moi, le Boyuyu ne pourrait même pas exister. Mais eh, je fais de mon mieux mais on ne se refait pas. On slalome entre les gens présents et on s'éclipse par la porte de derrière. L'air me paraît presque frais comparé à la température bien trop élevée de l'intérieur, et je baisse les yeux sur ma jupe pour désigner la poche. Tiens, tu peux choper ma lampe torche ? Elle est toute petite, je l'ai achetée à la station-service, parce que je flippe quand je rentre toute seule à quatre heures du matin. Avoir peur du noir, c'est assez incompatible avec le fait de vivre dans une caravane au milieu du désert.

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Je respire bien mieux une fois dehors tandis qu'on s'éloigne, l'angoisse redescendant comme par magie. Je cherche mon paquet de clope, mais avant d'en allumer une, Nina me demande sa torche. Je suspends mon geste pour acquiescer silencieusement. Je glisse ma main dans sa poche, si petite pour ma grosse main, que je reste coincé avant de tirer d'un coup sec pour extraire la torche. —pardon... Je lui tends la torche, c'est marrant, moi depuis que je suis ici, je me plais dans le noir. Pour passer, on n'allume rien, pour ne pas se faire repérer par les douaniers. La nuit, on ne me voit pas, on ne distingue pas mon visage, et nul ne peut dire qui je suis. Je n'ai pas peur qu'on me reconnaisse. Mais je sais très bien que Nina a peur du noir, c'est pour ça que j'ai acheté la guirlande. Je savais que ça lui plairait.

Une fois que Nina a pris la lampe, j'allume ma clope pour le retour vers le van. Les bruits de la nuit ont quelque chose de rassurant, je m'y suis habitué, même si ça ne fait qu'une petite quinzaine que nous sommes là. J'aimais la ville avant, les bruits de la ville, l'odeur de l'essence, les appels lancés d'un immeuble à l'autre par des ados torchés, les voitures, même les sirènes des flics avaient leurs partitions à jouer. Mais aujourd'hui, je préfère la sérénité de la nuit à Slab City. C’est devenu infiniment plus rassurant. Le bout de ma cigarette rougeoie dans la nuit tandis que j’emboîte le pas à Nina, suivant le faisceau lumineux jusqu'au van.

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Je souris, amusée de le voir galérer à sortir la lampe de ma poche, je suis toujours surprise de la différence de taille entre ses mains et les miennes, c'est assez impressionnant ! D'ailleurs quand il m'a demandée en mariage, à Las Vegas, la bague qu'il m'avait achetée, pourtant déjà petite, était encore trop grande pour mes doigts. Je suis particulièrement menue, et ça se remarque encore plus quand je suis à côté du slave. Cela dit c'est quelque chose qui me plaît, pas quand je suis trop mince mais avec quelques kilos en plus, d'être plus petite que lui, parce que je peux disparaître entre ses bras, parce que son corps peut envelopper complètement le mien, parce que j'ai la sensation de pouvoir me fondre en lui.

Je dois lâcher sa main pour pouvoir tenir la lampe torche d'une main et la bouteille de l'autre, et j'illumine le chemin tandis qu'on regagne notre campement. De temps à autre, je fronce les sourcils et presse le pas parce que j'aperçois une araignée sur la route, mais globalement on arrive à destination sains et saufs ! Le temps qu'on arrive, Slavenko a pu terminer sa cigarette et je monte dans le van, ôtant aussitôt mes sandales pour les laisser devant la porte et ne pas foutre du sable et de la terre partout à l'intérieur. J'éteins la lampe torche pour allumer la guirlande à la place, et je vais me vautrer sur les couvertures, m'y asseyant en tailleur en brandissant la bouteille de tequila. Un sourire plus lumineux éclaire mes traits, je suis bien plus détendue maintenant qu'on est rentrés, qu'on est seuls tous les deux... Et je suis encore défoncée, ça aide. Je lève sur lui un regard brillant tout en calant la bouteille de tequila entre mes jambes pliées. Tu viens ? J'ai furieusement envie, besoin de le sentir contre moi, de le toucher, d'avoir ses mains sur moi. Le fait de l'avoir retrouvé m'a rendue brusquement bien plus tactile, comme si je cherchais à rattraper le temps perdu et peut-être que c'est le cas.

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Avant de rentrer dans l'espace délimité par les piquets, je fais une pause "technique" et je rejoins Nina rapidement, n'aimant pas la laisser seule si je suis dans les parages. Quand je suis au Mexique, c'est différent, je n'ai pas le choix, je ne suis pas là pour veiller sur elle et je dois m'en remettre à la chance et à sa capacité naturelle à se sortir des emmerdes. En y réfléchissant, puisque c'est généralement moi qui les amène ces emmerdes, la solution serait de rester toujours à distance, mais cette solution ne fonctionne pas très bien, elle me donne juste envie de m'achever d'une balle dans la tête, or, par je ne sais quel miracle, je tiens encore suffisamment à la vie pour ne pas vouloir de cette option là ! —J'arrive, laisse moi juste retirer mes pompes... Ah les rangers, voilà une chose qui n'a pas changé. Fidèles rangers, aussi fidèle que l'ami dont le sang les tâche. Il est clair que je ne m'en séparerais jamais de mon plein gré. Je les range contre une paroi et je viens rejoindre Nina dans l'amas de couettes qui nous sert de lit.

J'ai un sourire au regard brillant de Nina, ses pupilles dilatées témoignent de sa consommation et de son état. Je regrette presque de ne pas m'être laissé aller à fumer, mais je m'en veux tout de suite tellement de cette pensée qu'il vaut mieux pas que j'envisage de rompre mon abstinence si je ne veux pas finir complètement confit dans la culpabilité. Déjà que c'est pas gagné. Je dégage le glock de ma ceinture pour le glisser à sa place, c'est à dire à portée de main et je le colle une épaule contre celle de Nina, mon regard se posant sur sa cuisse à moitié dénudée, la jupe étant remontée quand elle s'est vautrée sur notre lit.

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Mon sourire s'élargit lorsqu'il me rejoint sur les couvertures, s'asseyant à côté de moi. Je sens la chaleur de sa peau contre mon épaule, son odeur envahit mon espace et je me détends aussitôt d'un cran supplémentaire, comme si je subissais une brusque décharge d'endorphines. J'ai toujours dit que Slavenko était mieux que n'importe quelle drogue. Je penche la tête pour frotter brièvement ma joue contre lui dans un geste câlin, sans pudeur puisque nous ne sommes que tous les deux. En plus ça fait longtemps que je n'ai plus peur d'avoir l'air trop affectueuse avec lui, c'est lui qui m'a rendue comme ça, avec son romantisme, son attention constante, son affection débordante qui me surprenait au départ, me gênait presque je crois... Aujourd'hui il m'a rendue totalement dépendante, je crois qu'il le sait.

Je suis loin de me douter qu'il n'aime pas la tequila, on n'a jamais trop eu l'occasion d'en boire ensemble, on lui a toujours préféré la vodka, ou à la limite le rhum et encore je crois qu'il n'en buvait que pour me faire plaisir. J'ouvre la bouteille et la porte à mes lèvres pour deux longues gorgées qui me tirent une grimace. Je secoue la tête en fermant les yeux avant de déclarer : C'est dégueulasse. T'en veux ? J'ai un léger rire, en fait moi non plus je n'aime pas vraiment la tequila. Pas pure en tout cas, mais j'ai envie de boire. Pour la première fois, j'ai désespérément envie de me détendre, de me détendre réellement, de ne plus penser aux angoisses qui me rongent, de respirer sans être oppressée, de dormir à poings fermés... J'ai envie de me laisser aller, j'ai besoin de retrouver, même de façon purement illusoire, celle que j'étais avant.

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La voir plus détendue me fait plaisir et par vases communicants, je me détends aussi. Etre dans le van aussi joue beaucoup, c'est un terrain connu et délimité. Son geste câlin me fait sourire et je tends furtivement la main pour caresser une mèche de cheveux doux. Je grimace légèrement mais comme j'ai peur de casser son élan, je prends la bouteille pour boire une demi gorgée avant de lui rendre. Je trouve aussi que ça a un sale goût et je secoue la tête. —Ils sont pas doués pour faire de l'alcool ces Mexicains. Tu sais que dans le Mezcal, ils foutent un ver au fond ? Je grogne d'incompréhension avant d'ajouter avec un humour ironique —comme si les doryphores suffisaient pas.

J'esquisse un sourire timide, maladroit, j'espère ne pas lui avoir trop gâché la soirée en voulant rentrer si tôt, je sais très bien qu'elle a senti ma tension quand on est entrer dans le Boyuyu. —on y retournera, hum ? C'était... c'était bien de danser ensemble. C'est ce que je veux retenir de la soirée : elle ondulant contre moi, et si je veille, je sais qu'au moins elle peut se laisser aller pour décompresser un peu.

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