Et si on piquait une tête ? [LIBRE]

Le problème avec le désert, c’était de trouver comment refroidir. Comment calmer les brûlures sur la peau et la chaleur qui prenait aux tripes. L’homme avait inventé la climatisation, mais à Slab City, c’était parfois plus un mirage que la réalité. Dalya connaissait le désert. Elle y avait elle-même vécu, quelques semaines ou quelques mois, elle ne savait plus très bien. Son pays n’était que désert, de sable au début, de ruines la dernière fois qu’elle l’avait vu. Bien pire d’après les images rapportées par des journalistes de guerre qui osaient d’y aventurer. Mais quand bien même elle connaissait le désert, les températures de la Californie dépassaient ce qu’elle avait connu en Syrie, son accoutrement qui recouvrait son corps n’aidant pas forcément malgré la faible épaisseur et la fluidité du tissu.

On lui avait parlé des réservoirs. Plusieurs personnes y avaient allusion. Un endroit avec de l’eau. Parfait pour se rafraîchir un peu. Il faut faire attention, c’est pas vraiment autorisé. Mais t’façon, personne regarde vraiment. Tu verras, c’est un coin sympa. Alors elle avait fini par craquer. Après avoir goûté à la baignade à la mer quelques semaines auparavant, elle ressentait à nouveau ce besoin se sentir l’eau englobait son corps, ou au moins une partie.

Elle avait suivi les indications, mais les réservoirs étaient faciles à trouver, finalement. La boule au ventre, elle se sentait comme une criminelle qui allait enfreindre la loi et que la police allait plaquer au sol pour lui passer les menottes. Mais pas un uniforme à l’horizon, pas même une voiture. C’était le moment où jamais. Quelques escalades plus tard, elle était arrivée, mais elle n’était surtout pas seule. Une masse de cheveux blonds, pas très loin. Elle voulait être discrète, Dalya, ne pas attirer l’attention. Elle cogne contre quelque chose. Un bruit sourd s’élève dans le silence du désert. Elle grimace en regardant l’inconnue avec un air navré. « Je ne voulais pas embêter… Désolée ! » Elle ne savait plus si elle devait avancer ou reculer. Est-ce que c’était autorisé de venir ici ? Mais en même temps, la fraîcheur relative de la proximité de l’eau lui faisait tellement du bien qu’elle ne voulait plus partir. Elle en fixait les reflets qui dansaient dans ses prunelles comme des étoiles, captivée, hypnotisée.

Présence révélée, elle était démasquée. La personne qui était déjà présente, c’était une jeune femme, blonde elle aussi. Elle avait l’air gentille, peut-être plus jeune que Dalya, mais elle n’avait jamais été bonne pour deviner les âges – et puis elle avait une tête de bébé elle-même alors bon. L’autre a l’air surprise de la voir ici aussi, presque sur le qui-vive pour échapper à celui qui voudrait la déloger. Mais son visage se détendit lorsqu’elle aperçut la Syrienne. Définitivement, Dalya ne pourrait jamais jouer le rôle de la méchante. Elle avait l’air gentille aussi, cette autre blonde qu’elle avait sous les yeux. Elle avait l’air douce, à ne vouloir de mal à personne. Ce n’était pas réservé. Cela voulait dire que ce n’était pas que pour elle. Mais peut-être qu’elle aurait voulu être seule. En tout cas, elle n’avait clairement pas l’air irrité d’avoir été dérangée par une autre personne.

Elle avait l’air jeune, cette blonde. Peut-être plus jeune que Dalya. Probablement dans les mêmes âges. Elle parla à nouveau. Quelque chose avec « profiter de l’eau » mais la blondinette ne comprit pas la suite. « C’est quoi « archi bonne » ? » Elle ne cherchait pas à passer pour celle qui comprenait tout avec cette jeune femme. Elle se sentait presque à l’aise, à ne rien cacher. Ou du moins, pas le fait qu’elle ne parlait pas bien la langue. De toute façon, son accent la trahissait à chaque mot qu’elle prononçait ou presque. Vraiment, il fallait qu’elle travaille là-dessus.

L’identité de l’inconnue se révéla. Fayne. Un prénom un peu bizarre. Pas moche. Juste bizarre. C’était la première fois qu’elle l’entendait. Pas qu’elle était dans ce pays depuis suffisamment longtemps pour connaître tous les prénoms, mais celui-ci était particulièrement innovant, et ça faisait du bien. « Je m’appelle Dalya. Je suis ici 7 mois. », répondit-elle en s’installant finalement. Elle retira chaussures et chaussettes, remontant son pantalon de toile et trempa les pieds dans l’eau dans un soupir de bonheur. « Il fait trop chaud aujourd’hui. » Elle était pourtant habituée des chaleurs, la Syrienne, mais rien ne valait de l’eau fraîche pour faire descendre la température. « Où tu étais avant ? » Après tout, elle avait dit qu’elle était nouvelle.