LIBRE COMMUN || Welcome to the freakshow !

Les artistes et techniciens du cirque, bien organisés, avaient monté le chapiteau à une vitesse folle. Le grand édifice de toile avait eu tôt fait de se dresser sur le côté du campement comme un faux jumeau de Salvation Mountain, et de compléter le paysage hétéroclite et farfelu de Slab City. Chacun avait mis la main à la pâte ; de toute façon c’était ainsi, sinon tu n’avais rien à faire dans la compagnie.
Natacha essuya son front d’un revers de manche, drapée dans un de ses éternels gilets à manches glorieusement évasées, et plaça sa main en visière pour regarder s’élever ce chapiteau qu’elle connaissait pourtant par cœur. La pointe de ce dernier tranchait le ciel bleu, agaçait le soleil qui viendrait bientôt, en tournant, s’y empaler comme l’étoile au sommet d’un sapin de Noël.

Pour Natacha c’était Noël tous les jours au cirque, sauf que les étoiles n’étaient pas sur le sapin, mais dans les yeux des gens.

Un cirque. Un putain de cirque. Tu renifles d’amusement à l’ironie de la situation. Tu le sais par la radio. Logique. Depuis des années que t’as fuit ce monde par obligation, il a fallu que ce soit ici, à Slab, après la mort de tes parents, que t’en vois un se monter. Les mains dans les poches, la clope au bec avec un sourire en coin qui semble toujours moqueur sur les lèvres, tu regardes le bordel se monter. Merde, tu proposes même ton aide quand t’en vois un qui est pas loin de se merder dans les tendeurs. C’est dans ton sang, dans tes veines. Tu peux faire ce que tu veux, c’est là et tu le sais. Tu dis rien, t’as pas besoin d’ouvrir le bec qu’on sait à ta façon d’aider que t’as au moins un pied dans ce monde ou que tu l’as eu. Pourtant, tu t’effaces rapidement après et te perds parmi les curieux.

T’attends.

T’attends pour mettre la main sur le papelard et connaître les heures et les dates parce que tu sais que tu seras là. Un peu comme si t’avais besoin d’un bon gros fix de nostalgie et pourtant paradoxalement, tu cherches à te faire oublier des deux trois membres qui t’ont remarqué l’air de rien à aider. Tout se voit et tout se sait dans ce monde.

« Mais qu’est-ce que c’est que ce bordel ?! »

Ma tronche échevelée, ou du moins par les cheveux qu’il me reste sur le caillou sort par la fenêtre du Huitzilin. C’est que ce bordel m’a réveillé. Ma gueulante alerte Kali, qui lève le nez dans ma direction ; ses jolies tresses d’hier soir ont pris cher cette nuit, et elle a un beau collier de suçons.

« Je crois que c’est un cirque patron. »

« Un cirque ? Je me dois de voir ça. »

Ni une ni deux, je re-rentre dans la chambre que j’occupais, abandonnant là les trois nymphes à bites que j’ai rencontrées dans les draps hier soir, n’oubliant pas de les embrasser toutefois. Un pagne passé pour éviter de prendre des coups de soleil où je pense, je trépigne jusqu’au chapiteau.

« Ca alors ! » je m’exclame devant le chapiteau. « C’est génial ! Qui a eu cette formidable idée ? C’est vous jolie fleur ? » je demande à une jeune femme aux cheveux bicolore sortie tout droit des 100 Dalmatiens.