LIBRE GROUPE || Pas besoin de summerbody quand t'as pas de summervacances

STAFF - Nitrométhane

Pas besoin de summerbody

Quand t'as pas de summervacances

Deirdre savait que Slab City devait une partie de sa notoriété à une forme de religion, mais une forme de religion qu'elle n'avait pas bien réussi à identifier. Ainsi quand était venue l’Assomption, qu'elle s'était résolue à célébrer dans son coin avec le respect que sa femme lui témoignait, l'annonce du Talk Show Host l'avait surprise et bousculée sans aucune forme de pitié.
Mais qu'à cela ne tienne, elle laissa de côté la rigidité de son éthique et saisit l’occasion de s'arrêter plus longuement à Salvation Mountain que le jour de son arrivée sous le soleil plombant du désert californien.
L'heure tardive dispensait la fraîcheur nocturne rendant l’atmosphère sombre et viable, enfin.

Deirdre s’échappa du van avec Arès, le husky de sa femme, et l'hypothèse que Aidan la rejoigne après les trucs qu'elle avait à régler et se dirigea vers les environs. Il n’était pas très complexe de saisir la destination précise : des dizaines de lumières et de foyers enflammés rougeoyaient là bas, et du haut de la montagne artificielle s'élevait une clameur battante ourlée d'une odeur d’alcool et de viande grillée.

Alcoolisé et ayant une fâcheuse tendance à vouloir m’occuper de tout tout le temps, je me retrouve à Salvation Mountain, maniant les pics et les pinces de barbecue pendant que les autres dansent sur une musique bruyante et entêtante. Le barbecue est un amas de grosses pierres disposées en forme de cercle dont l’intérieur est rempli de bois où repose le feu que je tente d’attiser toutes les cinq minutes tout au mieux. La grille dispose de toutes sortes de viandes que j’essaie prudemment de retourner sans qu’elles n’atterrissent par terre; il faut bien avouer que mes gestes sont loin d’être sûrs et précis étant donné le grammage dans chacun de mes globes oculaires. “Par ici messieurs dames ! Des saucisses toutes chaudes !” En terme de glamour on repassera puisque je dégouline de sueur malgré le torse que j’ai dénudé quelques minutes auparavant et l’odeur incontestable de cochon brûlé que je dégage désormais sûrement autant que le barbecue en lui-même. Je relève la tête deux secondes de mon plan de travail tout en essuyant mon front du revers de mon avant-bras avant de voir un magnifique husky. Sans raison et sûrement parce que l’alcool dicte chacune de mes actions, je siffle le chien en question pour ensuite lui donner une côte de porc lorsqu’il arrive à ma hauteur, ignorant tout à fait sa propriétaire.

Invité

Heureusement, je n'étais pas avec Slavenko lorsque Matt m'a écrit. Je ne suis pas certaine que le "salut poupée" qui démarrait son message aurait beaucoup plu à mon mari. Encore que sa jalousie semble être restée quelque part à New-York -ou plus probablement en Louisiane mais je préfère ne pas y penser-. Quoiqu'il en soit je n'ai pas laissé ce détail me dissuader trop longtemps : j'ai besoin de sortir, de voir d'autres gens, de faire quelque chose de différent pour une fois. Alors j'ai enfilé l'une des robes volées à la mexicaine, une robe courte, rouge et orange, bien trop colorée et voyante à mon goût mais quand on n'a pas de thunes, on ne fait pas la difficile... J'ai envoyé un SMS à @Slavenko Kovács pour le prévenir de l'endroit où je me trouve, et lui proposer de me rejoindre au cas où... Même si je doute de le voir débarquer.

En arrivant, je reconnais Deirdre, pour l'avoir déjà croisée au bar, et je l'interpelle en pressant le pas. Hey. T'as été attirée par l'odeur du barbeuc ? Je demande dans un sourire, tout en avisant la silhouette masculine qui est déjà en train de servir la viande. L'idée de bouffer à l'oeil est toujours plaisante, surtout quand on en est à bouffer des conserves depuis plusieurs semaines. Je baisse rapidement le nez sur le chien, avec un pincement au cœur parce que ça me fait penser à Buba, que je m'efforce de refouler. J'agite la main pour saluer Matt dans un sourire un peu gêné.

Motherfucker

Un événement. Forcément que tu sais que tu vas y aller quoi qu’il arrive. T’es pas du genre à célébrer quoi que ce soit, quoi qu’en fait si. Tu célèbres n’importe quoi, c’est toujours une bonne excuse. Tu crois en rien mais tu crois en tout ce que les gens veulent tant que ça se célèbre. Au moins, cet espèce de truc qui ressemble à rien trouve son utilité. Y a pas meilleur décor, faut l’avouer. Ton éternelle clope au bec, ton chapeau sur la tête et les mains dans les poches, tu te diriges vers l’odeur de la barbac non sans choper une bière au passage. T’as fait l’effort d’enfiler un t-shirt à manche courte pour changer. Ce sera moins chiant. Une fois devant le mec qui s’occupe de la bouffe, tu passes commande, ou plutôt, tu prends ce qu’il y a. Pas une seconde, tu te formalise de la dégaine, t’as bouffé dans des endroits dont l’hygiène était douteuse alors c’est pas ça qui te tuera.

- « Hey, une saucisse et un petit pain. »

Sans sauce. Tu peux bouffer un tas de trucs avec de la sauce pourtant mais sérieusement, pas du barbec. Allez savoir pourquoi. Visiblement, tout le monde semble se connaître autour du foyer alors tu salues juste de la tête. T’es pas le mec le plus poli que cette terre ait porté mais t’as un minimum de savoir vivre. Parfois. On ne parlera pas de ces moments où t’ouvres ta porte sans avoir enfilé de fringues.

Slab city et ses fumeurs de chanvre, ses punk a chien qui s'agitent sous une musique entêtante le torse luisant de sueur et de binouse. Slab City et ses junky. Chaque fête est une occasion d'écouler d'la marchandise alors forcément j'en profite. J'suis sorti de ma caravane avec assez d'ecstasy et de speed pour faire tripper tous les camés présents. J'ai même du GHB au cas où un de ces petits salauds voudrait se faire un p'tit trip spécial. J'connais certaines personnes qui ne pourraient jamais rien m'refuser, mais ils ne sont pas encore présents. Alors j'me dirige vers un attroupement, autour d'un barbeuc tenu par une sorte de géant, plutôt beau gosse, avec quelques verres dans l'nez qui lui font avoir une gestuelle assez particulière. Le barbeuc à une sale dégaine, mais toute façon, j'suis pas vraiment venu pour consommer. Un type, avec l'bras tatoué et un chapeau d'cow boy visé sur le crâne, parfait croisement entre un chanteur d'metal et un country boy, s'sert une saucisse. Il a l'air un peu exclu, ne connaissant probablement personne. Mais sa dégaine m'inspire confiance, j'me dis tout de suite que ce mec en a vu pas mal et qu'il serait probablement intéressé par un petit trip sous speed. Alors, j'me poste à quelques mètres de lui, m'servant aussi un petit pain. J'mords dans l'hot dog improvisé.

- Hey salut mec, ça te dirai un p'tit trip. J'ai des trucs qui vont t'faire planer.

J'ai aucune gêne à aborder des gens comme ça. Au moins, j'vais droit au but. L'gars veut tripper il m'dit oui. Il fait l'mec coincé alors c'est pas grave, j'trouverai quelqu'un d'autre. C'est pas ça qui manque. Une fois, j'avais failli m'faire baiser, j'étais tombé sur un flic en civil. Heureusement que l'mec n'était pas sous couverture. Mais il avait quand même essayé d'm'arrêter, alors j'lui avais cassé la gueule et laissé inconscient sur l'bord de la route. L'visage en sang. C'jour là, j'avais un peu flippé. Agresser un poulet même en civil, c'était passible de pas mal d'années de prison dans l'pays de l'oncle Sam, mais c'était la nuit et j'avais finalement rien eu. Des bagarres en sortant d'soirée ça arrive tout l'temps.

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