We'll be counting stars - Slavina

Je me souviens très bien quand on jouait avec des glaçons ou avec une bouteille de vodka gelée, Dieu que la vodka me manque. —Ma femme est unique c'est pour ça. Unique et merveilleuse, une Princeza, ma Princeza. Je hausse un sourcil sans comprendre ce qu'elle veut dire. —Des inspirations ? Tu veux monter une secte ? L'idée m'amuse, bien que les gourous ici soient loin de l'imaginaire des toges blanches avec des couronnes de fleurs dans les cheveux ! Déjà aucune fleur ne résiste à cette chaleur, sauf peut-être les fleurs de cactus ?

—ou des plaques, ça sera suffisant. Des plaques américaines. Parce qu'avec nos gueules de gringos, ça va être louche sinon. Le glaçon fond déjà entre mes doigts et je me dépêche de venir le poser sur le dos de Nina, dans le creux de ses reins. Du bout de l'index, je le promène en faisant attention à ne pas le perdre. Je le glisse vers les globes crémeux, juste à l'orée de leur séparation, pour qu'il fonde et que l'eau s'immisce. Je suis son trajet avec intérêt, et surtout les frissons et les soupirs de Nina. Le glaçon fondu, je commence à en découper un autre, sans hâte et je reprends la conversation après ce long silence —non, pas à Salvation, après, en ville quand on rentre...je sais pas, 'fin au Queenie tu va te croire au boulot, mais il y a d'autres bars. Ou même on peut aller au Boyuyu. Ils ont de la bière fraîche ! Avant je n'aimais pas tant que ça la bière, mais j'avoue que j'ai révisé mon jugement. Une bière fraîche par 45° c'est le top. Ça marche aussi avec le coca ceci dit. Tout ce qui est bien frais, avec des glaçons.

Unique, moui... Je suis pas sûre que ce soit forcément un compliment. Ce n'est pas nécessairement une bonne chose, je crois. J'esquisse un sourire malgré tout. Mais non, des inspirations pour la décoration ! Tu m'as dit qu'ils habitaient dans des trucs super originaux... C'est pas toi qui m'a parlé d'un énorme œuf coloré la dernière fois ? Bon, je n'ai pas l'intention de transformer le van en œuf, d'autant que ce n'est pas vraiment possible, mais il voit ce que je veux dire, non ? Je t'ai dit que j'allais décorer notre campement, l'aménager... C'est pas grave si ça prend du temps, mais je te promets, j'en ferais un endroit... hyper agréable, mh ? J'ai envie de quelque chose de doux, c'est con hein, mais on s'est pris tellement de coups dans la gueule que je deviens guimauve à mon tour et ouais, tout ce que j'imagine ce sont des tas de couvertures moelleuses, des fauteuils confortables dans lesquels se vautrer, un truc chaleureux dans lequel on se sentirait bien, enveloppés... Un cocon. Je veux un cocon.

Je me crispe quand il pose le glaçon sur ma peau, sursaute légèrement quand bien même je m'y attendais puisque je l'avais vu. Quelques instants je ferme les yeux, retiens mon souffle, exhale finalement un soupir profond quand l'eau glisse entre mes fesses. Je rouvre les yeux quelques secondes plus tard, reprenant mon souffle. On peut aller dans le bar dans lequel j'ai postulé, tu verras comment c'est comme ça. C'était seulement hier, et si je ne lui en ai pas parlé avant de m'y rendre, j'ai réparé cette erreur dès que nous nous sommes retrouvés, je ne voulais pas avoir l'air de lui cacher quoi que ce soit. J'attends toujours la réponse officielle, mais ça m'avait l'air vraiment bien parti pour fonctionner. Je n'aurais plus les restes de bouffe, mais j'aurais des pourboires, et le salaire est plus élevé que chez Queenie. En plus là-bas la climatisation fonctionne !

—quoi ? mais bien sur que si c'est un compliment. Il y a toi pour moi. Tu es unique moja princeza. Je fronce les sourcil avec un air dubitatif —Un œuf ? Non j'crois pas. Mais je vois de quoi tu parles, je l'ai vu en allant à Salvation pour la guirlande. C'est très coloré. Tu veux un truc aussi coloré ? Tu vas peindre les palissades, un truc comme ça ? Je me renseigne, hein, moi je voyais plutôt le mode camouflage ou brut, mais si Nina se sent l'âme d'une peintre. C'est surprenant, elle n'a jamais été très portée sur les Arts même la photo avait un but de souvenir ou d'érotisme. Je me demande ce que ferait Eden ici, sur qu'elle s'en donnerait à cœur joie pour peindre des trucs qui piquent aux yeux dans le genre de Salvation ! J'ai un sourire indulgent, je suis près à vivre dans des arabesques mauves et roses pour plaire à Nina et qu'elle se sente bien. Tout ce qu'elle veut, toujours. —D'accord, mais si tu es là, l'endroit est déjà forcément hyper agréable moje zlato.

Je m'empare du second glaçon et je le pose dans son cou, je ne le lâche pas cette fois, je le déplace moi-même jusqu'à la chute de reins et je pousse mon avantage en le glissant entre ses fesses. Il fond vite, et quand j'atteins les lèvres de son sexe, le froid intense fait pulser ce dernier sous mes doigts. Le glaçon fondu, je retire ma main sans insister et je reprends ma tâche de casser un morceau de glace. —ha, je sais pas. C'est une bonne idée tu crois ? J'veux pas... la gêner, l'encombrer, marcher sur son territoire. Au Queenie, je passe rarement finalement, et je reste toujours très discret sur notre relation. Je n'aime pas trop qu'on associe Nina avec ma silhouette, parce que je bosse pour un passeur, parce que j'attire les emmerdes, parce qu'elle se débrouille mille fois mieux sans moi. J'essaye de la protéger vous voyez ?

Je tourne la tête pour le regarder, les yeux brillants. Oui, moi pour toi, c'est vrai. J'ai été conçue juste pour toi... Et avec nos quatorze années d'écart, c'est encore plus vrai que l'inverse, j'en suis intimement convaincue, depuis le premier jour. D'ailleurs, ça me fait penser : J'ai 26 ans aujourd'hui, je suis plus proche des 30 que des 20 maintenant... Tu te sens mieux, t'as moins l'impression d'être marié à une gamine, mh ? Je le taquine gentiment parce que je sais que notre différence d'âge l'a dérangé plus souvent que moi, qui n'en ait jamais rien eu à faire.

Je dodeline de la tête. Je veux pas que ce soit coloré à l'extérieur, je tiens pas à attirer l'attention... Encore que dans le coin, c'est peut-être plutôt la sobriété qui aurait tendance à attirer l'attention ! Mais une fois que les palissades seront terminées, on verra plus tellement l'intérieur... Je pourrais décorer le van, et cette espèce de... Je cherche mes mots en regardant autour de moi. Terrasse ? Je n'ai jamais été très portée sur la couleur, il le sait bien pourtant. J'ai pas envie de vivre dans un arc-en-ciel... Mais j'voudrais nous faire... Nous faire un nid, tu vois...? Je sais que l'idée l'effraie, à cause du Chalet, mais je ne cherche pas à recréer le Chalet. C'est seulement qu'on est partis pour rester ici, et je veux qu'on ait un endroit qui nous plaise vraiment où se retrouver le soir, juste tous les deux.

J'ai un hoquet brusque quand il pousse le glaçon entre mes cuisses et je tends instinctivement les fesses, le bassin vers sa main dans un soupir de désir. Ca fait tellement longtemps qu'on n'a pas été comme ça que je suis surprise qu'il sache ranimer mon désir alors que j'ai déjà joui deux fois. Pourtant ça ne devrait pas m'étonner, avant c'était bien plus que ça encore. Je reprends mes esprits avant de froncer les sourcils. Tu veux pas quoi...? Pourquoi ce serait pas une bonne idée ? Moi je ne comprends pas pourquoi il ne veut pas être vu avec moi, je ne songe pas que c'est pour me protéger, en fait ça aurait même plutôt tendance à me vexer !

—tu te fiches de moi, hummm ? J'ai quarante ans, on aura toujours une dizaine d'écart, tu seras toujours une gamine Je peux la taquiner aussi ! Mais franchement, ce qu'on a vécu a tendance à annihiler la différence d'âge dans cette expérience trop douloureuse. Je me penche à nouveau pour embrasser son dos avant de m'interrompre. Je pose un instant le sac de coté, et je choisis un coussin. Je l'incite à le mettre sous son ventre, soulevant ainsi sa chute de reins, et caresse ses fesses puis ses cuisses pour qu'elle les écarte un peu plus. Tout ça sans un mot, je trouve ça encore plus érotique.

—oui, tu es un ribica qui aime faire des nids, ça je sais. C'est assez étrange comme sorte de ribica... Moi j'aime bien qu'elle fasse des nids pour nous quand je n'en suis pas capable. Je me contente tellement de ce que j'ai que je ne fais rien, tandis qu'elle, elle a toujours trouvé cette ressource en elle, c'est quelque chose que j'admire chez elle et qui me fascine aussi. Je regarde autour de nous, bientôt la palissade sera achevée et formera un cercle clos, je mettrais un portail ou quelque chose qui fera office de portail, j'aime bien cette idée, je ne plaisantais pas en parlant de pont levis !

Armé d'un glaçon un peu plus gros, je me penche sur ses fesses surélevées. Je passe doucement le morceau gelé sur sa peau, et le glisse jusqu'à son anus, j'insiste doucement mais pas longtemps parce que la brûlure de la glace peut s'avérer désagréable. Je remplace le glaçon par ma langue, et puis, j'alterne : glaçon froid et langue chaude, d'abord en surface, puis en pénétrant un peu plus. Je teste pour glisser un index entre les muscles crispés, sans forcer, juste pour voir où elle en est de ce désir là. —parce que je bosse pour Machete, c'est pas un métier très bien vu tu sais...Je préfère rester en dehors de tes connaissances.

Je hausse les épaules, l'air de dire que ça m'est égal. Moi j'trouve que ça te va bien d'être marié avec une gamine. Ça te garde en forme. La seule chose qui pourrait m'effrayer dans cette différence d'âge entre nous, c'est l'idée qu'il meure avant moi, parce que je suis assez timbrée pour penser à ce genre de choses. Mais honnêtement, avec les vies qu'on mène et encore plus aujourd'hui, ça ne veut rien dire, j'ai autant de chances que lui de clamser demain !

Le nez plissé, j'avise sans trop comprendre le coussin qu'il me tend, et je me soulève pour qu'il puisse le positionner comme il veut. C'est la première fois depuis une éternité qu'on fait un jeu érotique ensemble, parce que c'est bien d'un jeu qu'il s'agit. Jusque là toutes nos étreintes n'ont servi qu'à assouvir un désir urgent. Peut-être que je suis plus... Un genre d'oiseau qu'un poisson ? Je demande, en haussant les épaules. Ça t'embête...? Que je veuille faire un nid...? C'est une vraie question, pas juste une question mignonne pour être rassurée, je m'inquiète réellement. Je sais bien qu'il a perdu tout espoir après la destruction du Chalet, et moi aussi en un sens... Mais ce n'est pas parce que j'espère construire quelque chose ici que je veux nous faire un cocon, c'est parce que je veux qu'on se sente bien le temps que ça dure. Qu'importe que ce ne soit qu'une semaine, un mois, un an... Je prends chaque seconde passée à ses côtés comme un cadeau, un miracle, et je veux faire de mon mieux pour qu'elles vaillent la peine d'être vécues, pour qu'on soit heureux d'être ensemble.

Ses attouchements se font bientôt plus précis, et quand je comprends ce qu'il a en tête je ne peux empêcher une certaine appréhension. Pas parce que j'ai plus souffert de ça que du reste -non toutes les souffrances endurées atteignaient des sommets- mais parce que c'est quelque chose qu'on n'a pas encore refait ensemble, et j'ai besoin de ré-apprivoiser ces sensations-là, comme la peur d'avoir mal. D'abord mon corps se crispe, se tend, et je ferme les yeux, inspire longuement pour tenter de lâcher prise. Mon esprit commence déjà à être distrait mais je souffle malgré tout : Je m'en fiche d'être bien vue... J'aimais qu'on sache que je suis avec toi... que je suis à toi... Quand on est ensemble ça va à peu près, mais dès qu'on sort ou que je suis seule, je n'ai plus l'impression d'être à personne et c'est assez difficile à gérer pour moi.

—ah ? J'ai besoin d'être gardé en forme ? Je baisse les yeux sur mon corps nu et un rictus grimaçant étire mes lèvres à la vue de sa maigreur, des pansements, des cicatrices. Sans doute que oui, sans doute que je ne suis pas très bandant comme ça. Un peu trop...usé. Je soupire silencieusement, résistant à la tentation d'enfiler un tee-shirt pour me cacher de moi-même. Mais je suis bien là, nu alors qu'il fait quoi...trente degrés ? Tout à fait raisonnable ! Je tapote mes abdos en raillant ma maigreur pas très virile —peut-être un peu, j'ai pris des poignées d'amour.

Je secoue la tête négativement. Je ne suis pas du tout d'accord pour qu'elle soit un piaf —Ou alors un poisson qui fait des nids, parce que tu es un ribica ! C'est ça ou alors une caille mais tu veux pas être une caille. Ah, je sais, un poisson comme ce dessin animé... Le nom m'échappe complètement. De toute façon la question qui suit est bien trop sérieuse pour que je cherche plus loin. Je réfléchis aussi très sérieusement à la réponse avant de répondre honnêtement —Non parce que c'est plus confortable. La tente c'était intenable. Mais...c'est un peu flippant. Parce qu'on prend le risque de tout perdre à nouveau tandis que si on a rien, bah ça risque pas d'arriver. Combien de fois on peut se remettre de perdre sa vie ? Moi ça fait la troisième fois. Quand je suis venu aux USA, quand je suis allé en taule, et maintenant. Mais cette fois j'ai gardé le plus précieux, Nina.

J'embrasse ses fesses, en discutant le nez dans sa chair. Je ne sais pas où je nous mène, je n'ai pas réfléchis à ça. Je sais juste que c'est agréable de la tripoter et que j'aime la sentir réagir. D'ailleurs, je me fais plus sage dès qu'elle se crispe, avant de revenir avec un entêtement certain sur la question. Un autre glaçon atterrit entre mes mains, mais je le glisse plus bas entre ses cuisses, caressant les zones plus sensibles pour me faire pardonner mon intrusion précédente avant d'y revenir. —tu sais bien que tu es à moi. Et j'aime bien te savoir en sécurité autant que possible. Surtout que je bosse loin et que toi, tu dois rentrer toute seule du Queenie. Tu ne m'as pas dit ce sera quoi tes nouveaux horaires, à ce nouveau bar ? Je regrette déjà la nourriture du Queenie mais bon, serveuse à roulettes, c'était pas son trip. Elle préfère barmaid, c'est plus sexy faut croire. Je glisse le reste de glaçon dans ma bouche pour me pencher et m'occuper d'elle. Je l'effleure, la touche, mêle ma salive à l'eau qui fond. Mon pouce prend place entre ses fesses, alors que je suçote les chairs gonflées, plus bas, les excitant avec la glace. Tout ça m'excite gentiment, je dois bien l'avouer. Surtout que discuter de tout et de rien en commençant les préliminaires m'aident bien à me détendre.

Je fronce les sourcils, brusquement contrariée parce que ce n'est pas du tout ce que je voulais dire, et je suis triste qu'il le pense, qu'il le prenne comme ça. Avant, ça ne serait jamais arrivé, il aurait compris ma plaisanterie, mais j'ai visiblement tendance à oublier à quel point son ego a été blessé, et c'est rien de le dire. T'as pas besoin d'être gardé en forme, je te garde en forme depuis bientôt deux ans... Je soupire, là encore il va mal interpréter mes propos, à croire qu'avant de me rencontrer il avait besoin de ça. T'es parfait, Slavenko... Je t'ai trouvé parfait dès que je t'ai vu. Je te trouve encore parfait aujourd'hui. J'ai beau prétendre, dès que nous sommes partis en cambriolage tous les deux pour que je puisse rembourser Ivo, j'étais déjà dans le flirt. Il m'a plu tout de suite, à la première seconde, et je ne m'en suis jamais cachée. Bien-sûr il a maigri, il est cerné, il a des cicatrices nouvelles... Mais moi aussi.

Je secoue la tête. Non, je veux pas être une caille... Un poisson qui fait des nids, c'est bizarre mais ok. Je souris, amusée par les surnoms qu'il me trouve toujours. La discussion prend une tournure plus sérieuse qui me distrait de ses agaceries, quand bien même elles sont délicieusement agréables. Contrairement à lui j'ai un peu de mal à discuter comme ça, sans doute parce que c'est lui qui me touche, alors le plaisir se mêle trop à la partie pour que j'ai les idées claires. Attends, moja duša, attends... Je sais, c'est typiquement le moment où je devrais me taire, passer à autre chose, laisser la conversation mourir pour qu'il me fasse jouir encore et ne plus revenir sur le sujet... Mais je n'ai jamais été douée ni pour faire l'autruche, ni pour ne pas tout gâcher, comme on le sait.

J'attends qu'il s'écarte pour me tourner et je viens m'agenouiller devant lui, le regard bien trop grave. Je tends les mains pour prendre les siennes. Slavo...? Je sais bien que ça t'effraie mais... Tout ça... Je désigne notre campement d'un vague mouvement de tête. Tout ça, c'est du matériel, ça compte pas. C'est seulement... Seulement pour que ce soit plus confortable pour nous tant qu'on est là... Mais la seule chose qui compte c'est qu'on soit ensemble, toi et moi. Je peux bien aménager le van, décorer le campement... Ça change rien, si on doit partir demain, tant qu'on reste ensemble ça m'est égal. Je soupire, je ne veux plus m'attacher aux gens, parce que ça c'est trop dur. Mais les lieux, les choses, quelle importance ? Y a que toi qui compte, la seule chose qui me fait peur c'est de te perdre... Je baisse les yeux sur nos mains, nos doigts emmêlés. Moi je sais que je suis à toi... Je voudrais que les autres le sachent... J'aurais voulu que Logan le sache, qu'il le comprenne.

Je ne réponds pas sur mon physique, je suis comme je suis, ça ne va pas revenir tout de suite. En plus avec la chaleur, je mange moins et je ne fais pas de sport, hormis crapahuter pendant mes missions ce qui est déjà par mal vu le climat. Donc je deviens sec. J'essaye de ne pas me focaliser sur les cicatrices, depuis quand je suis devenu coquet, sérieux ?

J'étais divinement bien à la toucher et l'explorer quand elle décide que parler est plus important. Je ne suis pas d'accord sur la question mais elle s'écarte et dans le même mouvement je me redresse. On se retrouve dans une posture étrange, à genoux face à face comme si on priait. Je lui abandonne mes mains froides. —Mais je sais bien que c'est que du matériel, mais n'empêche...C'est... Je réfléchis essayant de trouver les bons mots pour m'exprimer. —C'est de s'investir tu vois ? Si on s'investit là dedans et on doive tout laisser, bah, ça me ferait chier. c'est un euphémisme. J'esquisse un sourire rassurant. —mais bien sur que je peux aller n'importe où sans rien si je t'ai toi. Tu es tout ce qui me suffit, srce. Et si toi tu le sais, c'est tout ce que je demande. T'inquiète pas pour les gens. Y a que nous, zlato.  La couleur du ciel a changé à force de discuter, l'aube va se pointer et je propose pour ne pas qu'on s'enfonce dans le pathos. Je suis trop bien pour ça. —on rentre ? Je vais prendre les coussins et la bouffe, t'as qu'a te charger des fringues.   Il faut remettre les coussins dans notre couche pour qu'on puisse dormir, et je ne veux pas que le sucre attire les bêtes. Y a des saloperies de fourmis dans le coin, une plaie.

Pour moi parler est plus important que le sexe en tout cas à cet instant, peut-être parce qu'on a déjà fait l'amour et que je suis bien dans ses bras, trop bien pour permettre au doute de s'installer. Je fronce les sourcils, secoue doucement la tête. Je sais... Moi aussi ça me ferait chier... Je n'aime pas cet endroit, je n'aime pas la vie qui promet pourtant d'être la mienne pour un temps infini encore, mais malgré tout je ne veux pas me laisser sombrer. Mais je veux pas... Je veux pas renoncer à consruire quelque chose avec toi. Et ça m'est égal si ce quelque chose c'est seulement un van avec des coussins en guise de lit, c'est un endroit où être avec toi, où être bien ensemble alors je prends. J'ai encore envie de construire avec lui, mais je n'arrive plus à me projeter vraiment. J'ai abandonné pour toujours je crois l'idée de fonder une famille, je n'arrive pas à imaginer un après Slab City, un ailleurs, je n'arrive pas à me dire qu'un jour on pourra réellement recommencer à vivre... Alors j'ai besoin de me raccrocher à quelque chose, n'importe quoi. Je parle de construire, mais je construis au jour le jour, il n'y a plus de long-terme dans mon esprit.

Je n'insiste pas parce que je sens bien qu'on ne sera pas d'accord sur le sujet, mais moi ça me fait de la peine qu'il ne tienne plus à ce que le monde entier sache que je suis à lui. Dans le Bronx c'était rassurant, la plupart des gens le craignaient et ça m'offrait une certaine protection, quoiqu'il en dise. Et puis j'ai toujours eu besoin qu'il me revendique, je ressens toujours une certaine mélancolie à ce qu'il ne le fasse plus. Je crois que je n'ai pas encore fait le deuil de ce qu'on était ensemble... Je ne suis pas sûre d'y arriver un jour. Dans un hochement de tête, je relâche ses mains et me lève pour ramasser nos affaires, que je rapatrie à l'intérieur. J'attends qu'il revienne pour installer les couvertures, et je m'y allonge une fois que c'est fait, sur le flanc, le nez levé vers lui. Moi je suis complètement en train de tomber dans le pathos, je le sens bien, mon humeur est trop instable ! Slavo ? Je fronce le nez, hésite avant de demander : C'est mon anniversaire... J'ai droit à un massage... Pour bien dormir ? J'ai besoin d'être distraite des pensées trop sombres qui s'obstinent à revenir, je ne veux pas gâcher cette journée...

Évidemment que ça ferait chier, on en a bavé pour récupérer ce van, s'installer, ça n'a pas été de tout repos. Et puis, il symbolise une amélioration, et un chez-nous, un nid comme elle dit, pour elle et moi. Et moi, depuis que j'ai croisé Alyosha, et que je sais qu'il est ici avec sa fille, je me suis surpris à imaginer que le ventre de Nina s'est arrondi avant de réaliser brutalement comme avec la confrontation avec la chasseuse que c'est complètement inconscient. Nous sommes toujours des fugitifs. —Je sais bien, srce. C'est très bien de faire un nid. Je n'ai plus le dos cassé depuis qu'on dort dans ce "pieu" qui n'en est pas vraiment un, mais on va attendre d'avoir du fric pour acheter un matelas.

Elle ne comprend pas que je suis comme un loup qui rôde, invisible mais je veille quand même sur elle. J'essaye seulement qu'elle ne soit pas associée à moi et activités. L'anonymat comme protection. Dans le Bronx j'avais fait un autre choix, dans le Bronx nous avons tout perdu. On rentre dans le van, et je réinstalle les coussins en laissant les draps poussiéreux dehors. Il faudra que je les lave. Je tourne la tête vers Nina quand elle m'appelle et sa question me fait fondre. Je pose un regard tendre sur elle —bien sur srce, c'est ton anniversaire, j'ai dis que j'étais à tes ordres non ? Je m'assieds près d'elle, pose ma main sur son dos pour une caresse lente. —installe-toi mon cœur.

Quand c'est fait, je dégage son cou de ses cheveux pour le caresser. J'appuie dans un mouvement plus franc pour la masser, détendre les muscles crispés. J'ai un sourire. —c'est un massage ou un massage que tu veux ?

J'opine dans un sourire, j'aimerais réussir à faire en sorte que ce soit plus que ça, plus que seulement quelque chose qui lui permet de ne pas avoir mal au dos mais j'ai toujours été beaucoup trop exigeant, surtout envers moi-même. Il faut que j'apprenne la patience, que je nous laisse le temps de nous installer, d'apprivoiser cet endroit et notre nouvelle vie. Seulement je n'étais déjà pas patiente avant, et je le suis encore moins depuis que je crains que chaque jour à ses côtés soit le dernier. On aurait pas pu voler de matelas, ça rentrera jamais dans la caisse... Ou alors faudrait se trouver une autre bagnole... Ce n'est pas un secret, si je peux je préfère toujours voler que d'acheter ce dont on a besoin. Je n'ai pas besoin de son aide, tant qu'il me laisse nous faire ce cocon, ça me va, je veux seulement qu'il accepte ce que j'essaie de faire pour lui, pour nous.

Je sens bien que mon humeur s'étiole, que l'excitation que j'ai ressentie en arrivant sur le campement se dilue dans l'angoisse qui revient et je ne veux pas la laisser s'installer. Je veux m'endormir sereine dans ses bras ce soir, pas affolée par la peur. Mon regard s'illumine quand il accepte de me masser, ce dont je ne doutais pas un seul instant, et je m'allonge sur le ventre, reprenant la position que j'avais tout à l'heure à l'extérieur mais sans les intentions érotiques ! Ses doigts sur ma peau me donnent instantanément envie d'un câlin, mais je m'abstiens, bien consciente que je risque d'être ultra-collante et qu'en plus, ça me priverait de mon massage ! Sa question-proposition me fait sourire et je secoue la tête. Non, juste un massage mon ange... Mais tu es très doué pour détourner les massages et me donner envie d'autre chose... Disons que je n'avais aucune arrière-pensée à l'esprit, mais que je ne résisterais pas s'il se met en tête de pousser le jeu plus loin...

—on verra ça. Ou tu voleras du cash et on ira en acheter un dans une boutique. Il serra sous vide, ça devrait rentrer si on fout l'arrière en break. Je ne désespère pas qu'on s'en dégotte un cependant je suis beaucoup plus patient que Nina.

J'étais plutôt bien parti dehors pour un troisième round, mais disons que l'interruption m'a refroidi et si elle ne veut qu'un massage normal, ça me va très bien aussi. J'ai bien senti ses réticences tout à l'heure, et je n'ai pas envie de pousser le jeu, je suis trop fatigué et elle est trop angoissée pour ça. Bien sur que je sens ses doutes, ses peurs, ses craintes, je les partage mais ce soir ça va, je me sens bien de m'être laissé aller dans ses bras. J'en suis assez fier, d'avoir franchi ce cap. Je masse ses épaules, sa nuque, son dos, dans un massage doux et appuyé qui ne vire pas à l'érotique. Je caresse et passe sur ses flanc, le bas de son dos. Je mets tout mon cœur et je m'applique à ma tâche jusqu'à ce que j'ai mal aux bras. Je m'allonge alors près d'elle pour passer un bras autour de ses épaules. J'étouffe un bâillement en appuyant mon front contre son bras, en humant sa peau. Je m'endors comme une masse.

Je m'éveille en sursaut dans la lumière matinale. Mon cœur bat fort et je suis sous tension, j'écoute, je ne sais pas ce qui m'a réveillé alors que je n'ai pas assez dormi. Jusqu'à ce que je me rende compte dans la seconde qui suit que je suis collé à Nina, une solide et inconfortable érection coincée contre elle. C'est ça qui m'a réveillé ! J'en reste ébahi, ça ne m'était pas arrivé depuis des lustres de bander en dormant et surtout de me réveiller par envie. Brusquement très excité, je prends Nina par les épaules et me penche pour embrasser son cou, caresser ses seins. —Nina...zelim te....

Je croise mes bras sous l'oreiller et je me laisse aller en toute confiance à son massage. A dire vrai, je suis soulagée d'une certaine façon que ça ne vire pas à l'érotisme, parce que je réalise que j'ai bien plus besoin de tendresse et de câlins à cet instant précis que de sexe. Je ne crois pas que ce soit mal, on s'est bien plus touchés ce soir que n'importe quand depuis qu'on est arrivés ici et c'est déjà une sacrée progression. On ne devrait pas avoir à se forcer, ni l'un ni l'autre, et pour ma part je sais que ça n'a pas été le cas. Son massage me fait du bien, me détends suffisamment pour qu'au fur et à mesure, l'angoisse s'apaise. Je retrouve la sérénité sous ses mains, j'oublie les questions qui me taraudaient un peu plus tôt, les relègue dans un coin de mon esprit pour me concentrer sur lui, jusqu'à ce qu'il vienne s'allonger à côté de moi. Je me blottis contre lui, éperdue d'amour et de gratitude et je m'endors comme lui, rapidement.

Mon sommeil est plus agité que le sien, mais pas assez pour m'éveiller. Non, c'est lui qui me tire du sommeil, ses caresses sur ma peau, ses baisers brûlants, sa voix rauque qui perce le voile de mes songes pour emplir mon crâne. C'est tellement comme avant que je ne réalise pas encore que nous sommes ici. Je me tends vers lui dans un demi-sommeil sans même ouvrir les yeux, ma bouche cherche la sienne, ma langue se noue à sa jumelle et je couine contre ses lèvres. Son désir a embrasé le mien, exactement comme autrefois, il suffit qu'il me veuille pour que mon corps s'éveille et lui réponde, je suis déjà brûlante entre ses bras et je m'enroule autour de lui, passe une jambe contre sa hanche pour qu'il puisse se glisser entre mes cuisses et se fondre en moi.

Je tremble de désir contenu en l'appelant, déjà avide de sa peau. J'ai un rugissement de joie quand elle vient s'offrir à moi et je me loge en elle sans hésitation avec ce pur instant de bonheur qui me submerge et me ravage l'âme. Ce n'est pas un désir urgent, plutôt impérieux, irrésistible et mes coups de reins sont à la fois lents et possessifs dans des à coups brutaux qui me tirent des grognements de plaisir. Je fonds de chaleur et de plaisir contre sa bouche, nos langues se nouant bien trop voluptueusement. Ma main se crispe sur sa cuisse, agrippe sa fesse pour la maintenir contre moi et faciliter ma possession de son corps. Je bascule de trois-quart pour l'écraser sous moi, la prendre plus fort encore alors que le plaisir grimpe dans mes reins. Je gronde sous la pulsion qui me pousse à chercher la délivrance bien malgré moi avant de jouir dans un cri rauque et étouffé, m'effondrant sur Nina.

Je me décale tout de suite en la ramenant contre moi, tremblant et en nage, groggy. Je m'enfouis contre elle, me shoote à nos odeurs en me laissant de nouveau aller au sommeil, ronronnant d'une respiration lourde sous le plaisir qui m'englue dans une douce sérénité.

Je sens le plaisir monter par vagues, ressac incessant qui me ramène sans cesse vers lui, me pousse à réclamer sa bouche, affole mes sens jusqu'à ce que la jouissance m'emporte telle une lame de fond. Je tremble contre lui, incapable de maîtriser les palpitations de mon corps autant que les battements frénétiques de mon cœur. On se niche à nouveau l'un contre l'autre, l'un dans l'autre, enveloppés d'une chaleur étouffante, de nos odeurs qui se mêlent, et je me laisse absorber par le sommeil à nouveau. Cette fois je dors bien plus sereinement, complètement rincée, d'un sommeil sans rêves, sans angoisses aussi.

C'est la chaleur qui m'éveille à nouveau, et le jour qui perce bien trop fort à travers les draps accrochés aux fenêtres. J'ai beau être moite de sueur et de nos fluides mêlés, transie de chaud, je ne me suis pas sentie si bien depuis une éternité. A côté de moi, Slavenko dort encore et une bouffée d'amour intense illumine mon visage lorsque je pose les yeux sur lui. Je reviens contre lui, écarte la couverture qui nous tient bien trop chaud mais qui nous a servi de cocon toute la nuit. Je frotte mon nez à son épaule, son cou, hume sa peau en soupirant d'aise. Moja duša... Je souris, aux anges, grignote sa clavicule de baisers-morsures minuscules, lape d'un coup de langue pour me faire pardonner. Mon amour... C'est encore mon anniversaire... Donc il faut qu'on se lève, qu'on profite de cette journée !

Mon sommeil est lourd de chaleur. Je suis comme un animal repu qui se vautre dans son terrier pour digérer. C'est la voix de Nina qui me tire de mon sommeil, ses baisers me font soupirer entre râlerie et contentement, je n'ai pas envie de me réveiller mais ses baisers me font frissonner de plaisir. Je grogne, renifle, ouvre un œil parce qu'elle me mordille. Je me redresse de quelques centimètres pour la regarder me manger l'épaule. —salut, t'es sans pitié srce moje... Je souris et je viens caresser son dos d'un geste sensuel en guise de bonjour. —bien sur que c'est ton anniversaire et on a une balade à faire... mais avant, on va se baigner au canal et prendre un café quelque part ! J'ai la flemme de le faire moi-même, l'installation étant des plus précaires et je suis mal réveillé à cause de la chaleur.

Je me redresse tout à fait pour me pencher vers Nina et lui octroyer un baiser. Après ça, je me lève en baillant, et mon premier réflexe est de récupérer le glock, puis de boire de l'eau. Je m'habille rapidement, il fait jour, et je n'aime quand même pas trainer nu. Je sors pour vérifier qu'on est tranquille, m'éloigne pour aller pisser avant de revenir chercher les affaires et attendre Nina pour une séance de baignade ! J'aime bien être pas loin du canal pour pouvoir aller me tremper quand j'ai envie, c'est tellement mieux que la tente !

Je suis terriblement bien, parce qu'il me laisse le grignoter sans protester, sans avoir le moindre mouvement de recul. En fait, je crois même sentir sa peau frémir de plaisir sous mes dents. Sans pitié ? Je secoue la tête, trace un chemin de baisers le long de sa gorge pour remonter vers l'angle de sa mâchoire. Moi je me trouve adorable... Quelle meilleure façon de se réveiller que d'être embrassé par sa femme, mh ? Tu aurais préféré que ce soit le soleil qui te réveille ? Ou pire, un coyote ! Non, moi je pense que je suis vraiment trop généreuse de lui offrir un réveil plus doux, ma bonté me perdra, soyez-en sûrs.

Son programme me plaît parce que je meurs de chaud, et je le laisse s'écarter de moi sans réclamer un câlin ou un plus long baiser, c'est dire comme je suis raisonnable ! Comme c'est une journée de détente, j'enfile seulement mon maillot de bain, et cet espèce de poncho d'été multicolore, en tissu très léger, pour protéger ma peau du soleil. Je me charge de prendre le shampoing et le gel douche, et je rejoins Slavenko à l'extérieur, mon chapeau sur la tête. Au fait tu sais, quand j'ai vu Matt, il m'a dit qu'il avait installé un système pour filtrer l'eau lui... Ce serait vraiment bien qu'on trouve un moyen plus... clean de se doucher, tu crois pas ? Je lui ai parlé de ma rencontre avec l'ex-militaire, toujours dans l'optique de ne rien lui cacher, et j'y repense maintenant qu'on se dirige pour se laver dans le canal. Honnêtement niveau hygiène de vie, on est quand même pas au top et ça me dérange prodigieusement.

Ah Matt. Le bon ami de Nina. Il a un générateur et un système de filtration d'eau. Mais quel homme ! Mais voyez-vous, je n'ai aucune énergie pour être jaloux plus que ce frémissement intérieur. Je me contente de hausser les épaules en acquiesçant —oui, ce serait bien. Je ne nie pas que ça manque de confort et je comprends qu'elle aspire à mieux que se laver au canal. Moi, je vis au jour le jour comme ça, j'ai connu si ce n'est pire au moins aussi spartiate et je m'en contente. Je fronce les sourcils —mais tu sais que le bricolage et moi... En gros ça va pas être simple parce que je ne sais faire que du bricolage basique de survie. Genre des tranchées ou des palissades. J'imagine que je devrais apprendre sur le tas en espérant que ça nous pète pas à la gueule. —Comment ça fonctionne ? Avec une réserve ou il pompe l'eau du canal ou d'un des réservoirs ?

Au canal, je m'assieds sur le béton comme toujours, pour pouvoir enlever mes rangers sans risquer de poser le pied sur une saloperie de bestiole. Vient ensuite mon tee-shirt dans lequel j'enroule le glock pour le poser - accessible - près du bord. Ce sont des gestes récurrents, nouvelles habitudes déjà ancrées. Je défais rapidement mon pantalon, me débarrasse de mes chaussettes et de mon caleçon pour glisser aussitôt dans l'eau.

Je grimace quand l'eau recouvre mon pansement, évitant quand même de couiner comme une chochotte. Je plonge directement la tête sous l'eau pour ressortir aussitôt, gardant de l'eau aux épaules. Je barbote au bord avant de prendre le shampoing pour me frotter la tête. Nos ébats de la veille et la nuit brulante s'effacent dans la fraicheur relative de l'eau. Mais qu'est-ce que c'est agréable à cette heure ci ! Je regarde Nina d'un air amusé et attendri, parce qu'elle a mis son chapeau. Elle est encore rouge de la veille. —on s'arrête à la pharmacie quand on sera en ville. En espérant qu'on aura assez de thunes pour tout ça ! Kovács faudrait bien que tu bosses un peu ou que tu dégotes de l'argent, ça s'trouve pas sous le sabot d'un cheval.

Je n'ai pas dit à Slavenko que Matt avait proposé de nous trouver un générateur et de nous prêter l'argent pour l'acheter, étant donné que j'ai refusé son offre pour ne pas avoir de dettes, ça ne me paraît pas nécessaire de le préciser. Et puis pour le moment, Matt vit dans un endroit bien plus spartiate que le nôtre encore, il n'a même pas de toit au-dessus de la tête, ni de murs autour de lui. Non, à la limite l'habitation qui m'impressionne, c'est celle de la nana à qui j'ai acheté le chapeau et l'attrape-rêves, il faudrait que j'y emmène Slavenko juste pour qu'il voit à quoi ça ressemble. Je fantasme aussi sur l'idée d'un bunker, depuis qu'il m'a dit qu'Alyosha et Niilo vivaient dans un truc comme ça... Non, il a une réserve. On en a parlé mais lui aussi ça lui semble compliqué d'aller pomper l'eau du canal... Je ne dis pas que c'est impossible, seulement c'est le genre de truc qui me paraît difficile à bricoler. Il faut faire de vrais travaux je pense pour avoir l'eau courante ici, et à mon avis ça coûte une blinde.

Mon déshabillage est bien plus rapide que le sien mais je prends le temps de l'observer, un sourire aux lèvres parce qu'il est beau, quoiqu'il en dise. Je retire seulement mes sandales et mon poncho et je le rejoins dans l'eau, retirant aussi mon chapeau pour pouvoir me laver les cheveux. D'abord, j'entreprends quand même de me savonner pour faire partir la sueur. Oui, si tu veux. Tu sais je crois qu'il faudrait que je trouve autre chose à faire, en plus du boulot de barmaid... Je sais pas trop ce que je peux trouver dans le coin... Mais merde, j'ai des compétences qui pourraient servir et nous rapporter un peu plus de thunes que ce salaire trop maigre. Trop maigre quand on part de zéro, en tout cas, on a tout à acheter, c'est pour ça que l'argent part si vite. Je plonge la tête sous l'eau avant de m'approcher de lui pour lui piquer la bouteille de shampoing. Avant j'aurais sans doute papillonné des cils pour qu'il me lave les cheveux, mais je suis moins capricieuse aujourd'hui et je m'en charge moi-même.

—un camping car, c'est ça qu'il nous faudrait. Comme les snowbirds. Mais ça, c'est plus que compliqué de s'en accaparer un (soyons sérieux, je ne parle même pas d'en acheter un !) c'est un coup à avoir les flics sur le dos, et donc les autres campeurs qui ne veulent pas voir les flics trainer ici. —'fin un système comme un camping car, une pompe qui remplit une réserve. Je ne sais pas trop comment ça pourrait marcher. —p'tre qu'à la biblio ils ont des bouquins de bricolage, j'demanderais au P'tit Prince.

Je lève les yeux vers Nina en stoppant mon shampouinage au risque d'avoir du savon dans les yeux. Le désarroi se lit sur mon visage —un autre taf ? Mais...tu taffes déjà assez... De un, je n'ai pas envie qu'elle s'épuise et de deux on vient juste de retrouver un rythme où on se voit - ce qui nous a permit de nous retrouver - et la nouvelle me fait me sentir orphelin, comme j'allais de nouveau resté livré à moi-même. Soucieux, je lui cède la bouteille de shampoing sans faire d'histoire. Avoir été blessé n'arrange pas nos affaires —je vais refaire des passages, ça ira.

Je grimace. Ouais, on trouvera jamais de camping-car en état de marche à la décharge, et ceux qui en possèdent un le surveillent bien... Puis voler un camping-car ici ce serait le meilleur moyen de se foutre tous les campeurs à dos ! Autant dire que c'est une très mauvaise idée, le seul moyen d'en avoir un serait de l'acheter, mais on n'aura jamais les moyens pour ça. C'est que ça coûte une blinde ces conneries ! Le russe tu crois qu'il a une douche dans son bunker ? Non mais sérieux, ça devait bien être aménagé ces trucs-là après tout, je ne sais pas quelle taille ils font mais... Enfin j'ai visité un bunker une fois dans ma vie, à l'école, et c'était absolument immense. Mais je doute que ce soit la même chose ici, en plein milieu du désert. En fait j'en sais foutrement rien, c'est Slavenko l'expert en trucs militaires, pas moi !

L'inquiétude que je lis sur ses traits me fait de la peine et j'approche encore de lui en secouant doucement la tête. Slavo... Je soupire, cherche mes mots pour ne pas le blesser. Je sais pas si c'est une bonne idée que t'y retournes... Il va croire que je n'ai plus confiance en lui pour se protéger et vous savez quoi ? Ça m'est égal, je m'inquiète trop pour lui, je n'ai pas envie de ménager son ego si ça doit lui coûter la vie. T'as toujours fait des boulots dangereux, je sais, j'y suis habituée mais là... J'veux dire si cette fille a pu te trouver là-bas, ça veut dire que quelqu'un d'autre pourrait te trouver... C'est ça qui me fait peur, on nous a trouvés. Ca tourne en boucle dans mon esprit, je ne sais pas pourquoi on n'a pas encore quitté le continent ! C'est loin la frontière... T'aurais pu... T'aurais pu jamais revenir... Je n'étais pas au courant, il n'a pas pu me joindre, si les choses avaient plus mal tourné encore il ne serait simplement pas rentré et je n'aurais jamais su pourquoi. Je n'aurais rien pu faire pour l'aider et ça me rend malade.

—Alyosha ? Oh oui, j'en suis sur ! Il était frais comme un gardon à la laverie. Ils nous ont invité à aller boire un verre chez eux - de la vodka - on ira si tu veux et tu prendras ta serviette ! Il dit que d'ici quelques temps, on sera assez connu pour être au courant des opportunités et chopper un Bunker Je grimace, je ne suis pas du tout sur d'avoir envie d'être connu, je suis même sur du contraire. Et je ne sais pas, p'tre qu'une maison ça serait mieux aussi. Elle avait parlé d'une maison il y a quelques temps.

—hé ça va aller ! Faut bien que je taffe aussi et qu'est-ce que tu veux que je fasse d'autre ? J'ai déjà de la chance d'avoir trouvé ça alors que personne ne pouvait me recommander. Je hausse les épaules, je n'ai aucune autre compétence utile et vu ma dégaine, personne ne m'embauchera. Quoique je pourrais bosser au black dans le bâtiment, ils ne poseraient pas trop de question et au moins j'apprendrais à bricoler, ha ha...humfffffff... par contre ce sera forcément plus mal payé, et déjà que je gagne pas masse.

—Écoute, ici aussi on aurait pu me trouver, c'est juste pas de chance. La fille est du coin, forcément elle connait et ça c'est pas si mal passé au final La preuve je suis ici et vivant. Je sens l'inquiétude de Nina, palpable. Je prends son visage en coupe pour un mensonge, on sait tous les deux que c'est un mensonge pour se rassurer. Je plonge mon regard dans le sien, essaye de la rassurer —tu sais bien que je reviendrais vers toi, toujours. En tout cas, je ferais tout pour.

J'écarquille les yeux. C'est vrai, tu crois qu'on pourrait trouver un bunker ? Un bunker avec une douche ?! Ce serait tellement bien ! Contrairement à ce qu'il pense j'ai abandonné l'idée d'une maison parce qu'il m'a fait comprendre qu'il ne voulait pas aller vivre en ville, or on n'aura jamais de maison sur le campement. Je me sens fébrile soudain, trop enthousiaste sans doute pour que ce ne soit pas dangereux. L'espoir, c'est terriblement dangereux. Ce serait génial, un bunker ! Pas de bestioles, il y fait bien moins chaud, on aurait de l'eau et puis on serait... Ce serait plus sécurisant que le van. Je n'ose pas dire qu'on serait à l'abri, j'ai compris qu'on ne l'était nulle part, mais presque ! Et puis ça s'aménage ! Tu sais maintenant ils font plein d'émissions de télé où ils redécorent des baraques ou bien ils habitent dans des lieux insolites... Je suis sûre que même un bunker ça pourrait devenir super comme habitation. Ouais ouais, il faut du fric mais laissez-moi rêver cinq secondes, pitié.

Malheureusement la suite de la conversation me voit devenir bien plus grave. Je hausse les épaules, il y a plein d'autres choses qu'il pourrait faire. Bosser dans un bar par exemple, on se forme assez rapidement à ce genre de choses. Et puis la ville n'est pas loin, ils cherchent forcément du monde, j'en sais rien moi, à la poste ou dans un magasin, peu importe. Il encadre mon visage de ses mains et je fronce les sourcils, son regard sur moi me rend bien trop vulnérable. Je sais pas ce que je deviendrais si tu revenais pas... Ce n'est pas du chantage, je sais bien qu'il ne partirait pas de son plein-gré, c'est seulement un fait. Je ne pourrais pas me foutre en l'air, parce que j'aurais toujours cet espoir qu'il soit vivant quelque part... Alors quoi, je passerais le reste de ma vie à le chercher ? Je soupire, je sais que je vais juste le contaminer avec mes angoisses et que ça ne sert à rien, alors je pose mon front contre le sien. Faut que tu fasses attention à toi... Je glisse une main sur son torse, tout doucement. Et que tu te soignes avant de retourner bosser... Que tu attendes d'avoir bien cicatrisé... D'accord ?

Son enthousiasme est touchant, attendrissant et flippant. Je lui ai dit avoir déjà peur pour le van, mais si on s'installe, si on possède des choses, si on devient visible. Mais d'un autre côté, elle a raison, on ne peut pas se contenter d'être des fantômes. Je pourrais si j'étais seul, mais avec Nina, c'est différent, je veux aussi une vraie vie à nous. Et un bébé. Paradoxalement maintenant qu'on m'a arraché ce rêve dont je n'ai longtemps pas voulu, et bien je le veux avec toute la force de mon entêtement slave.

Je répète avec un doux entêtement —mais je suis revenu. Je sais qu'elle a eu très peur parce que je suis du coup rentré très tard, plus tard que je n'aurais du et qu'elle a eu le temps de se faire mille scénarios catastrophes. Elle n'a pas pu imaginer que je m'étais bourré la gueule en oubliant de l'appeler, ça non, vu ma sauvagerie d'en ce moment, elle sait très bien que j'irais pas trainer, que je reviens aussitôt vers elle et ce qui nous sert de maison.

—je t'aime Nina, et je fais attention. C'est rien, c'est recousu. Sauf que ça cicatrise mal, à cause de l'eau, de la sueur, du manque d'hygiène mais je ne veux pas qu'elle s'inquiète pour moi. Je me débrouille pour ce genre de choses, et on a besoin de fric. Je ne peux pas revendre mon sang avant au moins une semaine et j'ai vendu tout ce que je ne voulais pas garder des fringues (les pantalons et la paire de basket) pour ma surprise d'hier alors je n'ai pas le choix, quand bien même le boulot me déplait. ce qui me déplait plus, c'est de ne rien pouvoir lui offrir pour la choyer, pour qu'elle soit mieux. —j'ai pas du tout l'intention de te laisser Zlato, tu vas devoir encore me supporter longtemps. Je caresse son menton tendrement, ses joues, avant de prendre un baiser langoureux sur sa bouche à la moue boudeuse et triste. —volim te, tako te volim ! Bien plus que ma vie.