Enjoy the Silence - Slavina

Je m’en veux de mes réactions excessives, on n’a vraiment pas besoin de ça en ce moment, mais il n’a pas l’air de m’en vouloir. Et d’un autre côté, flipper pour quelque chose comme une araignée, c’est une impression (dangereuse et étrange, certes) de normalité. Parce que quand j’étais entre les mains de Logan, il aurait pu me coller une mygale sous le pif que je n’aurais pas bronché, je crois. J’ai eu peur, vraiment peur, de subir la même chose que lorsque les membres du gang m’ont enlevée. Mais ça n’avait rien de semblable, cette fois. Logan m’a frappée, mais pas au point de m’éclater la rate -que je n’ai plus de toute façon- et les jeux auxquels il s’est adonné avec moi étaient bien différents de ce qu’il faisait avec Slavenko. Le traumatisme né de la Nouvelle-Orléans et que j’ai mis si longtemps à guérir a ressurgi avec une force affolante, décuplée, et c’est quand même en ça qu’on voit que ma relation avec le slave est vraiment particulière. Parce que ça semble rien, il n’empêche que je recherche encore son contact, sa chaleur, que je l’ai laissé m’embrasser, que la sensation de sa main dans la mienne me fait du bien… Alors que si ce n’était pas lui, si on n’avait pas vécu tout ça ensemble, je serais incapable de le laisser ne serait-ce que m’effleurer par inadvertance. Toutes les épreuves traversées n’ont fait que renforcer cette sensation déjà très présente qu’il est moja duša, je suis redevenue un animal apeuré, farouche, mais j’ai toujours besoin de lui. J’ai toujours envie d’être près de lui.

Je baisse les yeux sur nos mains enlacées, le geste me réchauffe de l’intérieur d’une façon délicieuse et j’esquisse un sourire désolé en appuyant un peu plus fort ma joue contre son épaule. Des moustiquaires, c’est une bonne idée. Et puis les araignées ne sont pas les seules choses que l’on doit craindre dans le coin, alors ça peut toujours servir. En attendant qu’on en trouve, je dormirais dans le van… Dans la tente. Je lance dans un sourire un peu plus franc, tentant une plaisanterie pour détendre l’atmosphère, je m’en veux de lui avoir fait peur.

Je plisse le nez en secouant légèrement la tête. Je crois pas que ça se dise, non. On installera des araignaires. Rien que le mot est hideux, mais ça me fait doucement sourire. C’est tout nouveau qu’on parle autant, déjà qu’on n’a jamais été le couple le plus bavard qui soit ! Hier nos tentatives de discussion n’ont pas été si concluantes, mais j’ai l’impression que ça va un peu mieux ce soir encore. A moi aussi, la tendresse et la complicité entre nous me manquent cruellement. Ce n’est pas grand chose et pourtant le fait qu’on parvienne à discuter, au moins un peu, qu’il parle de chasser les araignées pour que je n’ai pas peur, tout ça me fait un bien fou. Et qu’il m’ait appelée srce tout à l’heure, même si c’était dans son sommeil, m’a complètement retournée.

Cette fois je ne proteste pas quand il me demande d’aller me coucher. D’une part parce que je suis fatiguée, en plus parce que je pense que je n’oserais plus rien toucher maintenant qu’il fait nuit. Je secoue doucement la tête dans un sourire. Non, garde-le. J’ai toujours confiance en lui pour veiller sur moi, il n’aurait rien pu faire contre Logan et ses hommes, ils étaient trop nombreux, trop armés. Je sais aujourd’hui que nous ne sommes à l’abri nulle part, mais à aucun moment je n’ai pensé que Slavenko n’était pas capable de me protéger. Ca va bientôt faire deux ans qu’il me protège de tout, constamment, qu’il veille sur moi, qu’il me venge, qu’il me sauve aussi. On a tout perdu mais je suis encore en vie, grâce à l’intervention de Goran, donc d’une certaine façon grâce à lui. Viens te coucher avant que je me lève quand même… Qu’on dorme encore un peu ensemble, rien qu’un peu, notre rapprochement tout à l’heure sous la tente m’a de nouveau donné envie de ses bras. Je me lève docilement pour aller dormir sans lui, troquant ma robe contre son tee-shirt, et je referme soigneusement la moustiquaire en m’allongeant sur le plaid. Etrangement je suis sereine malgré tout, parce que je l’entends qui bosse dehors, je sais qu’il est à l’affût et même si je ne relâche pas ma garde, au moins je peux fermer les yeux et laisser le sommeil venir à moi.

Il me faut quelques heures à somnoler avant de sombrer réellement dans le sommeil, ce qui ne m’arrive que rarement. C’est très égoïste une fois de plus mais je sais que je n’y parviens que parce que Slavenko est là, pas loin, et si je ne dis pas que je ne risque rien, je sais en tout cas que je suis plus en sécurité que je ne l’ai été chaque nuit ces quinze derniers jours. Je me repose bien plus que tout à l’heure, parce que contrairement à lui je n’ai pas vraiment dormi, j’étais trop occupée à redécouvrir doucement sa peau, trop focalisée sur ses réactions. Ce n’est que le bruit de la fermeture éclair de la moustiquaire qui me tire de ma somnolence, mais je n’ai pas le temps de m’inquiéter réellement parce que le son de sa voix me parvient et m’apaise. Même dans le sommeil, je la reconnais. Je n’ouvre même pas les yeux, mon corps venant instinctivement chercher la chaleur du sien lorsqu’il s’allonge à côté de moi. Je roule sur le flanc, mes bras repliés emprisonnés entre nos corps quand je viens me serrer contre lui. Le nez contre son tee-shirt pourtant moite de sueur, je crois que je dors encore mieux, bercée par son odeur.

Ici pas besoin de réveil, le soleil finit toujours par cogner trop fort sur la tente et la chaleur devient si étouffante que je suis sûre de me réveiller bien avant qu’il ne soit l’heure pour moi d’aller bosser. Cette fois ne déroge pas à la règle, la différence c’est que je frotte mon visage contre le torse du slave pour lutter encore un peu. Je n’ai pas eu ce genre de gestes pour lui depuis une éternité. Il me faut d’ailleurs quelques minutes pour me rappeler d’où nous sommes, pour que la réalité de nos vies ne me revienne, et je m’écarte de lui dans un soupir. Je me redresse, frotte mes yeux endormis et m’étire un peu. Je vais y aller plus tôt, essayer de parler à Queenie. Elle est toujours là très tôt, elle profite qu’il y ait peu de monde -voire personne- pour faire ses comptes. Après une hésitation, je me penche et risque un baiser sur sa joue avant de sortir de la tente.