Under a sky full of stars - Slavina

C’est plus facile pour moi si je n’ai à me soucier que des sensations que je suscite chez elle, et non pas aussi des miennes qui me perturbent. Alors j’aime autant qu’elle ne me touche pas, pour éviter que sous l’afflux de désir, je ne précipite les choses. Comme ça, je retrouve le contrôle, ce contrôle dont on m’a privé dans la douleur durant trois jours. C’est bénéfique pour moi de me sentir maître de mes moyens. Pour autant, je suis très attentif à Nina, à ses réactions même les plus infimes. Mon nez s’écrase contre sa peau et je la hume, avide d’y sentir nos odeurs mêlées mais sans retrouver la sensation. Nina se cambre un peu plus fort et le sang afflue plus rapidement, mon pouls s’accélérant. Je dois prendre sur moi pour me retenir et ne pas aller trop vite. Je pétris doucement ses fesses de mes mains, les pressant et les malaxant avec volupté, envoûté par la vue des globes crémeux. Je les pique de baisers, parcourant la marque du bronzage d’un trait de ma langue. Mes mains se font plus pesantes, plus possessives et j’écarte lentement les globes pour ensuite les ramener l’un vers l’autre, la laissant apprivoiser la sensation et les peurs qui en découlent. Je grignote sa peau, et puis quand je la sens un peu plus détendue grâce au désir, je glisse ma langue dans l’interstice pour la mouiller, ne m’attardant pourtant pas. Je me recule un peu et flatte son corps pour la récompenser de braver ses appréhensions “ti si lepa…” Je caresse ses reins, encore une fois ses fesses avant de lui demander. “Tu veux bien écarter les jambes ?” Mon ton est loin d’être autoritaire comme il a pu l'être autrefois, il est plus suave, persuasif aussi. “Tu peux te mettre sur le dos si tu préfères.”

Je m’écarte juste assez pour la laisser se tourner et s’installer comme elle le veut, plus confortablement, dans une position qui lui l’effraye moins ou lui plait mieux. Je lève les yeux vers elle quand elle me touche, sa main qui fouille mes cheveux, j’embrasse le poignet de son bras qui s’agrippe à mon épaule. Ma bouche se pose sur son ventre et j’attends qu’elle écarte assez les jambes pour que je puisse venir entre. Je replie une de ces jambes et la pousse irrésistiblement - avec douceur - sur le côté pour le laisser le libre accès à son corps. Je ne m’intéresse pourtant pas tout de suite à son sexe offert, mais je louvoie savamment autour par des baisers mouillés. Ma main s’est posée sur la jonction de sa cuisse et de son sexe comme pour le souligner. Proche pour que j’espère qu’elle désire la suite, même si elle l’appréhende. Je crois qu’il n’y a que la force du désir qui pourra vaincre nos appréhensions. Je tête un bout de ventre, le marque un peu plus fort d’un suçon insistant en ronronnant “ti si moja” Ces marques là, celles que moi je fais la proclame mienne envers et contre tout. J’attends que son bassin se soulève imperceptiblement, que sa main s’accroche plus fort à moi, m’attire plus près d’elle avant de poser ma bouche sur les chairs que je dénude. Je la mouille de ma langue, chaude, douce, avec attention et patience. Tandis que je sens son plaisir monter, je glisse un pouce pour masser l’entrée de son sexe, caresse plus intime qui vient soutenir l’oeuvre de ma langue. Je l’introduis lentement en elle, imperceptiblement, sans jamais forcer, la laissant m’absorber peu à peu. Je ne prendrais pas plus de précautions si elle était vierge. Elle est mouillée de désir et ça me réconforte de savoir qu’elle ne se force pas pour vaincre ses barrières, je n’ai pas envie de ça, j’ai envie qu’elle soit en totale confiance et que le plaisir supplante totalement la peur. Je ne cherche pas à la faire jouir, seulement à entretenir le plaisir, à faire monter le désir aussi. Le mien me ceint les reins, me tend plus dur alors que je suis agenouillé entre ses cuisses à lui distiller du plaisir. J’imprime très doucement un mouvement de va et vient de mon pouce en elle, la mouillant de ma langue en renfort, attendant ses réactions pour juger de notre capacité à continuer ou pas. Dieux que j’ai envie d’elle, mais certainement pas au prix de la peur.

Je suis tellement concentré sur elle que j’oublie l’inconfort du désir trop intense mais aussi de toutes ces angoisses et réticences qui y sont associées, et de cette haine, de cette volonté inconsciente de punir mon corps. Soudain, il ne m’appartient à nouveau plus, mais ce n’est pas grave puisque c’est Nina qui en est la maîtresse. Les choses retrouvent leurs places légitimes et je respire bien mieux, un poids envolé de mes épaules. J’aime la musique de ses gémissement et l’appel de sa voix rauque me fait vibrer. J’obéis aussitôt avec docilité, fébrilité également. Je remonte pour venir chercher sa bouche dans un gémissement douloureux, je m’écrase sur elle, mon poids sur son corps alors que j’offre ma nuque à ses mains, dans un mouvement d’appartenance, tête légèrement penchée. Son sexe appuie, mouillé, contre mon ventre, et ma queue palpite furieusement contre sa cuisse. On est si proche que je ne réfléchis plus très clairement. Il n’y a plus que le désir et sa peau, sa chaleur, sa langue qui joue avec la mienne, à me couper le souffle. Je suis haletant contre elle, stressé mais avec une telle envie que ça relègue la crainte en second plan. Je balbutie son nom entre deux baisers “Nina, Nina…” Instinctivement, je remonte pour me voûter sur elle, mon sexe trouvant le sien pour une poussée douce et lente, dans un gémissement expirant. La vague de plaisir qui me submerge flashe mon esprit, et je crois bien que mon coeur va jaillir de ma poitrine alors que je me loge en elle.

C’est fou l’intensité qui me submerge à me couper le souffle, sensations et émotions bien trop fortes et je crois que si je ne pense plus c’est simplement parce que mon esprit n’y résisterait pas. Je deviendrais fou. Je dois quitter sa bouche pour enfouir mon visage dans son cou alors que nos corps s’accordent dès qu’elle enroule sa jambe contre moi. Mes coups de reins sont soudain nettement moins hésitants, allant chercher le plaisir qui grimpe avec une fulgurance dévastatrice que je serais bien incapable de chercher à retenir, je crois que c’est mon corps qui me contrôle, et non l’inverse ! Les larmes roulent sur mes joues, décharges obligées aux émotions et j’ai un son qui tient plus du sanglot que du cri quand l’orgasme m’emporte. Ca ne m’était jamais arrivé mais je ne résiste pas à l’effondrement brutal de toutes mes barrières. La mise à nu est douloureuse, et je me sens comme un écorché vif au milieu de ce tourbillon. Je bascule sur le côté, me love contre Nina en tremblant comme une feuille, rendu muet par le choc. Franchement, je ne pensais pas qu’on se retrouverait si vite, mais c’est une bonne chose de ne pas avoir laissé l’hésitation s’installer et nos appréhensions prendre le dessus. J’oscille entre extase et angoisse, amour passionnel et paranoïa qui vire à la crainte. Je pense au glock à moins d’un mètre de moi, tends l’oreille mais il n’y a pas d’autres bruits que nos souffles rauques et précipités. La respiration saccadée entrecoupée de sanglots, je referme mes bras fermement autour de Nina, pour m’accrocher à elle, à nous, pour essayer de reprendre pied quand j’ai l’impression de me déliter dans la folie, sensation très dérangeante. Mes larmes trempent sa peau et je refuse formellement de décoller mon visage de son giron avant d’être calmé ! Je redoute les questions et la pitié plus que tout.

Je la serre contre moi avec ce mélange de désespoir et à l’inverse d’espoir extrême (qui est encore plus terrifiant). Ses pleurs calment mystérieusement les miens, sans doute parce que mon attention est détournée de ma petite personne vers la personne qui compte plus que tout au monde, elle. Mes larmes se tarissent, je les ravale et j’ose sortir la tête de son giron pour me jeter contre sa bouche, les yeux clos. Puis j’embrasse ses joues, ses paupières, encore sa bouche, le tout en silence, mes mains encadrant son visage. Je glisse mes doigts dans les mèches emmêlées de ses cheveux, les lisse amoureusement vers l’arrière avec un soin méticuleux. Il faut de longues minutes de patience pour la tornade d’émotions se calme, que j’arrive à démêler le canevas embrouillé de ce que j’éprouve, qu’il ne reste plus que ce merveilleux sentiment d’amour et de plénitude, de cette joie sereine d’être avec elle. Je l’embrasse à nouveau, plus langoureusement, soupirant de plaisir et de tendresse. Je teste ma voix en chuchotant “je t’aime toi, moj andjeo, moj andjeo malo” Soudain l’avenir ne me semble plus si noir, non plus que le présent. Après tout nous sommes ensemble, et nous avons un endroit où nous réfugier - je ne vais pas dire une maison, ce serait exagérer, mais un chez-nous, c’est déjà pas si mal. En tout cas par rapport à il y a quatre ou cinq jours, c’est une sacrée amélioration ! En fait, la décharge d’endorphines suivi de celles des larmes a été libératrice ! Je me sens infiniment mieux, au moins avec elle, dans l’intimité. Ma main courre amoureusement sur sa peau, tendrement. “Je t’aime, volim te, je t’aime…”

Je la ramène contre moi, esquisse de geste quand elle se niche, pour lui signifier que je suis là, qu’elle peut malgré tout encore compter sur moi malgré mes limites, et mes failles. Je ne suis peut-être pas capable de la protéger de tout, mais je peux au moins la consoler, la cajoler, prendre soin d’elle si on me laisse faire. Je ne comprends pas vraiment quand elle dit que je lui ai manqué, je ne fais pas le lien avec ces jours de “zombification” - peut-être parce que je n’en suis pas tout à fait sorti, il y a des blessures qui vont mettre du temps à cicatriser. Pourtant, j’ai un nouvel élan, une énergie qui me permet de voir une lueur quand je ne voyais qu’un avenir sombre et éteint. Je souris à sa phrase, mon regard se plisse tendre et indulgent, parce que je suis dans le même état où m’éloigner d’elle me semble impossible. “Non ? Même pas pour aller danser au Boyuyu ?” Je sais que pour sa première soirée de congé, ça lui ferait du bien de sortir, de voir ses amis, de rire peut-être aussi. Je ne rêve que de l’entendre rire encore.

Le drap s’est entortillé autour de mes jambes et j’ai chaud, je m’écarte un peu pour me redresser et virer le tissu avant de ramper à moitié pour chopper la bouteille d’eau. J’en avale un bon quart avant de la donner à Nina. Je m’assieds, tire le drap vers moi maladroitement. Je suis encore mal à l’aise avec ma nudité, même après ça. C’est un problème entre moi et mon corps, pas tellement entre moi et Nina. Je redresse les coussins pour les caler dans mon dos et offrir ainsi mon corps en coussin géant, comme autrefois. Je la laisse s’installer entre mes jambes écartées, mon torse en dossier. Ainsi, je peux chatouiller son cou, ou poser mes mains croisées sur son ventre. Comme ça elle est à moi et j’ai un sourire à cette pensée. On a encore le temps d’émerger tranquillement, et de se remettre de nos émotions avant d’aller au bar. “Est-ce qu’on peut manger là-bas ou on mange ici ?” C’est que l’appétit revient avec le fait que je me sente mieux et avec l’exercice physique ! Et puis, j’ai encore envie de son contact contre ma peau et de ses baisers, avant toute autre chose.

Elle peut rester dans mes bras tant qu’elle veut. Simplement, quand nous sommes dehors, je suis perpétuellement à l'affût, sauf tout à l’heure au canal si j’y réfléchis bien. D’ailleurs, c’était mal de ne pas être sur mes gardes. J’ai une moue dubitative. Je sais que je vais devoir lâcher du lest, mais je sais aussi dans chaque fibre de mon être que je ne devrais pas. Et la dernière fois que je n’ai pas écouté mon instinct, j’ai laissé Logan vivant. On comprendra que j’ai un peu de mal à lâcher prise depuis. En tout cas, je suis content que l’on puisse manger au Boyuyu. “tu crois qu’on a assez d’argent encore ? Je peux échanger les baskets, je n’en ai pas besoin…Mes rangers me suffisent.” J’ai déjà troqué les chaussures de randonnée pour avoir la guirlande. “Je ramènerais la pelle aussi, je n’en ai plus besoin, je vais passer au marteau maintenant pour finir les palissades. Mais demain soir, j’irais bosser quand même, sinon on va se retrouver sur la paille avant d’avoir fini d’aménager.” Je n’aime pas ce boulot, mais je ne peux pas éternellement me tourner les pouces !

Je la laisse ramener mes mains sur son ventre, vibrant de bonheur au point que j’ai une bouffée d’angoisse brusque que je fais refluer d’un froncement de sourcil. Je grimace quand elle me demande si on va danser. Je ne suis pas sur d’avoir envie de danser une fois qu’on sera là bas et qu’il y aura du monde. Je crains d’être un peu trop paranoïaque pour ça. Je ne veux pas m’engager sur ce terrain là sans savoir. “On verra...je danse pas sur toutes les musiques tu sais !” Je plaisante pour cacher mes vraies réticences. Je ramène nos mains liées sur ses seins, dans un geste taquin, embrassant d’un smack sonore son cou gracile. Moi aussi j’aime nos odeurs mêlées, ça a toujours eu un coté apaisant, dès la première nuit qu’elle a passé entre mes draps. Je lève le nez parce que le piège à rêve danse au dessus de nous. “C’est efficace je crois …” Ce machin a bien du capturer nos craintes pour qu’on arrive à renouer physiquement.

C’est vrai, je n’avais pas calculé qu’on avait mangé les restes du Queenie, ce qui a un avantage certain. En fait sur moi, je n’ai que dix dollars à tout casser, j’ai négocié le reste à droite à gauche pour des clous, la guirlande (avec les chaussures que j’ai troqué), de l’eau potable...Le reste de l’argent c’est Nina qui l’a puisqu’il s’agit de son salaire du Queenie. De toute façon, il vaut mieux qu’on séparer nos ressources si jamais on devait avoir un problème. Demain soir, j’irais faire un passage. Je suis payé tout de suite après, un fixe sur chaque personne qui traverse avec succès. Certains passeurs se prennent du rab en plus, je le sais. Pas moi, je n’en ai pas la volonté, je vois trop dans leur situation les échos de la notre. C’est une fuite. Pour d’autres raisons que nous sans doute - certains cherchent à atteindre un rêve alors que nous ne fuyons que le cauchemar - mais il y a trop de ressemblance pour que j’arrive à mettre à distance. Alors je me contente du salaire de Machete sans racketter en plus les familles que je transfère. Pour l’instant ça suffit. Le plus cher ici c’est l’eau potable, parce qu’elle est rare, il faut des bouteilles ou un système de filtres pour l’eau courante. On n’a même pas l’eau courante. Jebote, j’ai oublié de remplir nos jerricans… “ok super, alors on mangera là-bas ce soir, si tu m’invites !” Je fais une moue brusque et demande par plaisanterie “Attend, qui cuisine ?” Je me souviens quand Sly était venu manger à l’appartement dans le Bronx, le dessert qu’il avait fait, c’était très bon.

“Hum ma Princeza veut des cadeaux ? Ah ! C’est le problème d’avoir épousé une Princeza, c’est très exigeant ! “ Je souris en venant déposer un baiser sur l’angle de sa mâchoire. Exigeante, elle ne l’est pas, on en est très loin. Elle est venue avec moi s’enterrer dans ce trou perdu. Je peux difficilement lui reprocher d’aspirer à mieux que ça, à mieux qu’une tente miteuse posée dans la poussière du désert. Bon avec le van c’est un peu mieux. “Tu sais qu’il fait trop chaud pour se couvrir ?” Je me colle à son dos moite de sueur qui se mêle à la mienne et mes mains se font plus douces sur ses seins. Je pose mon front contre son épaule dans ce geste très câlin que je n’ai que pour elle. “Si tu veux, on peut aussi trouver d’autres tentures du genre de celles de Sly, tu lui demanderas où il les as eues…” J’ai peur que l’intimité du van ne soit trompeuse, comme l’était celle du Chalet, c’est ce qui m’angoisse le plus, retomber dans le travers de me croire en sécurité sous prétexte qu’on a un toit. Mais en sécurité, on ne le sera plus jamais. Il y aura toujours quelqu’un pour nous vouloir du mal.

Je hausse un sourcil “ça se trouve, ON va devoir faire la bouffe !” rien ne m’étonnerait ici, le lieu est tellement surréaliste que je ne serais pas surpris de me réveiller un matin et d’être à Sarajevo en 1992 ! Sauf qu’il fait beaucoup, beaucoup plus chaud. Peut-être que c’est pour ça que je me suis posé ici, plutôt qu’aller au Mexique, ou d’emmener Nina - je ne sais pas - au Chili ? Ici c’est une zone de non-droits et il y a un côté familier qui me parle. “Toujours ? Non pas toujours…” J’esquisse un sourire, la joue appuyée contre son épaule. Il a fallu que je me batte pour qu’elle soit exigeante avec moi, câline, qu’elle s’abandonne. J’ai du batailler pour qu’elle vive avec moi, pour qu’elle veuille bien que je m’occupe d’elle et la couvre de baisers et de cadeaux. Est-ce que j’ai bien fait ? Est-ce que je n’aurais pas dû la laisser fuir ? Aujourd’hui, elle serait sans doute à l’abri. Mais c’est un peu tard pour se poser ces questions, et je n’ai pas de regrets, j’ai trop besoin d’elle pour ça. Je suis bien trop accro pour ça !

J’ai un rire bas quand elle caresse mes mains “J’ai un diplôme de soutif, t’savais pas ?” Confortable, c’est un bien grand mot pour l’installation encore sommaire où nous dormons, mais avec un matelas ce sera déjà mieux. Si je fais deux ou trois missions et que Nina ramène de la nourriture du Queenie, je pourrais acheter un matelas d’occasion à Niiland par exemple. Avec la voiture, je pourrais aller le chercher. Il faudra juste que je fasse gaffe à pas croiser des flics, ou des hommes de Logan si jamais ils trainent dans le coin. Je me demande s’ils nous cherchent encore ? Si j’étais lui, je penserais qu’on s’est barré au Mexique, c’est quand même le plus logique. C’est pour ça que je fais toujours très attention à Mexicalii où je n’y passe que la nuit. La seule fois où j’y suis allé de jour, c’est avec Nina. En fait ça craint… Je grimace intérieurement, contrarié par la tournure de mes pensées. “Ma Princeza mérite mieux que ça. Et au moins un matelas. Comment veux-tu qu’on fasse l’amour correctement sans se casser le dos ici ?” C’est un peu de la provoc’ juste parce qu’on a franchi un cap. Mais bon, c’était tellement inattendu et rassurant que j’ai bien le droit de m’accrocher à cette petite victoire.

“ha tant mieux, je te regarderais cuisiner femme !” Je préfère essayer de rester léger malgré les pensées sombres qui me traversent sans cesse l’esprit même dans les moments de répit. C’est comme ça, je ne crois pas que ça changera de sitôt, je suis pollué de pensées négatives ou alarmistes. Mais moi aussi je peux donner le change pour éviter de sombrer dans une spirale. “seulement ce critère là ? La taille de … mes mains ?” Je plaisante, le ton rocailleux, grave et teinté d’ironie, embrayant sur sa réponse pour que le lien entre nous revienne plus fort. Comme elle se niche, je lâche ses seins pour l’enlacer, mes bras au dessus des siens, et la serrer plus fort contre moi, malgré la chaleur. Je me suis toujours accommodé de la chaleur tant qu’elle était contre moi. “mouai mais pense que ton mari se fait vieux, srce. Et baiser sans matelas par choix, c’est pas pareil que par obligation. Je te promets que dès qu’on a un matelas, tu pourras choisir l'endroit que tu veux, tiens, le rebord là ou par terre !” Encore une fois, je suis présomptueux, il faudrait déjà qu’on refasse l’amour une fois ! J’ai peur qu’on se contente de soulager le désir une fois de temps en temps quand avant, c’était un besoin viscéral de s’appartenir. Est-ce que les choses ont tellement changé ? Par exemple, je ne sais pas si je pourrais jamais me laisser aller ailleurs que dans le van. Dehors, au canal, ou dans les fourrés, ou les chiottes du Queenie ! Avant rien ne m’aurait dérangé, au contraire. Aujourd’hui, je suis tellement sur la défensive que je ne pourrais pas me laisser aller. J’ai été présomptueux avec Logan, orgueilleux, et le résultat est que Nina en a souffert. C’est quelque chose que je ne me pardonnerais jamais.

Je pique des baisers sur le haut de son dos, humant sa peau dans le même geste pour chasser les pensées importunes qui tournent en boucle et ne résolvent rien. “Tu veux qu’on s’habille et qu’on y aille ? Je vais aller remplir les jerricans de flotte au canal avant qu’il ne fasse trop sombre mais j’en ai pour dix minutes à peine. Comme ça tu pourras te rafraîchir. A moins que tu veuilles m’accompagner pour te tremper vite fait ?”

Je fais mine de répondre à côté de la plaque, le ton toujours moqueur “Oui je sais, je monte très bien les palissades, un vrai manuel ! Roi du bricolage. Mais faut de l’expérience pour ça ma petite dame. Un jeunot n’arriverait pas à faire si bien tu sais.” Est-ce un avertissement pour le type qui la draguait l’autre soir ? Peut-être. Je devrais sans doute la laisser se faire sauver par un preux chevalier plutôt que sombrer avec moi, mais je ne suis pas si altruiste. Pas en restant vivant en tout cas. Si mourir m’avait assuré de sauver Nina, j’aurais accepté ce deal mille fois mais c’est différent si elle part en me laissant en arrière. Est-ce que je serais capable de ça ? Non. Je connais la réponse. J’ai un demi-sourire, le regard sombre à l’idée de la perdre. “Ta tenue est très correcte.” Je me lève et je m’habille avec les vêtements simples et habituels, quoique j’ai triplé ma garde robe avec ce cambriolage ! Un pantalon en toile beige - je le trouve moche mais je ne suis pas là pour un défilé de mode - un tee-shirt vaguement orangé, mes rangers et je descends du van pour m’emparer des jerricans. J’ai bien sur laissé le flingue à Nina, comme toujours.

Il y a encore des gens qui se baignent et je dois un peu plus m’éloigner pour puiser de l’eau, mais ça reste bien plus près qu’avant. Porter les lourds jerricans sur seulement sept cent mètres, sacré confort ! Je prends quelques secondes pour rincer mon visage à l’eau avant de repartir. Le soleil est très bas dans le ciel et la chaleur a cessé de monter, d’être écrasante comme l’après-midi peut l’être. Il faudra encore attendre quelques heures pour que le soleil se couche mais même les nuits sont chaudes, étouffantes, et plus on avance en plein été, pire c’est !

Je reviens au campement et je pose les jerricans près du van en disant à haute voix que je suis de retour, parce que je sais combien moi je peux être parano au moindre bruit ! Je m’éponge le front, mon tee-shirt me collant déjà à la peau de ce simple trajet.

Je suis loin d’être persuadé que quelqu’un d’autre ne ferait pas mieux que moi. Pour prendre soin d’elle en tout cas, depuis le début de notre relation, j’accumule les bourdes et les erreurs, celle-ci nous coûtant très très cher, et pas qu’à nous. Des amis, des proches, ont perdus la vie à cause de moi. C’est aussi pour ça que je ne demanderais jamais l’aide de Camenko ou d’Ornella. Il faut vraiment que d’autres arrêtent de payer mes ardoises. Quant à Nina, est-ce qu’elle le pense vraiment ou est-ce juste pour me soutenir, me rassurer, je ne sais pas. Qu’elle reste avec moi c’est déjà beaucoup, je ne vais pas trop m’interroger et tergiverser avec ça, prenant simplement ce qu’on me donne, le positif est si rare ces derniers temps que je ne fais pas la fine bouche.

J’attends Nina en dehors du van, m’octroyant une clope que je sors avec précaution du paquet que j’ai logé dans ma poche. Je suis en train de taffer calmement quand elle descend, dans une tenue qui la change de son uniforme du Queenie ! La jupe en jean est le premier vêtement véritablement moulant que je lui vois porter, et est bien plus apprêtée que la robe informe dix fois trop grande qu’elle a dû porter des jours durant. Pareil pour le débardeur dont le décolleté attire mon regard sans que je m’en cache cette fois. Je la mate avec une certaine approbation dans le regard et à sa question, je secoue la tête négativement “non, je me suis changé avant…” et avec la chaleur, ça ne sert à rien, le temps d’aller au Boyuyu, je serais de nouveau en nage. Par contre, je récupère le Glock que je glisse à ma ceinture sous le tee-shirt et on peut se rendre vers le… comment appeler ça ? Bar ?

Je change ma clope de main pour pouvoir passer mon bras autour des épaules de Nina. Il ne sera pas dit que je laisse encore planer le doute sur le fait qu’elle est avec moi. Je n’ai plus mon alliance - et pour cause - mais elle est toujours ma femme pour autant. Il faut croire que la jalousie revient avec le sexe !