Home sweet home - Slavina

J’opine doucement, essayant d’assimiler cette information : ça ne lui fait pas mal. Mais j’ai peur de le toucher malgré tout, sans doute parce que je perçois une peur identique chez lui, je sais qu’il a eu peur de me laisser le toucher, quand bien même c’est lui qui me l’a demandé. Je ne trouve pas les mots, pourtant d’ordinaire de nous deux c’est moi la plus bavarde, mais je ne sais pas comment lui dire que je comprends. Je comprends vraiment, parce que je l’ai vécu. Peut-être pas exactement les mêmes tortures, je ne le saurais jamais parce que je sais qu’on n’en parlera pas, mais j’ai été moi aussi entre les mains de bourreaux à l’esprit particulièrement tordu. Peut-être étaient-ils moins créatifs que Logan…

Je tends ma main pour qu’il la mêle à la sienne et je frémis au contact de sa peau chaude sous mes doigts, bien que je n’ose pas les bouger. Oui, ça ne se voit presque plus... J’ai une moue d’excuse en baissant les yeux sur nos mains jointes sur son torse. Pour toi je ne crois pas que toutes les marques partiront… Malheureusement certaines me semblent indélébiles. Les semaines, les mois et les années finiront bien-sûr par les atténuer de beaucoup, mais je ne pense pas qu’elles disparaîtront totalement. Je me mords la langue pour ne pas lui dire que je suis désolée, de n’avoir pas su le protéger, de n’avoir pas pu empêcher Logan de l’atteindre. Je sais que je n’ai pas le droit de dire ces mots-là, parce que je le connais trop bien Slavenko. Il se sent déjà coupable, responsable de ma sécurité, si je laisse entendre que je me sens responsable de la sienne, je crois que je l’achève, ce serait comme remettre en cause sa virilité ou sa capacité à me protéger, pourtant ce n’est pas du tout ce que je veux dire. Mais comme je ne sais pas le dire autrement, je me tais pour l’instant.

Son compliment me fait froncer le nez, rougir légèrement aussi et je me décide enfin à m’approcher de lui. Nos corps entrent en contact, autrement que par seulement nos mains qui se touchent, et je laisse mes pieds toucher les siens, nos souffles se mêler. Je t’aime aussi… Je me penche vers lui pour voler un baiser furtif, à peine effleuré, sur ses lèvres et je finis par murmurer : Je voudrais… Tu crois que tu pourrais me toucher…? Comme je t’ai touché.

Je fronce les sourcils, secouant vivement la tête parce que je crains soudainement de m’être mal exprimée. Non, ça m’ennuie pas, pas du tout, je veux te voir. J’aime te voir. Les marques sur sa peau n’y changent rien, et si elles doivent être indélébiles, alors je veux les apprendre par coeur, de la même façon que j’ai appris tout le reste. Je sais reconnaître son parfum, sa démarche, son goût sous ma langue, l’intonation de sa voix, la moindre expression de son visage. Je connais toutes les cicatrices qu’il arborait déjà lorsque je l’ai rencontré, les moindres imperfections de sa peau, et je ne veux pas perdre ce savoir qui est à mes yeux le plus important, le plus précieux au monde. J’ai besoin de le réapprivoiser, lui tout entier, et je sais que ça prendra du temps mais j’ai la ferme intention d’y passer le reste de ma vie, qu’importe combien de temps elle dure. Je n’aime pas… Savoir que tu as été blessé, mais j’aime toujours autant te voir… Je ne suis pas sûre que mes mots expriment très clairement ce que je ressens, mais j’ai bon espoir de m’améliorer avec le temps. C’est un peu comme si je retrouvais à peine l’usage de la parole depuis quelques jours, en même temps.

Malgré ses tentatives d’humour, je vois bien à sa façon de parler un peu trop qu’il est aussi gêné que moi par ma requête, mais je ne fais pas marche arrière. De la même façon que je veux réapprivoiser sa peau, je voudrais qu’il réapprenne la mienne. Je secoue légèrement la tête, en gardant tout mon sérieux, bien plus grave que lui. Non, je ne veux pas de mot de code… Je n’en ai pas besoin, je n’aurais qu’à lui dire d’arrêter, ou même repousser sa main… Et puis surtout j’ai confiance en lui. Un frisson me parcourt, hérissant ma peau en chair de poule au passage de ses doigts, et si mon souffle se raccourcit, c’est encore gérable pour l’instant. Disons que mes bras ne sont pas les parties de mon corps les plus sensibles et c’est tant mieux. Mes lèvres s’étirent en un mince sourire, et ma main qui était toujours posée sur son torse remonte doucement vers l’angle de sa mâchoire. Toi aussi… Enfin… Je veux dire… Ta façon de me toucher, tes gestes, c’est… doux. Ses mains ne sont pas vraiment douces, plutôt rugueuses en réalité, mais il a toujours eu une façon si particulière de les poser sur ma peau que ses caresses sont les plus douces qu’il m’ait été donné de connaître. Je plonge mon regard dans le sien, et l’appréhension se lit dans mes yeux, mais pas réellement la peur ni l’angoisse.

Son assertion, comme une promesse, me peine parce que je voudrais qu’il ne ressente pas le besoin de le dire. Je sais, je t’assure que je le sais. J’ai confiance en toi… Ti si moja duša… Je l’ai craint par le passé, c’est vrai, mais c’était il y a longtemps déjà, et je suis toujours revenue entre ses bras malgré tout. Avant même tout ça, j’étais déjà convaincue qu’il ne me blesserait plus, pas physiquement en tout cas. Mes craintes ne sont pas rationnelles ou objectives, je sais bien qu’il ne me veut pas de mal, mais ça ne m’empêche pas de redouter le contact malgré tout, comme si la douleur était trop imprégnée sous ma chair. Moi non plus, je ne te ferais jamais de mal… Dieu que nos disputes me paraissent ridicules aujourd’hui, comme notre séparation avant Savannah a perdu de son sens ! Je sais pourtant qu’elle était nécessaire, pour voir éclore tous les projets qu’on a pu faire par la suite, mais à quoi bon puisqu’ils ont tous volé en éclats ?

J’acquiesce en expirant longuement, rassurée qu’il me prévienne parce que oui, ça me permet de ne pas être surprise de ses gestes. Le fait de ne pas avoir à me demander ce qu’il va faire ensuite est reposant, je crois. Vu notre proximité, je ne suis pas mécontente de porter encore mes sous-vêtements. Cela dit j’ai beau savoir qu’il va le faire, le sentir poser ses doigts sur ma poitrine me fait frémir, un rien trop violemment sans doute. Comme lorsqu’il caressait ma gorge, je dois me faire violence pour chasser les images qui voudraient remplacer la douceur de ses mains sur moi, la tendresse de ses gestes. La chaleur qui émane de sa paume se diffuse dans mon ventre, remonte jusqu’à ma poitrine, accélérant les battements de mon coeur. Comme il s’approche de moi, je glisse ma main tout doucement dans ses cheveux, et après quelques secondes, je reviens chercher ses lèvres. Mon baiser est plus voluptueux que tout à l’heure, je prends le temps de presser mon visage contre le sien, de sentir la douceur de sa bouche sous la mienne. Tout bas, le regard brillant, les mains légèrement moites, je demande : Encore… Molim te.

L’entendre me parler serbe me fait du bien. Je sais très bien pourquoi il s’abstient et je sais qu’il voudrait se fondre dans la masse, mais il n’a pas besoin de se cacher avec moi. Nous ne sommes que tous les deux ici, personne ne l’entendra et c’est quelque chose que j’aime trop pour accepter de m’en passer. J’ai la sensation d’un secret entre nous, et nous en avons malheureusement beaucoup, des secrets… Mais justement, celui-ci n’est pas douloureux, il nous rend complices, nous permet de partager quelque chose. Au-delà de ça, le fait qu’il ne nie pas mais qu’au contraire il affirme être toujours mon âme m’apaise profondément. J’ai besoin qu’il sache que malgré toutes les choses qui ont changé, d’autres restent immuables. Mon amour pour lui ne parvient plus à s’exprimer sur le même mode qu’avant, mais il n’en est pas moins fort pour autant, bien au contraire.

Je ne m’attendais pas à ce qu’il me prévienne encore de la trajectoire de sa main, et j’ai le temps de me crisper contre lui à ses mots. Parce que si mes bras étaient des zones assez neutres, je pense qu’on se doute que ce n’est pas vraiment le cas de mes seins ! J’ai l’impression de langues de feu qui suivraient le chemin de ses doigts, sous ma peau, est c’est dingue que de simples effleurements me fassent un tel effet. Je retiens mon souffle, ferme les yeux quelques secondes quand sa paume se pose sur mon sein, et je sais qu’il sent les battements affolés de mon coeur. Je suis bien trop affolée pour rire de sa plaisanterie, mais mon visage s’adoucit malgré tout légèrement, et une nouvelle fois j’opine du chef à ses mots. Avant de bouger sa main, pourtant, je tends la mienne vers l’arrière pour accrocher l’agrafe de mon soutien-gorge. Mes doigts tremblent un peu, ce qui rend la tâche plus difficile, mais je parviens à la défaire malgré tout, et je m’écarte de lui juste une seconde pour retirer le sous-vêtement. Je reviens contre lui, me pressant contre son torse, dissimulant au passage ma poitrine à sa vue pour le moment, on va tâcher d’y aller par étape. Quand mon souffle s’apaise plus ou moins, alors seulement je prends sa main dans la mienne pour la poser sur ma peau. Je glisse nos doigts emmêlés sur mon flanc, et je descends lentement le long de mon ventre avant de passer dans mon dos, abandonnant sa main à la lisière de ma culotte, juste au-dessus des fesses.

Ses tentatives d’humour finissent par porter leurs fruits, dissipant un peu le malaise évident et je secoue doucement la tête dans un sourire. J’ai l’intention de me remplumer, c’est promis. Je serais bien trop triste de le décevoir ! À sa question, j’abandonne ses cheveux pour glisser ma main le long de son dos en une caresse plus appuyée. Tu as un peu maigri, oui, mais toi aussi, tu vas te remplumer… Je te ramènerais à manger du Queenie, tu verras, ça attisera plus ton appétit que la salade en boîte. Je ne veux pas prendre ça à la légère, mais je ne crois pas que dramatiser la situation nous soit d’une grande aide non plus. Je déplace doucement ma main sur son flanc, en veillant à éviter les cicatrices plus profondes qui doivent donc être plus sensibles. Je la pose seulement, immobile.

Ses caresses sont loin de me laisser indifférente. Si elles déclenchent au départ des bouffée d'angoisse, elles se transforment rapidement en autre chose, mélange d'émotions étranges que je ne parviens pas à analyser. Sans doute parce que j’ai peur de réaliser que tout désir n’est peut-être pas mort, finalement. Si, tu as raison, on devrait dormir. Pour appuyer mes propos, je m’approche encore de lui, me nichant entre ses bras, mes seins contre son torse, son bassin contre mon ventre. On reste comme ça, tu veux bien ? Nos câlins m’ont terriblement manqué et j’ai envie de profiter du fait que je parviens finalement à être presque nue dans ses bras sans paniquer. Vous n’imaginez pas à quel point je suis étonnée de ne pas m'être mise à pleurer, moi qui suis pourtant si encline aux larmes, je n’en ai même pas éprouvé l’envie. Slavenko a toujours su m’apprivoiser de toute façon, m’apaiser aussi, et ça n’a visiblement pas changé. Je frotte doucement mon nez contre son torse et souffle un ton plus bas : Je suis bien contre toi… Et j’aime tes caresses, mon amour. Puisque les mots tendres sont revenus dans sa bouche, je les autorise enfin à passer mes lèvres.

Son enthousiasme quant à la cuisine du Queenie me fait sourire et je prends note de ses préférences, j’ai la ferme intention de soudoyer le chef et même d'en faire mon meilleur ami s'il le faut pour qu’il accepte de cuisiner les plats que Slavenko préfère. Ce n'est pas de la grande gastronomie, mais la plupart du temps c’est quand même foutrement bon, tout dépend de qui cuisine, ils sont plusieurs à tourner sur la journée et la semaine, forcément. Après je peux aussi simplement commander ce que je veux, ce sera déduit de mon salaire, voilà tout. Avec tout ce qu’on a volé, je peux me permettre de faire un peu moins attention. Un hamburger Queen size, mh ? Je verrais ce que je peux faire. Je promets dans un sourire, avant de me blottir dans ses bras.

Comme il veut bien me garder contre lui, je ferme les yeux en essayant de trouver le sommeil. La chaleur de sa peau, ses doigts dans mes cheveux m’aident à me détendre et étrangement même le fait d'être quasiment nue n'est plus un problème. Au contraire, je me réhabitue peu à peu à la sensation de nos corps en contact, peau contre peau, et ça me plaît infiniment. Je ne me soucie pas vraiment de l’heure, je n’ai pas peur d'être en retard au dinner. Disons que passer du temps avec Slavenko est bien plus important à mes yeux que d'être ponctuelle, même si j’ai besoin de ce travail… J'ai bien plus besoin de lui. Je finis par trouver le sommeil, sans trop avoir besoin de lutter, et je sombre entre ses bras, contre son corps brûlant. Il fait si chaud que dans mes songes, j’ai l’impression d'être de nouveau en vacances, ou même dans notre appartement à NY quand il mettait le chauffage à fond pour moi. C’est la même sensation de nos peaux moites de sueur, de la chaleur infernale et de nos corps qui se cherchent pourtant, désireux de se fondre l’un dans l'autre une nouvelle fois. Il ne manque que l'odeur de sexe saturant l’air pour que l’illusion soit totale. C'est étrange mais d’ailleurs je ne fais pas de cauchemars, je cherche sa peau dans mon sommeil, mes mains glissant sur son dos ou ses flancs, mon corps n’ayant de cesse de se presser contre le sien.